Nous vous épargnerons ici le détail des calculs de Wieladek, pour aller à l'essentiel. "Le protectionnisme américain pourrait être perturbant, en particulier si les surtaxes sont élevées et si elles entraînent des mesures de rétorsion. Les marchés émergents seront plus affectés que les économies développées", estime l'économiste, dont les travaux montrent que l'impact macroéconomique des seules mesures tarifaires sur l'acier serait assez faible (le volume financier concerné en l'occurrence est modeste, seulement 0,33% des importations américaines, même en écartant les exemptions).

En ajoutant les menaces envers la Chine, portant sur 50 voire 100 milliards de dollars, les conséquences seraient évidemment plus lourdes, mais la modélisation montre surtout que les économies émergentes seraient les plus touchées. "L'impact sur le PIB des économies émergentes est deux fois plus élevé que sur les économies développées", explique le représentant de Barclays. Quant à l'impact sur les prix, il est "cinq fois plus élevé pour les économies émergentes". Les deux tableaux ci-dessous résument cette analyse, même si Barclays prévient que la hausse en année 1 est soumise à un grand nombre d'aléas.
 

A gauche, l'impact pour les économies émergentes des différents scénarios. A droite, les économies développées. Les données à l'extrême droite de chaque tableau intègrent les mesures sur l'acier, sur la Chine et les représailles des autres économies (source Barclays).

Un exercice délicat à cause de nombreuses variables

Certains facteurs viennent mitiger l'impact macroéconomique calculé par Barclays. Par exemple, au début de la mondialisation, les Etats-Unis avaient un gros arsenal protectionniste, mais les mesures de rétorsion étaient finalement rares (ce qui ne devrait pas être le cas cette fois-ci). Par ailleurs, les Etats-Unis et l'Union européenne ont souvent recours à l'OMC pour trancher leurs contentieux, ce qui pourrait contribuer à limiter les effets. Enfin, Donald Trump œuvre aussi à la dérégulation dans son pays en supprimant certaines autres barrières à l'entrée, ce qui pourrait  atténuer l'effet de certaines mesures en limitant la hausse du coût des biens par le truchement de l'offre de services.

Pour autant, d'autres éléments rentrent en ligne de compte, comme la rapidité de la mise en œuvre des mesures, les effets de second tour et les interactions avec la confiance des acteurs économiques. Au final, les mesures protectionnistes américaines agissent comme un choc de l'offre qui aura quoi qu'il arrive des conséquences négatives sur l'économie mondiale. Elles apparaissent toutefois nettement moins vigoureuses que celles qui ont historiquement pu être adoptées, comme le montre le graphique suivant. 
 

Des mesures à relativiser (source Barclays)
Des marchés financiers stoïques ?

Au 1er juin, l'actualité politique européenne semble prendre le pas sur l'escalade de la guerre commerciale. Le compromis trouvé en Italie sur une coalition gouvernementale entraîne un rebond des indices en Europe et des futures américains, ce malgré le changement de majorité qui se profile en Espagne. Nous n'irons pas jusqu'à dire que le marché a déjà pris en compte la montée du protectionnisme, mais il paraît l'avoir classé au second rang derrière le risque politique... du moins à très court terme.