L’histoire pourrait s’arrêter là qu’elle serait déjà séduisante : une petite entreprise norvégienne, soucieuse de l’environnement, part à la conquête du monde armée d’une idée simple. Pourtant, elle remonte à plus d’un siècle en 1915 aux Etats-Unis, lorsque John R. Van Wormer invente et brevète la même année ce bout de carton qui a tout d'une origami. Après des années d’abnégation face à la réticente industrie laitière favorable aux bouteilles en verre, cet emballage libellé “Pure-Pak” finit par connaître un certain succès une fois les machines permettant son utilisation à grande échelle développées. En 1937, 42 millions d'unités sont produites et écoulées, le potentiel du bec verseur est réel.
Quelques années plus tard, et surtout après quelques poignées de mains serrées, la licence atterrit en Norvège sous le nom de European License Of Pure-Pak - Elopak. Depuis, l’entreprise n’a cessé de croître mais aussi d’innover dans les technologies d'emballage, forte de ses engagements en matière de durabilité. Avec de nombreux clients comme Pepsico ou Tropicana ainsi qu’une réglementation environnementale propice à son développement, Elopak compte 2700 employés dans plus de 42 pays.
Business model
Le business model de l’entreprise repose sur trois segments de marché :
- Les solutions d'emballage (≈ 90 %) : la société produit et personnalise des contenants à base de carton de différentes tailles et différentes compositions selon les contenants. Elle utilise deux méthodes d'impression : la flexographie standard pour des designs simples avec de grands blocs de couleur et du texte en gras sans serif, et l'impression EloChrome pour des produits haut de gamme nécessitant une qualité d'impression supérieure et une reproduction fidèle des détails et nuances.
- Les machines de remplissages (≈ 5 %) : l’entreprise propose des machines qui plient et remplissent les briques en carton. Elopak dispose de deux technologies différentes. D'une part le Roll-fed system qui correspond au processus de remplissage et de scellage alimenté en continu par du carton en forme de bobine. Ce processus est généralement plus fiable pour empêcher l'oxygène de pénétrer en plus de nécessiter moins de maintenance et de consommation d’énergie. D'autre part le Blank-fed system qui est alimenté par des feuilles individuelles du matériau, déjà coupées et partiellement scellées. Ce système offre une plus grande flexibilité lors des changements de formats et de volumes donc plus adapté aux liquides frais.
- Le service technique (≈ 5 %) : le groupe offre des solutions de service garantissant au client une efficacité de production, de sécurité alimentaire et de prévision des coûts. Les équipes locales de l’entreprise assurent une qualité et une efficacité de service optimales, avec un Technical Manager dédié pour chaque client, assurant la gestion fluide et les mises à jour techniques continues.
Ainsi, le business model se divise en deux avec d’un côté le “system sales” (vente systémique) et de l’autre le “non-system sales” (vente non-systémique). La vente systématique correspond à un modèle de service intégré qui associe la fourniture d'équipements, qu'ils soient issus de leur propre marque (Original Equipment Manufacturer) ou fournis via des partenariats exclusifs accompagnés de matériaux ou consommables dédiés. Le système non systématique offre seulement les consommables en carton, tels que l’emballage et les bouchons, indépendamment de l'équipement, ou vice versa.
Les trois principaux marchés pour les emballages vendus sont les liquides “Dairy” (lait et autres produits laitiers), “Juice, plant based & other drinks”(jus de fruits, alternatives aux produits laitiers, cafés, boissons…), “Home and personal care”(produits ménagers). Parmi ces segments, l’entreprise va distinguer les emballages destinés aux produits frais (20 %) et de ceux qui seront aseptisés (76 %).
Elopak occupe ainsi une position de leader sur le marché européen de l'emballage carton de produits frais. Pour le moment, l’entreprise réalise 75 % de son chiffre d’affaires en Europe et dans les pays du MENA tandis que le reste provient du continent américain.
Positionnement
L’entreprise entend bien se démarquer en alliant une production à bas coût et respect des exigences environnementales. Un atout réside dans le portefeuille de clients élargi et de renom que l’entreprise a su fidéliser avec par exemple Procter & Gamble, Unilever, Danone, Pepsico, Nestlé, Colgate, ou encore Mondelez pour ne citer que les plus connus. Les emballages proposés ont pour but de répondre aux attentes des clients qui demandent de respecter trois critères : qu’ils soient recyclables, à faible teneur en plastique, tout en réduisant l’émission de CO2 le long de la chaîne de valeur.
L’entreprise poursuit sa dynamique au T2 2024, enregistrant une croissance organique de 3,8 % de son chiffre d'affaires et renforçant sa marge d'EBITDA, ce qui témoigne de la solide performance opérationnelle de l'entreprise. Le chiffre d'affaires a atteint 288,4 millions d'euros, contre 278,1 millions d'euros à la même période l'année dernière, grâce à l'augmentation des volumes en Europe et en Amérique. L'EBITDA ajusté pour le trimestre a atteint 43,8 millions d'euros, reflétant une augmentation de la marge à 15,2 %, contre 14,9 % au deuxième trimestre 2023. La stabilité financière est soulignée par un ratio d'endettement faible de 1,9x ainsi qu'un paiement de dividende record de 34,4 millions d'euros pour l'exercice 2023 versé en mai. En outre, Elopak a optimisé son profil d'endettement grâce à l'émission réussie d'obligations vertes inaugurales et la mise en place d'une nouvelle facilité de crédit renouvelable.
