PARIS, 12 juillet (Reuters) - Fitch Ratings a annoncé vendredi avoir abaissé de AAA à AA+ la note à long terme de la dette souveraine de la France en lui assignant une perspective stable.

Vous trouverez ci-dessous le texte du communiqué publié par l'agence de notation : FONDAMENTAUX DES NOTES

L'abaissement des notes en devises et en monnaie locale de la France reflète les facteurs clés de notation suivants et leur importance relative : Importance élevée : Fitch prévoit à présent que la dette consolidée de l'Etat culminera à 96% du PIB en 2014 et ne baissera que progressivement sur le long terme pour se maintenir à 92% en 2017. Ceci est à comparer avec les précédentes estimations de Fitch en décembre 2012 qui situaient le pic de dette à 94% (et 92% lorsque la perspective avait été revue à Négative en décembre 2011) avec une baisse plus rapide sous les 90% d'ici 2017. L'agence indiquait lors de sa précédente revue de notation que ce chiffre se situait à la limite du niveau d'endettement compatible avec le maintien du statut 'AAA' pour la France, en posant l'hypothèse que l'Etat s'engage à réduire durablement la dette à compter de 2014.

Ses estimations situent le ratio de dette à un niveau sensiblement plus élevé que la médiane actuelle de 49% pour les pays 'AAA' et de 27% pour les pays notés 'AA'.

Le seul pays 'AAA' ayant un ratio de dette supérieur sont les Etats-Unis (AAA/ perspective Négative) qui disposent d'une flexibilité financière et d'une tolérance à la dette exceptionnelles du fait de la prééminence du dollar américain en tant que monnaie de réserve mondiale.

Les chiffres de Fitch se situent dans le bas de la fourchette des estimations en raison des incertitudes concernant les perspectives de croissance et la persistance de la crise de la zone euro, même si le gouvernement maintient ses objectifs de consolidation budgétaire.

En raison de cet endettement durablement élevé, la marge de man÷uvre permettant d'absorber de nouveaux chocs sera réduite. Importance moyenne La production et les prévisions économiques sont nettement plus faibles que lors de la précédente revue des notes par Fitch qui avait conduit l'agence à réviser la perspective à Négative.

Le taux de chômage a également bondi à son plus haut niveau depuis 15 ans, soit 10,9% en mai 2013. La dégradation des perspectives économiques se traduit par un déficit budgétaire accru et par le maintien, par l'Union européenne, d'une procédure de déficit excessif pour la France pendant une année supplémentaire.

Fitch s'attend à une reprise de l'économie française plus lente que ne l'indiquent les estimations officielles en raison de l'atonie de la demande externe, de la détérioration de la compétitivité, du chômage élevé et de la consolidation budgétaire. D'après les dernières estimations de l'agence, le PIB devrait se contracter en 2013 avant d'augmenter de 0,7% en 2014.

Comme l'ont souligné des organismes internationaux tels que l'OCDE, le FMI et la Commission européenne, l'économie française est confrontée à plusieurs difficultés structurelles, en particulier un déclin de la compétitivité et de la rentabilité des entreprises, ainsi que des rigidités persistantes dans le marché du travail et celui des biens et services.

Tout ceci pèse sur les perspectives à moyen terme. Les estimations de Fitch concernant le potentiel de croissance à long terme est globalement inchangé, autour de 1,5%.

Le déficit du compte courant de la France s'élevait à 2,3% du PIB en 2012. Alors qu'il était excédentaire il y a une dizaine d'années, le compte courant n'a cessé de se détériorer, traduisant une perte de compétitivité et de parts de marché à l'export. Cette évolution se reflète dans l'accroissement de la dette extérieure nette, qui a augmenté à 25% du PIB, comparé à 20% pour la médiane des pays notés 'AAA'.

Malgré la perte du statut de pays 'AAA' de la France, son risque de crédit de reste faible, ce qui est reflété par sa note 'AA+' avec perspective stable ; celle-ci repose principalement sur les facteurs suivants :

- Une économie riche et diversifiée et une stabilité politique servie par des institutions civiles et sociales solides et efficaces.

- Compte tenu de la maturité de la dette, qui est de sept ans en moyenne, Fitch considère que le risque de refinancement est très faible ; par ailleurs, le coût de la dette est faible et la France, du fait de son statut d'émetteur de référence de la zone euro, bénéficie d'une flexibilité financière importante.

- La France bénéficie depuis longtemps d'une relative stabilité macrofinancière, avec notamment un niveau d'inflation faible et peu volatil. De plus, le taux d'endettement des ménages est modéré et leur taux d'épargne élevé.

- Depuis son arrivée au pouvoir l'an dernier, le gouvernement socialiste a lancé un ambitieux programme de réformes structurelles, en particulier le Pacte national pour la Croissance, la Compétitivité et l'Emploi, et différentes réformes du marché du travail. Ces mesures pourraient contribuer à améliorer la croissance et le compte courant de la balance des paiements sur le long terme. Toutefois, les effets des nouvelles mesures sont difficiles à quantifier et il n'est pas certain que toutes les réformes puissent aboutir.

