L’association d’un catalogue de marques premium — qui comprend également une gamme de vins et spiritueux — et d’une concentration sur le marché nord-américain permet à Constellation de réaliser des marges deux fois supérieures à celles de Carlsberg ou Heineken.

Dans ce secteur, il existe trois leviers pour créer de la valeur — le contrôle des coûts, le pricing power et le M&A — et Constellation assure sur les trois. 

En matière d’efficacité opérationnelle et de pricing power, ses marges d’exploitation parlent d’elles-mêmes. En matière de M&A, entre 2012 et 2022, le groupe a réinvesti la moitié de ses profits dans une stratégie de croissance externe fort lucrative, avec des retours sur investissements qui oscillaient typiquement autour d’une moyenne de 15%.

Il a depuis levé le pied sur les changements de périmètres pour plutôt se concentrer sur l’optimisation de ses opérations. Sur les trois derniers exercices 2022, 2023 et 2024, toujours en moyenne, Constellation génère ainsi un profit cash — ou cash-flow libre — remarquablement stable de $1.6 milliard par an. Les $4.8 milliards de profits cash cumulés sur la période ont été intégralement retournés aux actionnaires, aux trois-quarts via des rachats d’actions, le quart restant via des dividendes. 

Il s’agissait donc d’un net changement de paradigme pour un groupe historiquement concentré sur la croissance externe, mais sans doute arrivé à maturité après avoir quadruplé son chiffre d’affaires en dix ans.

A priori, l’exercice annuel en cours — l’année fiscale 2025 — accusera un très léger recul du cash-flow libre, attendu entre $1.4 et $1.5 milliard suite notamment à un volume d’investissements dans les immobilisations record. Le segment bière affiche toujours une forme insolente, tandis que le segment vins et liqueurs souffre lui d’une conjoncture difficile qui n’épargne personne dans le secteur.

Voir à ce sujet Rémy Cointreau : Mauvaise passe, Davide Campari-Milano N.V. : Sens du timing, Brown-Forman Corporation : Sanction du marché, Diageo plc : Comme un métronome, et Molson Coors Beverage Company : Option défensive, entre autres articles sur le sujet récemment publiés dans nos colonnes. 

Cette conjoncture impose d’ailleurs à Constellation une dépréciation d’actifs conséquente, pas encore arrêtée mais qui devrait être comprise entre $1.5 et $2.5 milliards. Cette charge dite « non-cash » — simple écriture comptable — ne déprimera pas le cash-flow ; elle ternit en revanche la performance du groupe en matière de M&A, restée jusque-là immaculée. 

On s'étonnerait presque qu'avec une valeur d'entreprise qui représente un multiple de trente-sept fois le cash-flow libre attendu cette année, le marché continue ainsi d'assigner un multiple de luxe à Constellation.