par Gwénaëlle Barzic et Marie Mawad

PARIS, 1er décembre (Reuters) - Au pays de "l'exception culturelle", le livre a encore de beaux jours devant lui en dépit de la déferlante annoncée des "e-books" qui, outre-Atlantique, se sont déjà emparés de près d'un quart du marché de l'édition.

Le livre numérique devrait enfin décoller en France dans les mois à venir avec l'arrivée de nouveaux modèles de liseuses électroniques mais il est peu probable qu'il rivalise un jour avec les chiffres des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne, a estimé jeudi le PDG d'Hachette Livre, Arnaud Nourry, dans le cadre du sommet Reuters sur les médias.

"Je ne vois pas pourquoi les lecteurs français ne voudraient pas lire en numérique (mais) je pense également que cela se fera lentement et peut-être pas au même niveau que les autres marchés", a expliqué le dirigeant du numéro deux mondial de l'édition, filiale du groupe Lagardère.

Aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, terres d'élection du livre électronique, les "e-books" ont rapidement progressé pour représenter aujourd'hui respectivement 20% et 10% des ventes.

La France, qui est le premier marché d'Hachette, est en revanche nettement à la traîne, avec des ventes d'e-books proches du néant et des géants de la distribution dont l'offensive est restée longtemps timide.

A l'approche des fêtes de Noël, les annonces se sont toutefois succédées dans le segment des liseuses, à l'image de l'américain Amazon qui, après une longue absence, a fait son entrée sur le marché français avec son Kindle le mois dernier.

"Au cours du premier semestre de l'an prochain, nous verrons les premiers signes d'un décollage du marché du livre numérique en France", a pronostiqué Arnaud Nourry.

ATTACHEMENT CULTUREL

Le patron d'Hachette a bon espoir que l'harmonisation attendue du taux de TVA entre le livre papier et le livre numérique contribue à accélérer le phénomène.

Actuellement fixée à 19,6%, la TVA sur le livre numérique en France devrait en effet tomber à 7,0% à compter de début 2012, sauf opposition de l'Union européenne qui s'est pour l'instant montrée plutôt favorable à cette idée.

Selon le dirigeant d'Hachette, les ventes d'"e-books" pourraient atteindre entre 3 et 5% dès l'an prochain avant de grimper à 15% d'ici les trois prochaines années, mais égaler les pays anglo-saxons parait en revanche plus improbable.

"Je ne pense que pas que le marché français puisse atteindre une part de 30% dans le numérique. Je serai parti à la retraite avant que cela se produise", a-t-il dit.

A la différence des Etats-Unis ou de la Grande-Bretagne, la France possède en effet un réseau dense de librairies, facilement accessibles et qui jouent un rôle clef dans la promotion des livres.

"La dimension culturelle associée à l'objet-livre n'a pas d'équivalent en Amérique", souligne également le patron de la maison d'édition fondée en 1826 par Louis Hachette.

Si le marché français est moins gourmand en livre numérique, il n'en reste pas moins financièrement prometteur du fait d'un régime réglementaire atypique fixé par la loi Lang qui donne les pleins pouvoirs aux éditeurs pour dicter les prix.

Alors qu'aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, l'e-book est souvent synonyme de meilleure rentabilité du fait notamment de coûts de distribution réduits, la France fait à nouveau figure d'exception sur ce point.

* REPORTAGE L'e-book, invité virtuel au Salon du Livre

* LE POINT sur le sommet Reuters sur les médias

* Le site du sommet (en anglais) :

http://www.reuters.com/summit/GlobalMedia11 (Avec Leila Abboud et Georgina Prodhan, édité par)