- Les réformes structurelles récentes de la procédure budgétaire à travers la loi organique qui transpose le Pacte budgétaire européen en droit français renforcera la crédibilité de la politique budgétaire française. Dans le cadre de ces réformes, un organisme indépendant, le Haut conseil des finances publiques, a été créé. Il a pour mission d'émettre des avis sur les prévisions de croissance sur lesquelles s'appuient les prévisions budgétaires. Il veillera également au respect par le gouvernement de la loi pluriannuelle de programmation et sera chargé d'identifier et de signaler tout dérapage budgétaire important.

- Les risques liés au système bancaire français ont diminué avec l'amélioration de la qualité des actifs des banques, de leur financement et de leur niveau de capitalisation, bien qu'elles maintiennent une importante exposition à l'Italie.

- La crise de la zone euro s'est atténuée au cours des douze derniers mois ; ceci est lié à la mise en ÷uvre, par les pays, de réformes budgétaires appuyées par des politiques européennes, notamment le TMO de la BCE et les progrès en vue de la réalisation de l'union bancaire. Cependant, selon Fitch la crise de l'euro n'est pas terminée, les pays de la zone devant faire face à des dettes contingentes importantes. Les garanties accordées à ce jour par la France au FESF s'élèvent à 48,1 milliards d'euros, soit 2,4% du PIB. De plus, le capital qu'elle a versé au titre de sa quote-part au Mécanisme européen de stabilité (MES) s'élève à 16,2 milliards d'euros, auxquels s'ajoutent 126,4 milliards d'euros de capital appelable. FACTEURS DE SENSIBILITE

La perspective Stable indique qu'un changement de note souveraine n'est pas actuellement envisagé pour les deux années à venir. Les principaux facteurs susceptibles d'entraîner, individuellement ou collectivement, une décision de notation négative sont les suivants :

- Un affaiblissement marqué des finances publiques par rapport aux estimations de base de Fitch.

- Une détérioration de la compétitivité et des perspectives de croissance.

- Une intensification de la crise de la zone euro ou la matérialisation des importantes dettes contingentes inscrites au bilan de l'Etat. Les principaux facteurs pouvant entraîner, individuellement ou collectivement, une décision de notation positive sont les suivants :

-Une diminution du déficit budgétaire et du ratio d'endettement public à un rythme sensiblement plus rapide que nos estimations actuelles et permettant d'atteindre des niveaux moins risqués.

- Une reprise de l'économie française sensiblement plus forte que nos estimations actuelles et une confiance accrue dans les perspectives de croissance à moyen terme, par exemple à travers la mise en ÷uvre de réformes structurelles profondes. PRINCIPALES HYPOTHESES Les incertitudes, à court et moyen terme, sur l'évolution de la production, du chômage et du déficit de l'Etat persistent.

Fitch prévoit notamment une contraction de l'économie française de 0,3% en 2013 puis une croissance de 0,7% en 2014 et de 1,2% en 2015 ; l'économie devrait ensuite converger en 2016 vers son taux de croissance moyen de 1,5%.

Ces chiffres sont à comparer avec les estimations du gouvernement d'une croissance de 0,1% en 2013, 1,2% en 2014 et 2% en 2015 et 2016. Cette divergence dans les prévisions explique la différence entre l'estimation du ratio de dette sur PIB réalisée par l'agence et les chiffres officiels.

Fitch s'attend à ce que le déficit budgétaire publié demeure au-dessus de 3% du PIB jusqu'en 2014, avant de diminuer à 1% du PIB en 2017, à la fin du mandat de l'actuel président. Le gouvernement prévoit un déficit de 2,9% du PIB diminuant à 0,7% à ces mêmes dates.

Fitch prend pour hypothèse qu'il n'y aura pas de contributions de la France aux fonds de secours européens - le FESF et le MES - autres que celles déjà annoncées. Le montant cumulé du programme d'aide financière de la zone euro s'élèvera à 69 milliards d'euros en 2014 (3,4% du PIB), essentiellement composé des nouveaux décaissements du FESF à la Grèce et de contributions au capital du MES.

Selon Fitch, l'Etat français continuera à se financer sur les marchés à des taux d'intérêt faibles.

A partir de son modèle de notation souveraine, l'agence estime que la tolérance à la dette des Etats de la zone euro, à niveau de note égal, est plus faible que celle des Etats non-européens, dont la devise est une monnaie de réserve et dont les banques centrales nationales ont la volonté et la capacité d'intervenir sur les marchés de la dette souveraine.

Fitch ne s'attend pas non plus ce que l'Etat s'endette pour soutenir le secteur bancaire. Les données fournies par Eurostat montrent qu'à fin 2012, 2,2 milliards d'euros de dettes de l'Etat étaient liés au soutien du système bancaire. Les dettes contingentes relatives aux garanties apportées au secteur bancaire s'élevaient à 50,6 milliards d'euros (2,5% du PIB).

Selon Fitch, l'intégration budgétaire et financière de la zone euro se poursuivra conformément aux engagements pris par les responsables politiques et le risque d'éclatement de la zone euro reste faible. ()