LONDRES (awp/afp) - Deux jours après son offensive de charme à Washington, la Première ministre britannique Theresa May s'est résolue dimanche à dénoncer les restrictions à l'immigration imposées par le président américain Donald Trump, après avoir été vivement critiquée pour avoir d'abord refusé de le faire.

"La politique d'immigration des Etats-Unis est l'affaire du gouvernement des Etats-Unis (...). Mais nous ne sommes pas d'accord avec ce type d'approche", a déclaré un porte-parole de Theresa May.

Downing Street a précisé dimanche avoir demandé à la ministre de l'Intérieur Amber Rudd et au ministre des Affaires étrangères Boris Johnson d'intervenir auprès de leurs homologues américains "afin de protéger les droits des ressortissants britanniques".

M. Johnson avait jugé plus tôt dimanche que "stigmatiser en fonction d'une nationalité est néfaste et source de divisions".

Mais la réaction du gouvernement britannique est intervenue tard: samedi, lors d'une visite en Turquie, Mme May avait refusé de critiquer l'initiative américaine, déclenchant une vive polémique au Royaume-Uni.

"Les Etats-Unis sont responsables de la politique des Etats-Unis sur les réfugiés", avait déclaré la Première ministre, au lendemain de sa rencontre très commentée avec Donald Trump à Washington.

Une pluie de critiques s'est aussitôt abattue sur la cheffe du gouvernement conservateur, accusée jusque dans son propre camp de renier les droits de l'homme au profit de la "relation spéciale" entre Londres et Washington: "Je me fiche de la relation spéciale, certaines lignes ne doivent juste pas être franchies", a réagi sur Twitter la députée conservatrice Heidi Allen.

Nadhim Zahawi, député conservateur né en Irak, a lui expliqué que les restrictions à l'immigration décrétées par Washington l'empêcheraient désormais de se rendre aux Etats-Unis malgré son passeport britannique. "C'est humiliant", a-t-il dit sur la BBC, se disant toutefois "rassuré" par la réaction de Theresa May.

Le chef de l'opposition travailliste, Jeremy Corbyn, s'est montré plus ferme: "Theresa May décevra les Britanniques si elle ne reporte pas la visite de Trump (au Royaume-Uni) et ne condamne pas ses actions dans les termes les plus clairs", a-t-il tweeté dimanche, tandis qu'une pétition en ligne visant à empêcher toute visite d'Etat de Donald Trump au Royaume-Uni avait récolté près de 400.000 signatures en fin d'après-midi.

- Droits de l'homme -

Le décret signé vendredi par le président américain, censé protéger le pays de la menace terroriste, interdit l'entrée aux Etats-Unis pour 90 jours aux ressortissants de sept pays musulmans jugés dangereux (Irak, Iran, Yémen, Libye, Syrie, Soudan, Somalie), le temps de revoir les critères d'admission pour les réfugiés en provenance de ces pays.

Les défenseurs des immigrés ont toutefois remporté une première manche contre Trump samedi en obtenant d'un juge qu'il empêche l'expulsion des personnes interpellées en vertu de ce décret.

Theresa May avait affirmé avant de s'envoler pour Washington qu'elle aborderait franchement tous les sujets avec le président américain: "Si je trouve quelque chose inacceptable, je le dirai à Donald Trump", avait-elle assuré.

Mais Mme May - premier dirigeant étranger à avoir rencontré M. Trump depuis son arrivée à la Maison Blanche - était surtout venue discuter commerce, alors que les négociations de sortie du Royaume-Uni de l'UE seront lancées dans la foulée du déclenchement de l'article 50 du Traité de Lisbonne, prévu avant fin mars.

Selon Downing Street, Donald Trump a d'ailleurs accepté d'entamer immédiatement des pourparlers avec la Grande-Bretagne afin de conclure un nouvel accord commercial post-Brexit entre les deux pays.

Pour autant, la Première ministre, qui souhaite multiplier les pourparlers commerciaux en vue de préparer l'après-Brexit - elle ne sera officiellement autorisée à négocier des accords commerciaux qu'après la sortie de son pays de l'UE - risque de se retrouver à nouveau dans ce type de position délicate.

Au moment où elle s'apprêtait à rencontrer le président turc Recep Tayyip Erdogan, samedi, des députés britanniques ont ainsi appelé la Première ministre à ne pas éluder le sujet des purges sans précédent engagées par Ankara après le coup d'Etat avorté du 15 juillet dernier. Interrogée, Mme May a assuré avoir abordé directement le sujet avec M. Erdogan.

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