Paris (awp/afp) - Avis de tempête ou simple coup de vent? La Bourse de Paris, comme ses homologues européennes, va demeurer prudente durant les jours à venir, après une semaine qui a vu les nuages s'accumuler.

Venus de la péninsule italienne, les cumulonimbus ont aussi fait sentir leurs effets de l'autre côté des Alpes, entraînant les Bourses dans le rouge. Sur une semaine, l'indice CAC 40 a cédé près de 1,4%. A Francfort le Dax a reculé de 1,65%. Le marché britannique a de son côté quasiment fait du surplace.

"La semaine a été animée quasi exclusivement par le risque politique en Italie, qui ravive les craintes connues en 2011", explique à l'AFP Florence Barjou, responsable de la gestion multi-actifs chez Lyxor.

Le feuilleton politique italien a occupé le devant de la scène. Après près de trois mois de tractations et de rebondissements, le Mouvement 5 étoiles (M5S, antisystème) et la Ligue (extrême droite), arrivés en tête lors des élections législatives, ont trouvé un compromis avec le président Sergio Mattarella, qui leur demandait des garanties sur le maintien de l'Italie dans la zone euro.

Mais avant d'en arriver là, la coalition avait d'abord volé en éclats lorsque le président avait mis son veto au choix d'un eurosceptique pour le ministère de l'Economie.

Les investisseurs ont alors craint "la perspective de nouvelles élections et éventuellement d'un référendum contre l'euro. Tous les opérateurs ont peur que l'Italie soit la pièce qui fasse effondrer le château de cartes", souligne auprès de l'AFP Daniel Gerino, directeur de la gestion et président de Carlton Sélection.

"Il y a la crainte de voir le système européen s'effondrer. Or la Banque centrale européenne n'a plus de marge de manoeuvre. Ce serait une crise provoquant une nouvelle intervention de la BCE, qui n'a plus de cartouche", explique le spécialiste.

Les conséquences ne se sont pas fait attendre, le taux d'emprunt italien à dix ans grimpant mardi à 3,439%, son niveau le plus haut depuis mars 2014.

Finalement, au terme de nouvelles négociations, le premier gouvernement d'alliance entre le M5S et la Ligue a prêté serment vendredi. Il sera placé sous la direction de Giuseppe Conte, un novice en politique qui a promis une politique anti-austérité et sécuritaire, avec comme ministre des Finances Giovanni Tria, un professeur d'économie politique qui n'est pas favorable à la sortie de l'Italie de la zone euro.

Dans la foulée de cette annonce, les marchés ont repris des couleurs, mais l'épisode orageux est-il pour autant fini?

- Protectionnisme américain -

"Pour l'instant le pire, c'est-à-dire de nouvelles élections avec un référendum, a été évité. Nous avons un gouvernement avec un ministre des Finances qui n'est pas un eurosceptique affiché. Mais c'est loin d'être terminé", avertit Florence Barjou. "Il reste des questions sur ce que devient l'Italie à moyen terme."

En outre, avec des ministres sans grande expérience politique, "il est possible qu'il y ait des phrases malheureuses en début de législature", ajoute la spécialiste.

Les investisseurs resteront par ailleurs attentifs aux annonces des Etats-Unis en terme de protectionnisme, après l'entrée en vigueur vendredi des taxes américaines sur l'acier et l'aluminium.

"Le marché se dit que c'est une technique de négociation un peu brutale. Il apprend à ne pas surréagir aux déclarations intempestives du président américain", observe Mme Barjou.

A Francfort, l'évolution de Deutsche Bank sera surveillée de près. Les ennuis s'accumulent pour l'institution, dont la filiale américaine a été classée par un régulateur américain dans la liste des banques dont les vulnérabilités menacent leur survie.

En macroéconomie, les opérateurs prendront connaissance au Royaume-Uni des indices PMI dans la construction et les services en mai. Ceux-ci pourraient donner une idée de l'état de santé de l'économie après un mauvais premier trimestre, au moment où la consommation des ménages reste fragile.

En zone euro, les prix à la production industrielle en avril seront attendus, et aux Etats-Unis, les commandes industrielles seront regardées de près.

Sur la semaine écoulée, les statistiques, pourtant nombreuses, ont été quasiment balayées par la politique. Même le très bon rapport sur l'emploi américain, avec un taux de chômage tombé à son plus bas niveau depuis 18 ans, a eu un effet limité. Les vents transalpins sont parfois puissants.

afp/rp