Stratégie
Nous voyons donc que la stratégie repose beaucoup sur le verdissement du portefeuille des clients, les opportunités de nouvelles parts de marché offertes par l’Amérique du Nord, le MENA et l’Inde ainsi que les réglementations en faveur de pratiques plus soucieuses de l’environnement. La régulation est particulièrement favorable dans l'UE, le Packaging and Packaging Waste Regulation (PPWR) étant un élément clé. Ces mesures visent à rendre tous leurs emballages recyclables d'ici 2030.
En outre, l’Amérique du Nord est traditionnellement le marché le plus large et entend doubler son revenu dans la région. L’entreprise prévoit de lancer la première phase de production d’une nouvelle usine au premier semestre 2025. Les pays du MENA représentent eux un marché attractif combinant croissance démographique et augmentation du pouvoir d’achat. Enfin, l’Inde étant un des plus grands consommateurs de lait par habitant, l’entreprise a réussi avec succès son entrée dans le pays réalisant en 2023 un EBITDA positif de 24 millions d’euros. Il convient de noter la taille conséquente des clients du groupe ainsi que leur réseaux de distribution internationaux peuvent jouer en la faveur d’Elopak en assurant des débouchés à sa production dans les pays où la société compte s’implanter.
Ratios financiers
Elopak recèle un potentiel de croissance, le cours de son action a déjà presque doublé depuis le début de l’année. L’entreprise est actuellement valorisée à environ 1 milliard d’euros sur les marchés. Cette dernière a un PER de 14,3x contre 24,38x en moyenne pour les entreprises, souvent de taille plus conséquente, qui opèrent dans le même secteur. Son ROE est également bien supérieur à celui de ses pairs avec un ratio de 25% contre 12,84% en moyenne.
Quelques points peuvent laisser entrevoir une amélioration continue de sa valorisation sur les marchés. Très endettée lorsqu’elle s’est exportée en 2023, l’entreprise procède depuis à une gestion prudente de son endettement et parvient à limiter ses charges d'intérêt. Cela lui permet de rediriger une plus grande part des profits vers les actionnaires. Avec une politique de redistribution consistant à verser 50 à 60% de ses revenus sous forme de dividendes, l'entreprise offre un rendement sur dividende solide et généreux de 3,33%, se démarquant nettement de la moyenne du marché qui est de 2,18%. Une fois la production de son usine aux États-Unis lancée courant 2025, il est possible d'anticiper une nouvelle vague d'endettement pour soutenir la croissance, celle-ci pouvant être favorisée par la baisse des taux d'intérêt.
La structure de son actionnariat est particulière avec un flottant d’environ 56%. En effet, le reste des actions en circulation est détenu par la holding Ferb AS (famille Andresen) depuis 64 ans. Cependant, cette dernière a débuté une série d'allégement de ses positions depuis mai 2024 et ouvre la voie à de nouveaux investisseurs. On peut noter que la Nippon Paper Industries détient 5,1% du capital de la Small Cap.
Risques
- Les changements macroéconomiques et surtout l’inflation pourraient entraîner une pression à la baisse de la consommation de produits laitiers et de jus de fruits sur certains marchés. De plus, dans ce segment, la marque écoule ses emballages sur des produits positionnés en haut de gamme, donc moins défensif que d’accoutumé.
- Si la réglementation devrait profiter à Elopak, celle-ci peut aussi lui jouer des tours. L’entreprise va devoir faire preuve d’adaptabilité et de réactivité. Si une standardisation survient en sa faveur, l’entreprise devra soit adapter sa production rapidement, soit être en position de force sur le marché, sans quoi les marges opérationnelles seront menacées avec l’arrivée de concurrents.
- La dépendance à l'égard des matières premières telles que le carton, la résine plastique, la feuille d'aluminium et l'énergie peut représenter un problème en amont de la chaîne d’approvisionnement. Les coûts vont être un facteur important d’autant qu’Elopak insiste pour s’entourer de fournisseurs respectant des normes environnementales très strictes. Par exemple, il n’est pas sûr que les fournisseurs de carton en Inde aient les mêmes considérations que ceux en Europe.
Elopak ASA se positionne comme un acteur tirant son épingle du jeu dans le secteur de l’emballage carton, avec une orientation stratégique vers la durabilité et l'innovation. Malgré des risques opérationnels, ses solides fondamentaux, sa stratégie prudente et son engagement envers la transition écologique en font une option attrayante pour les investisseurs à long terme. La société n'hésite pas à se déployer là où elle les opportunités sont les plus intéressantes. Les perspectives de croissance, soutenues par un portefeuille de clients renommés, confirment son potentiel de développement dans un secteur en pleine mutation.