(Actualisé avec manifestation)

par Fiona Ortiz

MADRID, 31 janvier (Reuters) - Le président du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, et d'autres responsables du Parti populaire (PP) au pouvoir ont démenti jeudi avoir bénéficié de versements d'argent illégaux de la part de leur formation, après la publication par le journal El Pais de relevés de comptes les mettant en cause.

L'affaire Barcenas, du nom d'un ancien trésorier du PP, a été révélée il y a une dizaine de jours par le journal El Mundo, selon lequel des responsables du parti ont reçu pendant des années jusqu'à 15.000 euros mensuels de "compléments de salaire".

Les versements consistaient surtout en commissions remises par des sociétés de construction, dont certaines ont bénéficié de contrats publics et d'autres ont été employées à titre privé par le PP, à l'époque de l'essor du marché immobilier espagnol dans les années 2000.

El Pais a publié mercredi des relevés de compte manuscrits, qui auraient été rédigés sur une période de vingt ans par deux trésoriers, dont Luis Barcenas. Ce dernier a quitté ces fonctions en 2009 lorsque des juges ont commencé à enquêter sur son implication dans le versement présumé de fonds occultes à des responsables du PP.

L'enquête a permis d'établir qu'il a détenu un compte en Suisse doté à un moment de 22 millions d'euros.

Les avocats de Barcenas ont remis au Tribunal suprême un document montrant que sa firme a demandé en 2012 à bénéficier d'une amnistie fiscale pour des fonds déposés en Suisse, a-t-on appris auprès du service de presse de la juridiction.

Le juge Pablo Ruz, qui instruit le dossier pour le Tribunal suprême, envisage désormais de demander au parquet d'enquêter sur les nouvelles allégations d'El Mundo et d'El Pais, ont rapporté à Reuters des sources proches de la magistrature.

RAJOY DÉMENT

Dans un communiqué transmis à l'agence de presse EFE, Luis Barcenas affirme que l'article d'El Pais est erroné et qu'il n'a jamais tenu de comptabilité parallèle.

Les comptes publiés mercredi par El Pais font état de versements réguliers à Mariano Rajoy, qui aurait reçu 25.200 euros annuels pendant onze ans, et à d'autres membres du PP. El Mundo ne mettait pas en cause les cadres actuels du parti.

Parmi les entreprises de BTP citées par El Pais, figurent les groupes FCC et OHL, ce dernier par l'intermédiaire de son président, Juan Miguel Villar Mir.

Une porte-parole du cabinet de Mariano Rajoy a déclaré que le président du gouvernement maintenait ne s'être jamais conduit de manière répréhensible. Mariano Rajoy a dit la semaine dernière que le parti demanderait un audit extérieur de ses comptes.

"Le Parti populaire n'a qu'une seule comptabilité, qui est claire, transparente et soumise à la Cour des comptes", a déclaré de son côté Maria Dolores de Cospedal, secrétaire générale du PP, aussi mise en cause par El Pais. "Nous n'avons absolument rien à cacher."

Aux cris de "Voleurs !", plusieurs centaines de personnes ont manifesté dans la soirée devant le siège du PP à Madrid. "Démission immédiate !", pouvait-on lire sur certaines banderoles.

Parmi les bénéficiaires, El Pais cite également Rodrigo Rato, ancien directeur du Fonds monétaire international, qui n'a pas souhaité faire de commentaire.

Le quotidien précise que cette pratique n'était pas forcément illégale, à condition que les bénéficiaires aient déclaré au fisc les sommes reçues. La loi espagnole autorisait à l'époque les dons anonymes aux partis politiques, même s'ils auraient dû être mentionnés dans la comptabilité officielle du parti.

L'affaire entache cependant la popularité du PP, en suggérant l'existence d'une "caisse noire" au moment où le gouvernement de Mariano Rajoy mène une politique d'austérité dans un pays plongé dans la récession et confronté au taux de chômage le plus élevé de l'Union européenne.

"On dirait des pots-de-vin, la nature des documents est accablante s'ils sont vrais", reconnaît une source au PP.

Selon un sondage récemment effectué par l'institut Metroscopia, 96% des Espagnols pensent que la corruption est répandue au sein de leur classe politique. (Avec Jose Elias Rodriguez, Blanca Rodriguez et Iciar Reinlein; Julien Dury et Jean-Philippe Lefief pour le service français)