Quelques rappels sur le contexte et enjeux de l'OPA sur Esker
L'offre publique d'achat (OPA) sur Esker, spécialiste de la digitalisation des processus financiers, est portée par les fonds d'investissement Bridgepoint et General Atlantic, en partenariat avec le management de l'entreprise. Proposée à un prix de 262 euros par action, soit une prime de 30% par rapport au dernier cours non "perturbé", cette transaction vise à retirer Esker de la Bourse, avec un seuil minimal d'acceptation fixé à 60%. Bien que jugée attrayante par certains analystes, cette offre suscite des débats concernant sa valorisation et ses implications pour les actionnaires minoritaires, notamment en raison des multiples utilisés pour l'évaluation et des comparables non retenus. Il y a quelques semaines, Oddo BHF avait fait part de sa réserve sur le prix, jugé "discutable" et probablement insuffisant "pour sécuriser le squeeze out à ce stade".

Critiques sur les hypothèses et méthodologie de l'expert
Gilles Chaufaud, gérant spécialisé et fin connaisseur d’Esker, pointe des incohérences dans le rapport de l’expert indépendant, FINEXSI. En particulier, l’analyse prospective du besoin en fonds de roulement (BFR) est critiquée pour ne pas intégrer la nouvelle politique de prépaiement des abonnements, pourtant publique. Cette omission sous-évalue selon lui la génération future de trésorerie de la société. De plus, l’exclusion de transactions récentes, comme le LBO secondaire sur Kyriba, soulève des questions. Kyriba, également dans le portefeuille de Bridgepoint et General Atlantic, a été valorisée à un multiple supérieur, laissant entrevoir un potentiel rapprochement stratégique futur.

Implications pour les investisseurs minoritaires
Les réponses de l’expert et de l’AMF aux remarques des actionnaires n'ont pas satisfait Gilles Chafaud. Les objections relatives aux hypothèses de croissance, au traitement des comparables et à l’anonymisation des observations diminuent la transparence de l’opération. Pascal Quiry, spécialiste reconnu, souligne que les actionnaires devraient bénéficier d'une information claire et exhaustive pour juger de l’offre. La transaction met ainsi en lumière les limites du cadre actuel de protection des investisseurs minoritaires, notamment depuis l’abaissement du seuil d'expropriation en 2020, et appelle à un débat plus large sur la gouvernance des OPA en France.

Voici la vidéo réalisée par Philippe Luchesi, dans laquelle Gilles Chaufaud explique le fonctionnement d'Esker et les raisons qui le poussent à recommander aux actionnaires d'attendre les derniers jours de l'offre (qui se termine le 9 janvier) pour trancher.