Comme attendu les résultats de Kering pour 2024 ne sont pas bons. Le chiffre d'affaires a baissé de 12% en 2024, à 17,19 milliards d'euros et le bénéfice net s'est affiché à 1,13 milliard d'euros, soit une chute de 62%. C’est malgré tout un peu mieux que les attentes des analystes.
C’est la marque phare, Gucci, qui est la plus en difficulté. Les ventes ont chuté de 23% en 2024. En données organiques, le chiffre d’affaires est aussi en baisse pour Yves saint laurent (-9%), tout comme dans le segment « autre maisons » (-7%). Seuls Bottega Veneta (+6%) et Kering Eyewear et corporate (+8%) affichent une progression des ventes.
Le crash de Gucci
Les difficultés de Kering ne sont pas nouvelles et précèdent même celles de l’ensemble de l’industrie, dont le ralentissement est visible depuis un peu plus d’un an. En témoigne le cours de bourse de Kering, dont le pic a été atteint à l’été 2021. Les investisseurs connaissent en effet depuis longtemps le problème principal de Kering : l’hyper-dépendance à Gucci, qui génère environ la moitié du chiffre d’affaires et les deux tiers du profit opérationnel.
Or, cette marque est en perte de vitesse depuis plusieurs années. Gucci, c’est un peu l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire avec une marque de luxe : pousser les volumes pour accroitre le chiffre d’affaires. Les ventes de Kering sont ainsi passés de 3.5 à 9 milliards d’euros entre 2014 et 2019 ; un rythme de progression bien plus important que pour ses concurrents. Si cela a porté le groupe pendant plusieurs années, Gucci a fini par perdre, auprès des clients, son statut de marque de luxe. Gucci s’est "commoditisé" et à côté de cela, les autres marques comme Yves Saint Laurent ou Balenciaga n’ont pas connu le succès escompté par Kering. D’autant que le groupe a subi, comme le reste du secteur, le ralentissement du marché du luxe, notamment à cause de la faiblesse du marché chinois.
Plus de dettes et moins de dividendes
Les ventes baissent mais les dépenses d’investissement, elles, n’ont jamais été aussi élevées. Elles ont plus que triplé entre 2022 et 2024, pour atteindre 3.3 milliards d’euros. Le groupe a réalisé d’importantes acquisitions au cours des derniers trimestres, comme le parfumeur Creed pour 3,5 milliards de dollars en 2023 et un immeuble de la via Monte Napoleone à Milan pour 1,3 milliard d’euros en 2024.
La dette nette a ainsi plus que doublé, passant de 3.9 à 9,9 milliard d’euros entre juin 2023 et la fin de l’année 2024. Cela explique les récents mouvements de Kering, qui a commencé à vendre certains de ses actifs immobiliers. Ainsi, une participation majoritaire dans l’hôtel de Nocé (place Vendôme) et deux immeubles avenue Montaigne a été vendu au fonds de private equity Ardian le mois dernier. La directrice financière a indiqué que cette stratégie allait se poursuivre.
Conséquence de cette situation financière dégradée, le dividende a été divisée par plus de deux, passant de 14 euros par action en 2023 à 6 euros en 2024.
Mercato des créateurs
Les résultats de Kering interviennent quelques jours après l’annonce du départ du directeur de la création de Gucci, Sabato de Sarno. Celui-ci avait succédé début 2023 à l’emblématique Alessandro Michele. Un départ qui acte son échec à relancer la marque. "C'était écrit", estime l'analyste Luca Solca, dans une note de la banque Bernstein : "Le style discret de Sabato de Sarno ne correspondait pas à l'image exubérante que se sont fait les clients de Gucci ces trente dernières années".
Ce nouveau changement rendra la "remontada" de Kering encore plus lente. Pour Thomas Chauvet, analyste chez Citigroup, 2025 sera “une année de transition et un peu un saut dans l’inconnu”. La bonne nouvelle pour Kering c’est que de nombreux créateurs de renoms sont sur le marché. En effet, des "profils seniors" ont quitté Celine, Maison Margiela, Dior homme, et Valentino en 2024, tandis que des rumeurs bruissent quant au départ de Maria Grazia Chiuri, directrice artistique de la maison Dior depuis 2016.
Malgré cette "tempête parfaite" chère à nos amis anglosaxons, Kering se montre optimiste pour 2025, pointant une "amélioration des ventes" en Chine et aux Etats-Unis au quatrième trimestre. Le directeur général, François-Henri Pinault, estime dans un communiqué que le groupe est arrivé "à un point de stabilisation, à partir duquel nous reprendrons progressivement notre trajectoire de croissance". Une stabilisation qui serait en tout cas la bienvenue sur le plan boursier, alors que le titre est en baisse de 70% par rapport à son point haut de 2021.