Zurich (awp) - Credit Suisse, empêtrée dans de nombreux déboires, a annoncé jeudi un vaste plan de relance comprenant une "restructuration radicale" de sa banque d'affaires et une réduction des coûts se soldant par 9000 emplois supprimés. Une importante levée de fonds permettra de gagner un actionnaire saoudien comme nouvel investisseur.

"Pendant de long mois, le conseil d'administration et la direction ont évalué notre avenir et lors de ce processus nous avons retourné ciel et terre", a lancé le président Axel Lehmann, cité dans un communiqué, évoquant une "stratégie radicale" permettant de regagner la "confiance et la fierté".

Concrètement, les dirigeants du numéro deux bancaire helvétique veulent se focaliser sur la gestion de fortune et le marché historique suisse, tout en misant sur une solide franchise dans la gestion d'actifs et de marchés. De nombreuses mesures doivent permettre de réallouer les capitaux à ces deux unités désormais centrales, perçues comme plus stables et moins gourmandes en fonds propres.

Concernant sa banque d'affaires en difficultés, la direction s'est engagée à "prendre des mesures décisives pour restructurer" cette entité qui doit désormais se concentrer sur son coeur de métier. Ces mesures doivent permettre de réduire les actifs risqués de 40% d'ici trois ans.

La nouvelle entité créée, qui reprend l'ancien nom CS First Boston, comprenant les activités de marchés des capitaux et de conseil, doit quant à elle agir de manière autonome et attirer de nouveaux capitaux. L'administrateur Michael Klein, qui va quitter le conseil d'administration, doit devenir l'année prochaine le directeur général CS First Boston, dont le siège sera à New York. Cette entité doit dégager des recettes nettes supérieures à 2,5 milliards de dollars.

Le groupe veut également créer une unité de défaisance pour ses activités déficitaires, la Capital Release Unit (CRU), comprenant les activités de produits titrisés, Prime Services, des activités de prêts dans certains pays émergents et la présence de l'établissement dans certains pays. L'unité sera dirigée par Louise Kitchen.

Credit Suisse a par ailleurs conclu un accord pour transférer un partie importante de son unité en charge de la titrisation, Securitized Products Group (SPG), à un groupe d'investisseurs dirigés par les américains Apollo Global Management et Pimco. Cet accord doit être finalisé au premier semestre 2023.

Le patron de la banque d'affaires Christian Meissner quitte quant à lui l'établissement avec effet immédiat.

Impact sur l'emploi

Credit Suisse compte par ailleurs réduire ses coûts de 15% ou 2,5 milliards de francs suisses afin de ramener ses frais de fonctionnement à quelque 14,5 milliards d'ici 2025. De ce montant, 1,2 milliard doivent être économisés l'année prochaine. Dans l'immédiat, ces mesures se traduiront par des dépréciations de 3,7 milliards au 3e trimestre et des coûts de 2,9 milliards supplémentaires cumulés entre fin 2022 et 2024.

Ces mesures d'économies auront un impact sur l'emploi, la banque comptant réduire ses effectifs de 9000 postes d'ici le troisième trimestre 2025. La suppression de 2700 équivalents temps plein est actuellement en cours. La banque compte aussi réduire de 50% ses coûts de consultants et de 30% ses dépenses auprès des sous-traitants.

L'établissement entend lever quelque 4 milliards de francs suisses par l'émission de nouvelles actions, notamment auprès de Saudi National Bank qui s'est engagé à hauteur de 1,5 milliard ou 9,9% du capital-actions. Cette mesure devrait permettre de relever le ratio de fonds propres durs (CET1) de 12,6% actuellement à environ 14,0%.

Saudi National Bank deviendra ainsi le premier actionnaire de Credit Suisse, devant Harris Associates (5,17%) Blackrock (5,06%) et Qatar Investment Authority (5,026%).

Pour le directeur général Ulrich Körner, il s'agit "d'un moment historique pour Credit Suisse", qui doit devenir "une nouvelle banque plus simple (et) plus stable".

Nombreux déboires

La banque a fait face ces dernières années à de nombreuses difficultés, avec notamment un chamboulement continu de sa direction.

L'établissement a aussi cumulé d'autres soucis. La débâcle du fond spéculatif américain Archegos a coûté plus de 5 milliards de francs suisses à la grande banque. Cette dernière est également empêtrée dans la liquidation des fonds Greensill, du nom de la société britannique d'affacturage en faillite, où elle était initialement exposée à hauteur de 10 milliards de dollars.

L'année dernière, Credit Suisse avait souffert en particulier de ces deux scandales, subissant une perte nette de 1,6 milliard de francs suisses. Au troisième trimestre 2022, la banque a essuyé une perte nette de 4,03 milliards.

Dans l'immédiat, ces nouvelles étaient mal accueillies par les investisseurs. Le titre Credit Suisse chutait de 7,2% à 4,42 francs suisses dans le marché avant-Bourse.

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