En octobre dernier, Pékin a instauré des droits de douane supérieurs à 30 % sur les importations de cognac en bouteille en provenance de l'Union européenne, affectant Hennessy ainsi que d'autres acteurs tels que Rémy Cointreau et Pernod Ricard. Reuters a rapporté qu'Hennessy envisage d'embouteiller son cognac en Chine pour esquiver ces droits de douane, une décision qui a déclenché une grève dans ses installations françaises. La mise en bouteille en Chine plutôt qu'en France permettrait aux entreprises de contourner les droits de douane, mais représenterait un désastre pour 500 employés sur site.

Cette stratégie est conçue pour répondre aux mesures antidumping imposées par Pékin. Selon les analystes de Bernstein, cela consisterait à expédier le cognac en vrac, réduisant ainsi de manière significative les coûts associés aux droits de douane, au coût des marchandises vendues et au fret maritime. Ainsi, le coût moyen au débarquement par litre d'un conteneur de 1 000 litres serait nettement inférieur à celui d'une bouteille de 70 cl, tant en termes de coûts de production que de fret maritime. Il est important de noter que la législation chinoise actuelle exempte également de droits de douane les conteneurs de plus de 200 litres, offrant ainsi une opportunité pour Hennessy, à moins que les autorités chinoises ne décident de réviser cette réglementation.

Cependant, ce positionnement stratégique, aussi rentable soit-il, briserait un grand tabou de l’industrie des spiritueux : les marques haut de gamme doivent être embouteillées à la source, afin de maintenir le contrôle de la qualité et l'authenticité. Ce n’est pas la première fois que Hennessy casse les codes. Dans un contexte plus large, Hennessy s'est déjà écarté d'une autre norme de l'industrie concernant les politiques de prix. Le cognac suivait initialement un rythme d'augmentations annuelles de prix saines avec les inévitables remises commerciales tactiques. Après la pandémie, Hennessy a fait volte-face en augmentant ses prix de manière significative, puis a inversé cette tendance à la mi-2023 lorsque la demande s'est normalisée. Bernstein relève que les concurrents ont suivi cette pratique comme Courvoisier, aujourd'hui sous l'égide de Campari.

Pour le moment, rien n’est acté. Il est possible que cette annonce soit utilisée comme un levier stratégique pour exercer une pression sur le gouvernement français, influençant ainsi l'Union européenne à négocier un accord sur les droits de douane imposés aux véhicules électriques chinois, origine de ce différend commercial.

Cette période coïncide également avec des changements financiers et de direction notables au sein de Moët Hennessy et de sa maison mère LVMH. Le chiffre d'affaires organique du Cognac et des Spiritueux a connu une baisse de 10 % par rapport à 2019, et les marges ont également souffert, toujours selon Bernstein. Au milieu de ces défis, LVMH procède à un remaniement significatif de la direction, avec le remplacement de Philippe Schaus par Jean-Jacques Guiony en tant que PDG de MH, et d'autres changements de direction clés qui suggèrent un possible nouvel accent sur la gestion des coûts ou des réalignements stratégiques.