A plusieurs reprises par le passé, nous soulignions les écueils d’une activité en réalité beaucoup plus capitalistique qu’il ne semblerait au premier abord, puisque les éditeurs doivent sans cesse réinvestir dans des catalogues de jeux aux durées de vie parfois très courtes, et racheter de petits studios de développement qui viennent compléter leur offre.
Malgré ses sorties de blockbusters en série — avec des franchises en or massif comme, entre autres, GTA, Red Dead Redemption, NBA2K ou Civilization — Take-Two Interactive n’échappe pas à ce paradigme. Pour preuve, en dépit d’une remarquable croissance de son chiffre d’affaires sur la dernière décennie et $3.2 milliards de profits cash — ou cash-flows libres — cumulés sur la période, il n’aura été en mesure de retourner que $1.3 milliard à ses actionnaires, via des rachats d’actions ; le reste a été entièrement consommé par les acquisitions.
Cette difficulté chronique à générer du cash-flow libre était justement la raison avancée pour justifier la méga-acquisition à presque $13 milliards de Zynga, un spécialiste des jeux sur mobiles — ces derniers coûtent moins cher à développer et se transforment en véritables cash-machines pour leurs développeurs, jusqu’à ce que passe l’effet de mode. La transaction a obligé Take-Two à souscrire un peu plus de $3.2 milliards de dettes, ce que l’éditeur n’avait jamais fait auparavant.
Take-Two annonçait la semaine dernière le report de la sortie de GTA 6 — sans doute le jeu le plus attendu de la décennie. Dans ces circonstances, certains observateurs pointaient du doigt la précarité financière dans laquelle pourrait se trouver le groupe basé à New York, qui devrait très prochainement enchaîner sa troisième année consécutive de cash-flow négatif, et qui digère encore les $4 milliards de pertes causées par des dépréciations d’actifs — largement liées à l’acquisition de Zynga, manifestement surpayée.
Mais les analystes de Zonebourse ne voient pas péril en la demeure. GTA 6, c’est certain, va très rapidement regarnir les caisses et survitaminer la génération de cash ; en toute logique, même avec des projections modestes, la dette sera ainsi intégralement remboursée en moins de deux ans. Un nouveau report serait toutefois plus préoccupant, car la dette de Take-Two est structurée à échéances courtes, avec $2 milliards d’obligations qui arrivent à maturité entre mars 2026 et avril 2028.
Le marché actions conserve pour l’instant une foi aveugle dans les perspectives du groupe. En témoigne sa valeur d’entreprise actuelle de presque $42 milliards pour un groupe qui, rappellons-le, n’a jamais dépassé $1 milliard de cash-flow libre par an. Autant dire que le marché, comme Take-Two, parie véritablement la ferme sur GTA 6.