C'est une de ces statistiques dont raffolent les journalistes financiers. Meta vient d'enchainer 17 séances de hausse consécutives. C'est la plus longue série pour une valeur du Nasdaq depuis au moins 1990, selon les données de Bloomberg. Et les analystes de Zonebourse n'ont pas trouvé trace d'une telle série pour une valeur américaine au 21ème siècle. Cette prouesse permet à Meta de distancer les autres membres du fameux club des 7 magnifiques, avec une hausse de 23% depuis le début de l’année, alors que les performances du reste du groupe sont entre +6% (Amazon) et -19% (Tesla).
Du métavers à la méga-cap
Si Meta est aujourd'hui au firmament, le parcours boursier n'a pas été un long fleuve tranquille ces trois dernières années. En 2022, la hausse des taux a fait baisser les marchés actions et en particulier la tech, segment de la cote où les valorisations sont les plus élevées. Pour Meta, l'addition a été encore plus salée, avec d'une part, les changements de la politique de confidentialité d'Apple et, d'autre part, la sanction du virage pris vers le métavers - marqué par le changement de nom cette année-là – qui ressemblait alors à une sortie de route. Les investissements dans le métavers étaient conséquents et les investisseurs ne voyaient aucune forme de monétisation à l'horizon.
Fin 2022, le titre avait perdu presque les deux tiers de sa valeur ; l'entreprise ne valait alors…qu'un peu plus de 300 milliards de dollars. Mais le groupe a su rebondir. D'une part, l'arrivée de ChatGPT en novembre 2022 va permettre à Meta de sortir de cet errement stratégique et de se repositionner sur l'intelligence artificielle. D'autre part, les difficultés de 2022 ont poussé l'entreprise à rationaliser ses coûts ; un processus assez classique pour une entreprise qui n'avait connu jusque-là qu'une croissance de son chiffre d'affaires supérieure à 20%. Ainsi, Mark Zuckerberg a qualifié l'année 2023 "d'année de l'efficience". Et Meta a su "délivrer" pour reprendre un anglicisme. Le free cash-flow a atteint en 2023 le montant record de 43 milliards de dollars, avec un taux de conversion en cash de 110%. Ainsi, Meta a pu annoncer début 2024 le versement du premier dividende de son histoire, pour un montant de 5 milliards de dollars, en sus des importants rachats d'actions.
Désormais, Meta est à fond sur l'IA et semble idéalement positionné pour en tirer profit. Les investissements réalisés permettent déjà de développer le métier "historique" puisque, grâce aux outils d'IA, les publicités sont mieux ciblées et les résultats mieux mesurés. Ainsi, les investissements colossaux que nécessite notamment l'infrastructure IA se traduisent bien plus vite dans les résultats que chez ses grands concurrents. Cela explique que les investisseurs soient moins préoccupés par les 65 milliards de dollars de CAPEX annoncés par Mark Zuckerberg, que par les 75 milliards de Google, les 80 milliards de Microsoft ou les 100 milliards d'Amazon. De plus, l'arrivée de Deepseek a plutôt validé les choix de Meta, dont le modèle Llama est en open source.
Autre atout qui ne sera pas négligeable pour l'avenir de Meta, son patron s’est rapproché subtilement (ou pas) de Donald Trump ces derniers mois, ce qui devrait permettre à l'entreprise d'échapper à toute nouvelle réglementation contraignante aux Etats-Unis. Voire à l'étranger puisque le président américain n'apprécie guère les réglementations européennes visant les géants de la tech américains.
L'IA sans Nvidia ?
Depuis le lancement de ChatGPT en novembre 2022, et donc le début du trade IA sur les machés, ce sont surtout les semi-conducteurs qui en ont bénéficié, en leur qualité de vendeur de pelles et de pioches de cette révolution technologique. Nvidia, qui conçoit les puces les plus avancées, en a été le fer de lance. Le cours de Nvidia a été multiplié par 11 depuis novembre 2022. Une progression essentiellement portée par les résultats : le chiffre d'affaires a été multiplié par plus de 6, et le résultat net par 14, par rapport au quatrième trimestre 2022.
Mais depuis l'apparition de Deepseek, le vent a tourné pour les semi-conducteurs. L'arrivée du modèle chinois - dont les performances sont équivalentes aux modèles occidentaux pour des coûts de développement plus faibles et en utilisant nettement moins de puissance de calcul – a remis en cause l'idée que la course à l'IA allait se gagner en achetant toujours plus de puces pour avoir un maximum de puissance de calcul.
En réaction, le trade IA semble s'être déplacé du hardware (les semi-conducteurs) vers le software (cloud, logiciels), donc des entreprises qui construisent l'infrastructure IA vers celles qui vont déployer les solutions d'IA. Et Meta est vue comme l'entreprise la mieux placée en la matière. Grâce à sa série de hausses, le titre a déjà gagné 23% depuis le début de l'année, ajoutant environ…300 milliards de dollars à la capitalisation boursière.