(Actualisé avec réaction du Hezbollah §4-5)

par Justyna Pawlak et Adrian Croft

BRUXELLES, 22 juillet (Reuters) - Les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne ont décidé lundi d'inscrire la branche militaire du Hezbollah libanais sur la liste de l'UE des organisations terroristes.

"Un accord a été trouvé pour y inscrire le Hezbollah", a dit un diplomate de l'UE en marge de cette réunion à Bruxelles. Trois autres diplomates ont confirmé ses dires.

Le Royaume-Uni, soutenu entre autres par la France et les Pays-Bas, cherchait depuis le mois de mai à persuader les autres pays européens de prendre cette décision.

Le Hezbollah, qui est à la fois un parti politique présent dans le gouvernement libanais et une milice forte de plusieurs milliers d'hommes armés, a dénoncé une "décision agressive et injuste qui ne repose sur aucune preuve".

Dans un communiqué, l'organisation affirme que l'UE a agi sous l'influence des Etats-Unis et d'Israël et que la déclaration de lundi a été "rédigée par la main américaine avec de l'encre sioniste".

Le ministre libanais des Affaires étrangères, Adnan Mansour, a jugé la décision européenne "hâtive" et susceptible de compliquer un paysage politique libanais déja complexe.

"Cela va à l'avenir gêner la vie politique libanaise, particulièrement si l'on considère les différentes sensibilités de notre pays", a-t-il dit.

Londres a mis notamment en avant des preuves montrant l'implication de la branche militaire du Parti de Dieu dans un attentat à la bombe contre un car de touristes israéliens en juillet 2012 dans une station balnéaire de Bulgarie. Cinq Israéliens et leur chauffeur avaient trouvé la mort.

En outre, les partisans des sanctions ont souligné que l'implication croissante du Hezbollah dans la guerre civile en Syrie signifiait que le Liban était déjà dans une situation fragile et que l'UE devait considérer la possibilité d'attentats en Europe.

"Un nombre croissant de gouvernements considèrent le Hezbollah comme la dangereuse organistion terroriste qu'elle est", a noté le secrétaire d'Etat américain John Kerry.

Pour la Maison blanche, cette mise au ban du Hezbollah constitue un message fort selon lequel l'organisation islamiste ne pourra pas agir impunément.

Le ministre britanique des Affaires étrangères, William Hague, y voit une occasion d'une meilleure coopération entre les instances judiciaires européennes. Cette décision entraîne le gel immédiat des actifs que posséderait le mouvement chiite libanais dans les 28 pays de l'UE.

CAPACITÉ D'ACTION LIMITÉE

"C'est une bonne chose que l'Union européenne ait décidé de qualifier le Hezbollah tel qu'il est : une organisation terroriste", a déclaré le ministre néerlandais des Affaires étrangères, Frans Timmermans, en marge de la réunion.

"Nous avons pris cette mesure importante aujourd'hui en réglant le cas de l'aile militaire du Hezbollah, en gelant ses avoirs, en faisant obstacle à son financement et en limitant ainsi sa capacité d'action", a-t-il ajouté.

Jusqu'à maintenant, l'UE avait résisté aux pressions des Etats-Unis et d'Israël pour inscrire le Hezbollah sur sa liste noire en expliquant qu'une telle décision pourrait compliquer les relations de l'UE avec le Liban, où le mouvement chiite est au gouvernement, et accroître les tensions au Proche-Orient.

"Nous nous sommes mis d'accord sur le fait que les transferts financiers légitimes vers le Liban et la fourniture d'une aide de l'Union européenne et de ses Etats membres ne seraient pas affectés", a expliqué Catherine Ashton, haute représentante de la diplomatie européenne, se voulant rassurante.

Pour étayer sa position, le Royaume-Uni cite aussi la peine de quatre ans de prison à laquelle a été condamnée en mars à Chypre un membre du Hezbollah accusé d'avoir fomenté des attentats contre des intérêts israéliens sur l'île.

Le Hezbollah a été créé à Damas par l'Iran en 1982 comme un moyen de lutte contre Israël après son entrée au Liban. Son implication dans le conflit syrien est considérée comme un élément majeur permettant au président Bachar al Assad de résister au soulèvement organisé par la majorité musulmane sunnite.

Pour Amal Saad Ghoraïeb, qui a écrit un livre sur le Hezbollah, cette organisation ne sépare pas formellement son aile militaire de son aile politique. Elle estime donc qu'il sera difficile d'identifier les dirigeants du "Parti de Dieu" concernés par cette mesure.

"C'est plus une décision politique que judiciaire. Elle ne peut pas avoir de véritables et significatives implications d'un point de vue judiciaire", ajoute-t-elle en estimant qu'il semble s'agir d'une "opération de relations publiques". (Danielle Rouquié et Hélène Duvigneau pour le service français, édité par Pascal Liétout)