Au moins sur le papier, car en l’état actuel des choses les deux grands acteurs partis à sa conquête — le hollandais Redcare et le suisse DocMorris, qui se sont tous deux refaits une virginité en changeant de nom à l’été 2023 — continuent de brûler du cash, tandis que les investisseurs autrefois euphoriques sur les perspectives du secteur l’ont désormais déserté.

Les hémorragies de cash reviennent cependant sous contrôle. En janvier, nous soulignons dans Redcare Pharmacy NV : Le leader européen de la pharmacie en ligne assure sa position que le hollandais s’employait activement à réduire ses pertes, de sorte à donner des gages aux investisseurs et préparer un prochain refinancement

Sans surprise, il est imité en cela par DocMorris, lui aussi contraint et forcé par un nouvel environnement autrement moins clément qu’autrefois. Hors changements de périmètre, le cash-burn causé par l’exploitation et les investissements est ainsi en diminution très prononcée pour la troisième année consécutive, avec des pertes cash de €139, €115 et €30 millions pour 2022, 2023 et 2024. L’amélioration est donc notable.

Décisive, l’année qui s’achève aura été marquée par les débuts de l’ordonnance électronique en Allemagne, cinq ans après la loi qui entérinait la mise en place du dispositif. Si ce segment d’activité reste déficitaire, DocMorris annonce que son nombre d’utilisateurs du service a quintuplé sur la période ; et que sa croissance devrait rester très forte en 2025, puisque d’au moins 50% sur le premier trimestre.

Sur le segment téléconsultation, l’exploitation est à l’équilibre grâce à la montée en puissance de TeleClinic, acquis par DocMorris — par son prédécesseur Zur Rose — en 2020. Cette dynamique reste à confirmer, car la plate-forme, quoique en forte croissance, est encore embryonnaire — CHF 11 millions de chiffre d’affaires et quatre mille médecins enregistrés — en plus d’être positionnée sur un marché où elle affronte une concurrence pléthorique et redoutable.

La dimension spéculative reste donc très forte, et le parcours de DocMorris jalonné d’erreurs qui, en bout de ligne, ne lui valent qu’une croissance anémique de son chiffre d’affaires sur les huit dernières années — alors que celle de Redcare est exponentielle sur la période. 

Pour assurer le remboursement des CHF 95 millions de dette convertible qui arrivent à échéance en 2026 avec un cours de conversion trois fois supérieur à celui du moment, le groupe suisse a annoncé préparer une augmentation de capital de CHF 200 millions avec droits de souscription pour limiter l’impact de la dilution.

Il récupérera un peu d’air une fois cette étape franchie, avec un prochain tournant prévu pour 2029, lorsque CHF 200 millions de dette convertible à un cours de conversion sept fois supérieur à celui du moment arriveront à échéance.