Guerre ne rime pas toujours avec profits en croissance pour Lockheed. En témoigne son cours de bourse plutôt atone entre 2002 et 2012, alors même que les Etats-Unis s’engageaient dans une campagne tout azimut contre le terrorisme, et envahissaient coup sur coup l’Afghanistan puis l’Irak.

En réalité, c’est surtout la commercialisation du F-35 — le chasseur multi-rôle de dernière génération qui équipe désormais tous les principaux pays de l’OTAN, sauf la France — qui est venue bouleverser dans le bon sens ses fortunes. Dans un secteur sujet à de très longs cycles d’activité — tant à la hausse qu’à la baisse — les ventes du F-35 ont ainsi assuré au groupe de Bethesda une solide décennie de croissance et de prospérité. 

Bien entendu, les distributions de capital — dividendes et rachats d’actions — considérablement augmentées dans la foulée n’ont pas non plus été pour déplaire aux investisseurs, d’où la progression météorique de la valorisation boursière sur le cycle.

Il est toutefois possible que cette séquence de croissance soit en passe de s’essouffler, même si le chiffre d’affaires consolidé devrait atteindre en 2024 un record historique, et ainsi rompre avec quatre exercices de relative stagnation depuis le début de la pandémie. 

Pour preuve : en 2024, les livraisons de F-35 sont en diminution de 40% par rapport à l’an passé à la même époque, tandis que le carnet du commandes du segment aéronautique diminue de 17%. Redouté des analystes, c’est ce développment qui valait au groupe des multiples de valorisation revenus par intermittence sous leurs moyennes historiques. 

Dans ce contexte, la guerre en Europe de l’Est profite à Lockheed et redore largement son blason boursier. Par exemple, le segment aéronautique bénéficie des commandes liées à la modernisation du F-16 — une plate-forme presque cinquantenaire, depuis peu employée dans les ciels ukrainiens — qui, en même temps qu’une commande de C-130, compense le recul des ventes du F-35.

Croissance plus remarquable encore du côté des ventes de missiles — roquettes guidées utilisées par les célèbres HIMARS, si redoutés des Russes, ou missiles antiaériens qui équipent les batteries Patriot — là encore en lien direct avec la situation en Europe de l’Est. Des quatre segments du groupe, celui-ci est le seul à afficher un carnet de commandes en forte hausse.

En bout de ligne, sur les neuf premiers mois de l‘année, Lockheed assure une stabilité parfaite de son profit par action — qui atteint $20, comme en 2023 à la même époque. Néanmoins, sans les rachats d’actions massifs — encore 5.2% des titres en circulation retirés de la cote cette année ! — celui-ci aurait accusé une notable diminution, même avec une guerre de très haute intensité en Ukraine.