* Un prévenu déjà condamné deux fois à perpétuité

* Il nie toute implication

* Une interview au coeur des accusations, il la conteste

par Chine Labbé

PARIS, 12 mars (Reuters) - Plus de 40 ans après les faits, "Carlos" devra répondre à partir de lundi devant la cour d'assises spéciale de Paris de l'attentat à la grenade contre le drugstore Publicis du boulevard Saint-Germain à Paris, qui avait fait deux morts et 34 blessés le 15 septembre 1974.

Désormais âgé de 67 ans, celui qu'on surnommait "le Chacal", emprisonné depuis 23 ans en France, a déjà été condamné deux fois à la réclusion criminelle à perpétuité.

Figure mythique de l'activisme armé d'extrême gauche, il s'est fait connaître dans le monde entier avec l'enlèvement en décembre 1975 à Vienne de onze ministres de l'Opep en compagnie d'un commando. Son nouveau procès est prévu jusqu'au 31 mars.

L'ancien "ennemi numéro un" des années 1970 et 1980, qui se tient "prêt au combat" avant l'ouverture de l'audience, selon son avocat, nie toute implication dans cet attentat.

"Les charges qui pèsent contre lui sont inexistantes", dit à Reuters son conseil, Me Francis Vuillemin. "Comme d'habitude dans chacune des affaires qui le concerne, il attend de l'accusation qu'elle prouve sa culpabilité prétendue."

L'avocat fustige notamment des témoignages "contradictoires et malhonnêtes" (17 témoins sont attendus à l'audience), et une procédure "qui n'a pas respecté le droit", notamment en matière de prescription.

Après de multiples rebondissements judiciaires et deux non-lieux prononcés en 1983 puis en 1999, faute d'auteur identifié d'abord, puis de charges suffisantes ensuite, l'affaire a finalement été relancée par le parquet général et une association de victimes du terrorisme.

La prescription alors avancée par la défense a été rejetée par la justice, au titre de la "connexité" entre les différents dossiers visant le Vénézuélien.

Mais pour Me Vuillemin, "c'est de la connexité sur-mesure, pour forcer l'existence d'un procès qui n'aurait jamais dû avoir lieu".

"AUCUNE AUTRE PISTE"

Le 15 septembre 1974, à 17h10, une grenade était lancée dans la galerie marchande du Drugstore Publicis.

A l'époque, "Carlos", de son vrai nom Ilich Ramirez Sanchez, évoluait entre Paris, Londres, la Suisse et les Pays-Bas.

L'enquête a établi des liens entre cet attentat, "Carlos", et la prise d'otages, commencée deux jours auparavant, de 11 personnes à l'ambassade française de La Haye, aux Pays-Bas, par des Japonais de l'"Armée rouge japonaise".

L'engin explosif utilisé au drugstore Publicis - une grenade à main défensive d'origine américaine - provenait d'un même lot que les trois grenades utilisées lors de la prise d'otages, et qu'une autre grenade retrouvée dans un appartement parisien ayant servi de repaire à "Carlos".

Par ailleurs, quelques années plus tard, dans une interview publiée dans Al Watan puis dans Le Figaro Magazine, "Carlos" a revendiqué la paternité de l'attentat du drugstore, faisant lui-même le lien avec la prise d'otages de La Haye.

D'après ses explications dans cette interview, dont il conteste la véracité, assurant n'avoir jamais accordé d'entretien au journaliste, l'attentat visait à faire pression sur les autorités françaises pour faire aboutir les négociations engagées par les preneurs d'otages de La Haye, dont l'objectif était de faire libérer un membre de l'"Armée rouge japonaise" arrêté à Orly.

"Il n'est apparu depuis les faits aucune autre piste crédible pouvant expliquer cet attentat", note l'accusation.

Remis à la France par le Soudan en août 1994, "Carlos" a été condamné deux fois à perpétuité en France : en 1997 d'abord pour les assassinats de deux policiers français et de leur informateur en 1975 à Paris, puis en 2011 (une peine confirmée en juin 2013) pour sa complicité dans quatre attentats qui ont fait onze morts et près de 150 blessés en 1982 et 1983. (édité par Yves Clarisse)