* L'infléchissement des ratio de dette et de déficit sera lent

* L'Italie risque de terminer à BBB-, la France à A+

* L'Allemagne appelée à perdre son triple A

PARIS, 31 janvier (Reuters) - Les agences de notation sont entrées dans une phase d'exagération sur les notes souveraines dont l'Italie mais aussi la France et par ricochet l'Allemagne feront les frais cette année, estime le directeur de la gestion taux et crédit chez Edmond de Rothschild Investment Managers (Edrim).

La trajectoire des finances publiques est traditionnellement marquée par une forte inertie et la perspective d'une contraction de l'activité cette année en zone euro ne permettra pas d'infléchir significativement les ratios de déficit et de dette sur le Produit intérieur brut (PIB) que les agences suivent de près, a souligné Etienne Gorgeon lors d'une présentation à la presse.

Les agences de notation, qui tardent en général à dégrader des émetteurs en difficulté, se rattrapent ensuite et n'échappent pas à une phase d'exagération même si des mesures d'assainissement ont été prises, souligne-t-il en observant que la quasi totalité des Etats de la zone euro, à l'exception de l'Allemagne et de la Slovaquie, ont été mis sous perspective négative par l'une au moins des trois grandes agences de notation.

"Le déclencheur sera la dégradation de l'Italie à BBB- et de l'Europe à AA", a-t-il dit en ajoutant que cela risquait de mettre fin au léger regain d'appétit pour le risque qui est à l'origine de la détente observée depuis début janvier sur les taux des pays périphériques.

Une nouvelle salve de dégradations sera décidée avec la publication des chiffres de l'activité au premier trimestre 2012 qui devraient confirmer la rechute en récession de l'économie européenne, selon Etienne Gorgeon.

Il note certes des signes de stabilisation de l'activité industrielle en zone euro et souligne l'effet salvateur de l'opération de refinancement à trois ans (LTRO) réalisée par la Banque centrale européenne en décembre. Mais, Edrim n'en attend pourtant pas moins une contraction de -0,5% à -1,0% du PIB du bloc cette année.

En dépit des mesures de libéralisation de l'économie et d'un plan de rigueur de 80 milliards d'euros annoncé par le président du Conseil Mario Monti, l'Italie n'échappera donc pas, comme d'autres, à une nouvelle dégradation de sa note qui pourrait tomber à BBB-, juste au-dessus du seuil de l'investissement spéculatif.

"Le marché va se retrouver avec une crainte de cessation de paiement sur l'Italie", prévient Etienne Gorgeon.

En contrepartie de ses efforts d'assainissement, l'Italie demandera de l'aide à ses partenaires européens afin de se financer à des conditions supportables, ce qui imposera la mise en place des eurobonds, estime-t-il.

LA NOTE DE LA FRANCE RAMENÉE A A+

Le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, y est prêt, les partenaires de la chancelière allemande au sein de sa coalition y sont prêts, seule Angela Merkel était réticente jusqu'à l'adoption d'un nouveau pacte fiscal européen, note Etienne Gorgeon. En entérinant le pacte budgétaire, le sommet de Bruxelles a dégagé la voie, observe-t-il.

Pour lui, l'Allemagne devra aussi contribuer à un nécessaire plan européen de soutien à la croissance destiné à compenser les effets récessifs des mesures d'assainissement budgétaires dans un environnement où le renforcement de la réglementation du secteur financier accentue aussi les risques.

"Il ne faut pas appuyer sur tous les boutons de la récession en même temps", relève Etienne Gorgeon, jugeant opportuns les appels à un assouplissement des nouvelles règles prudentielles dites Bâle III.

Les eurobonds et la participation à un plan de croissance européen auront raison du triple A de l'Allemagne qui bénéficie pour l'heure d'une perspective stable auprès des trois principales agences de notations internationales.

"L'Allemagne va perdre son AAA fin 2012 ou début 2013. Elle va devoir contribuer à aider les pays en difficultés de la zone euro en contrepartie de la discipline budgétaire. Elle va accepter les eurobonds. C'est dans son intérêt", a déclaré Etienne Gorgeon en rappelant l'imbrication de l'économie allemande avec celles des autres de la zone euro.

Il relève aussi que l'Allemagne n'a pas intégré le coût du sauvetage de ses banques dans les chiffres de ses ratios de déficit et de dette publique sur PIB et que sa démographie l'expose à terme à des coûts élevés de prise en charge de la dépendance, que les agences prendront aussi en compte.

Sous le double effet d'un ralentissement de l'activité plus marqué que prévu et du mouvement d'exagération dans lequel sont entrées les agences de notation, la France pourrait terminer l'année avec une note ramenée à A+, prévient-il.

Le gouvernement français a divisé lundi par deux sa prévision de croissance pour 2012 la ramenant à 0,5% et précisant que l'impact budgétaire chiffré à 5 milliards d'euros serait absorbé sans efforts supplémentaires.

Edrim s'attend à une contraction de l'économie française d'au moins 0,5% en 2012. (Marc Joanny et Raoul Sachs, édité par Jean-Michel Bélot)