Pour obtenir le feu vert des autorités américaines, le géant japonais s’est engagé à plusieurs concessions majeures :

  • un investissement de 11 milliards de dollars aux États-Unis d’ici 2028,

  • la garantie que les décisions stratégiques concernant l’activité américaine resteront soumises au droit de veto du gouvernement américain,

  • et, en contrepartie, un accès facilité au marché américain via une exemption partielle aux droits de douane.

Une opération politique

Le dossier US Steel avait pris une tournure éminemment politique à l’approche de la présidentielle de 2024. Basé en Pennsylvanie, un des fameux ‘swing state’ de l’élection, le groupe est devenu un symbole des intérêts industriels américains. Joe Biden comme Donald Trump s'étaient opposés publiquement à sa vente à un acteur étranger.

En mai, Donald Trump évoquait un possible partenariat. C’est une acquisition complète qui est annoncée aujourd’hui. Le président républicain a donné son feu vert à condition que les garanties sur la sécurité nationale soient signées. C’est désormais chose faite selon les deux aciéristes.

De nombreux analystes craignent que le fameux véto obtenu par le gouvernement devienne un modus operandi pour de futures acquisitions stratégiques.  

Un prix fort pour Nippon Steel

Le montant de la transaction reste inchangé par rapport à l’offre initiale de décembre 2023 : 14,9 milliards de dollars pour 100% du capital de US Steel. Mais entre-temps, les conditions ont considérablement évolué. 

À titre de comparaison, Cleveland-Cliffs, numéro deux américain et 22e producteur mondial, avait proposé à l’été 2023 une offre qui valorisait l’entreprise à 10 milliards de dollars, sans se voir imposer de telles contraintes. Le groupe japonais, quatrième mondial, s’offre ainsi le troisième acteur américain et 24e mondial avec une prime de 142% par rapport au cours précédent l’annonce en décembre 2023… et une lourde charge d’obligations en plus.

Un secteur sous pression

Le pari industriel n’est pas sans risque. La production mondiale d’acier a reculé de 0,9% en 2024, et la croissance du secteur s’annonce modeste cette année. La surcapacité reste un problème majeur, aggravé par l'inondation du marché international par les chinois. La demande interne ayant gravement chuté suite à la crise immobilière, les aciéristes chinois se sont exportés à l’international et ont gravement nuit à la concurrence. L’OCDE estime que 2021 représentait le pic des prix de l’acier…en étroite corrélation avec la crise de l'immobilier chinois.

Les marges souffrent, même pour les acteurs principaux. La marge d’EBITDA de ArcelorMittal passe de 24,88% en 2021 à 9,36% en 2024. Celle de Nippon Steel de 15,19% à 11,72%. 

Les pays consommateurs tendent à localiser la production, la consommation d’acier réduira à terme et la concurrence est plus accrue que jamais. Ainsi, Nippon Steel justifie cette stratégie par la croissance de l’acier haut de gamme aux Etats-Unis ainsi qu’un meilleur accès aux contrats américains. ArcelorMittal investit également massivement pour développer ses infrastructures américaines. 

Une opération qui divise 

Le financement de l’opération suscite des interrogations. Selon le gestionnaire japonais Shibata, Nippon Steel pourrait lever près de 7 milliards de dollars de fonds propres. Un financement complet par la dette est exclu. S&P a estimé un financement par l’endettement comme un fardeau qui fragiliserait la solvabilité du groupe. 

Les actionnaires sont divisés face à cette transaction. Les engagements d’investissements massifs inquiètent. Le fonds activiste 3D Investment Partners appelle à un vote contre la reconduction des dirigeants de Nippon Steel, craignant une “destruction de valeur irréversible”.

D’autres estiment qu’une présence américaine est indispensable à la stratégie long terme du groupe. 

L’opinion sur la transaction est donc partagée. Les alertes sur les capacités de financement de la multinationale japonaise l’emportent sur le sentiment et le titre chute légèrement (-2,5%).