Il y a matière à le penser, au moins dans le cas de l’Europe et des Etats-Unis, où elles s’accompagnent de promesses toujours semblables — ne pas fermer de sites ni délocaliser de production — et en réalité rarement tenables. 

Elles suscitent aussi toujours les mêmes hystéries politiciennes, comme en témoigne la vive opposition bi-partisane au rachat de US Steel par Nippon Steel. Hier, Kamala Harris rejoignait ainsi Donald Trump dans sa prise de position.

Nippon place pourtant une très généreuse prime sur la valorisation de US Steel. Son offre est plus de moitié supérieure à celle qu’avait formulée Cleveland-Cliffs quelques mois plus tôt. Coté indépendamment, US Steel commandait une valorisation de $5 milliards. Nippon, lui, se dit prêt à payer $12.1 milliards. 

Le groupe de Pittsburg n’est que le vingt-quatrième producteur mondial, derrière ses compatriotes Nucor et Cleveland-Cliffs. Preuve de sa dégringolade et de sa non-compétitivité structurelle face à la concurrence asiatique, à l’aube de la crise financière de 2008, il était le huitième producteur mondial. 

Nippon Steel, pour sa part, est le quatrième producteur mondial depuis sa fusion avec Sumitomo Metal. Le japonais amènerait à l’américain des débouchés et des moyens financiers qu’il ne trouverait jamais ailleurs. Les $2.7 milliards qu’il proposait par exemple de directement investir dans sa modernisation représentent plus de trois années du dernier profit d’exploitation de US Steel.

En restructuration continue depuis dix ans — devrait-on écrire : depuis toujours — le groupe américain n’échappe pas au sort des autres sidérurgistes occidentaux, prisonnier qu’il reste d’une rentabilité insuffisante et d’une incapacité chronique à générer suffisamment de cash-flow libre pour rémunérer ses actionnaires avec régularité. 

Quoique inégal, l’historique de profitabilité de Nippon Steel est sensiblement plus reluisant. Le groupe a maintenu son endettement sous contrôle et distribué $1.9 milliard de dividendes à ses actionnaires ces trois dernières années.

A long-terme, sa performance de création de valeur fut toutefois médiocre. Preuve en est que le cours de son action est au même niveau aujourd’hui qu’il y a quinze ans, et que les distributions de dividendes ne reprirent qu’en 2017.

En tout cas, la course à l’échelle et à la consolidation continue dans la sidérurgie. Les fusions-acquisitions vont bon train en Asie, devenu depuis longtemps l’épicentre de la production mondiale d’acier. 

Après sa tentative avortée de mettre la main sur US Steel, Cleveland-Cliffs s’est rabattu cet été sur le canadien Stelco. En Europe, l’homme d’affaires Daniel Křetínský se positionne pour racheter les actifs sidérurgiques de ThyssenKrupp

Ces développements surviennent dans un contexte inquiétant. L’économie mondiale ralentit et le secteur chinois de la construction est entré dans un véritable hiver nucléaire. Ces éléments relancent les craintes de voir les producteurs chinois pratiquer un dumping agressif sur les marchés internationaux, ce à quoi ils s’adonnèrent déjà sans retenue lorsque la conjoncture était meilleure.

Devant cette toile de fond, le rachat de US Steel était sans doute ce qui pouvait lui arriver de plus heureux.