Le premier constructeur mondial en nombre de véhicules vendus estime que ces dernières lui ont déjà coûté plus de $600 millions par mois en avril et en mai. Il est vrai que plus du quart des véhicules qu’il vend aux Etats-Unis sont directement importés depuis le Japon.

Par ailleurs, les motorisations hybrides de Toyota font un carton en Amérique du Nord. Principale source de profits du groupe, c’est ce segment et sa réussite qui permettent au constructeur d’afficher des marges d’exploitation qui rivalisent avec celles de Mercedes-Benz.

Mais il n’y a pas que les Etats-Unis. Toyota est aussi chahuté à domicile suite à une série de scandales liés à des contrôles qualité truqués. En parallèle, le groupe accusé par ses actionnaires d’entretenir une structure si opaque — avec des centaines de filiales, d’affiliés, de participations croisées et de refacturations mystérieuses — qu’elle en est en réalité indéchiffrable.

L’année dernière, les trois-quarts des investisseurs institutionnels du groupe se déclaraient ainsi insatisfaits de la gouvernance du constructeur — un séisme au pays du soleil levant, où de telles ruptures du consensus sont inhabituelles. 

En réponse, le président du groupe Akio Toyoda — petit-fils du fondateur de Toyota Kiichiro Toyoda — prépare une offre pour privatiser Toyota Industries, la filiale du groupe qui fabrique des métiers à tisser et des chariots élévateurs. Ceci, en théorie, représenterait une première étape vers la simplification du groupe. 

Le cours de l’action avait immédiatement bondi suite à l’annonce, dont l’impact ne s’était pas arrêté à Toyota puisque plusieurs grands groupes industriels se trouvant dans des situations comparables ont également vu leurs valorisations boursières augmenter dans la foulée. Après des décennies d’attentisme, Japan Inc se prépare nettement à une vague d’activisme.    
  
L’autre éléphant dans le magasin de porcelaine, c’est bien sûr le marché chinois qui échappe rapidement aux constructeurs étrangers. Les ventes de Toyota y poursuivent leur tendance baissière, alors que des constructeurs locaux comme BYD et Li Auto affichent eux des croissances à deux chiffres quasiment irréelles. 

Il y a enfin la dépendance du constructeur — et en réalité de l’économie japonaise dans son ensemble — à la faiblesse du yen. C’est parce que celui-ci se déprécie sans cesse que les exportateurs japonais parviennent à demeurer compétitifs sur les marchés internationaux.

La preuve en nombres : en dix ans, de 2016 à 2025, le chiffre d’affaires de Toyota croît à un rythme annualisé de 6.2% en yens, mais de seulement 2.7% en dollars américains ; idem pour le profit, qui croît à un rythme annualisé de 8.2% en yens, mais de 5% en dollars.

La somme de ces vents contraires pèse sur les cash-flows de Toyota, en érosion prononcée ces deux dernières années. Curieusement, ceci n’empêche pas le groupe de retourner plus de $15 milliards à ses actionnaires cette année — un record historique. Faute de cash-flow libre suffisant, ces montants plantureux sont financés par une nette hausse de l’endettement. En yens, la dette nette du constructeur a ainsi quadruplé depuis 2019. 

Cette évolution n’a pas l’air d’affoler le marché. Les analystes de Zonebourse, eux, affichent sans détour leur préoccupation.