Des négociateurs européens veulent encore croire possible un compromis sur une enveloppe de près de 1.000 milliards d'euros sur sept ans (2014-2020) et sa répartition.

Mais le Premier ministre britannique a redit en arrivant à Bruxelles sa détermination à "négocier très durement" pour défendre les intérêts des contribuables du Royaume-Uni et le rabais arraché de haute lutte en 1984 sur sa contribution.

Une position qualifiée d'"ultimatum" par le président du Parlement européen, Martin Schulz.

David Cameron a été le premier des 27 chefs d'Etat et de gouvernement reçus en tête à tête par le président du Conseil européen pour sonder les chances d'aboutir à un compromis.

Compte tenu des contraintes budgétaires des pays membres, Herman Van Rompuy propose de réduire de 75 milliards d'euros l'enveloppe de 1.033 milliards d'euros initialement proposée par la Commission européenne - des réductions qui atteignent même 80 milliards en tenant compte de programmes hors budget.

David Cameron exige des coupes beaucoup plus substantielles - de l'ordre de 150 milliards - pour ramener le montant global à 886 milliards d'euros. Selon un de ses porte-parole, il a fait valoir que les propositions Van Rompuy constituaient certes "un pas dans la bonne direction" mais "n'allaient pas assez loin".

"Il a aussi réaffirmé que le rabais était pleinement justifié et que nous n'acceptions aucun changement", a ajouté le porte-parole, selon qui "il est clair qu'il y a encore un long chemin avant que nous arrivions à un accord".

DIVERGENCES MULTIPLES

Un avis partagé par le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, pour qui les positions ne se sont pas suffisamment rapprochées pour parvenir rapidement à un accord.

Des concessions trop importantes envers le Royaume-Uni - qui a des alliés en Suède et aux Pays-Bas - ne manqueraient pas d'entraîner un raidissement des autres pays, dont la France.

"Je ne viens pas poser des ultimatums mais je viens chercher un bon compromis", a déclaré le président François Hollande à son arrivée au Conseil européen. "Aucun pays ne peut venir chercher ce qu'il a versé. Autrement, il n'y a plus d'Europe."

Français et Allemands pourraient s'accorder sur une réduction du budget pluriannuel d'environ 100 milliards par rapport aux propositions de la commission et tenter de rallier d'autres Etats membres à cette position, dit-on à Paris.

Mais les négociations s'annoncent d'autant plus difficiles que la position britannique et l'enveloppe pluriannuelle - dont l'évaluation varie d'ailleurs selon des modes de calcul souvent obscurs - ne constituent qu'une partie du problème.

Au-delà des coupes budgétaires proposées, c'est aussi la répartition de l'effort qui divise les Européens.

Les membres les plus récents de l'Union, comme la Pologne, s'accrochent aux fonds de cohésion - environ un tiers de l'enveloppe globale - qui leur ont permis de se moderniser.

La France, qui leur a apporté son soutien, a de son côté beaucoup à perdre d'une diminution du budget de la Politique agricole commune (PAC), qui constitue un autre tiers du budget - et juge inacceptables les réductions envisagées dans ce secteur.

Une position proche de celle de l'Italie, dont le Premier ministre, Mario Monti, a jugé "essentiel" d'améliorer le projet en ce qui concerne l'agriculture et la cohésion.

JUSQU'À LUNDI ?

D'autres pays, comme l'Allemagne, estiment que le budget européen doit répondre aux défis du moment et estiment que l'agriculture absorbe trop de fonds au détriment, par exemple, de la recherche ou des investissements.

"Il s'agit de l'avenir durable de l'Union européenne (...), d'un meilleur usage des crédits", a expliqué la chancelière Angela Merkel à son arrivée. "L'Allemagne négociera de façon constructive et défendra naturellement ses intérêts."

La France, l'Italie et d'autres pays veulent enfin que soient revus à la baisse, outre la ristourne britannique, les "rabais" accordés depuis à l'Allemagne, aux Pays-Bas ou à la Suède et qui augmentent d'autant leurs propres contributions.

Les dirigeants européens se préparent donc à une réunion marathon qui pourrait se prolonger, selon les plus pessimistes, jusqu'à dimanche - voire "si nécessaire jusqu'à lundi", a même dit le chancelier autrichien Werner Faymann.

Mais d'autres estiment que le sommet pourrait s'arrêter vendredi si un compromis paraît hors de portée à ce stade.

Angela Merkel a jugé possible mercredi un nouveau sommet au début de l'an prochain et le président du Conseil espagnol, Mariano Rajoy, a estimé qu'un report ne serait pas "un drame" pour un budget qui ne prendra effet qu'en 2014.

Le Conseil européen proprement dit ne devait commencer qu'à l'heure du dîner, après que Herman Van Rompuy aura fini de "confesser" tous les dirigeants de l'UE.

A défaut d'un accord unanime, ce sommet pourrait au moins permettre de dégager les éléments d'un futur compromis et de constituer une majorité autour d'un début de position commune.

En cas d'échec, le budget 2013 serait reconduit en 2014, ce qui implique une stabilité, non une réduction. Mais le risque est surtout qu'il entraîne un véritable divorce entre la Grande-Bretagne et l'Europe, dont David Cameron fait planer la menace.

Confronté à une vague d'euroscepticisme en Grande-Bretagne, il envisage d'organiser en 2015 en référendum sur les liens entre son pays, qui s'est déjà mis à l'écart d'un certain nombre de politiques communes, et l'Union.

Edité par Yves Clarisse

par Emmanuel Jarry et Julien Ponthus