Au quatrième trimestre 2024, le chiffre d'affaires de Chevron a atteint 52,23 milliards de dollars, dépassant les 47,49 milliards de dollars attendus par les analystes, et enregistrant ainsi une hausse de plus de 10 % par rapport à l'année précédente. Cependant, le bénéfice net ajusté par action s'est établi à 2,06 dollars, en deçà du consensus de 2,11 dollars, et en baisse de 40 % par rapport à l'année précédente.
Cette contre-performance s’explique par la perte dans l’activité de raffinage (248 millions de dollars), une première depuis 2020. L'augmentation de la capacité mondiale de raffinage en 2024, combinée à une croissance de la demande qui s'essouffle, a pesé sur les marges. La production record en 2024, en augmentation de 7% au niveau mondial, et de 19% aux Etats-Unis n’a pas permis de compenser. Rappelons que Chevron réalise environ trois quarts de son chiffre d’affaires grâce au raffinage et à la distribution et seulement un quart dans l’exploration et la production.
Son grand rival Exxon Mobil a, quant à lui, réussi là où Chevron a échoué : l’augmentation de la production a compensé la pression sur les marges de raffinage. Ce tour de force a notamment été accompli grâce à l’intégration de Pioneer Natural Ressources, qui a permis d’augmenter la production et de faire baisser les coûts. ExxonMobil prévoit que cette intégration permettra de dégager en moyenne 3 milliards de dollars de synergies par an. De son coté, Chevron a le rachat de Hess « dans le pipeline » mais celui-ci est retardé par une contestation portée par Exxon et la China National Offshore Oil Corporation (CNOOC), concernant les actifs de Hess au Guyana, et les juges ne rendront leur décision qu’en mai.
Exxon ou Chevron ?
Les résultats de ce trimestre reflètent bien la dynamique à l’œuvre entre Exxon et Chevron. Le premier surperformant le second depuis deux ans. Et il y a aussi un écart de valorisation entre Exxon et Chevron. Le PER 2025 est de 13.8 pour Chevron contre 14.7 pour Exxon.
Cela peut s’expliquer par la rentabilité d’Exxon, qui est historiquement meilleure que celle de Chevron. Sur les deux dernières années le ROE d’Exxon est supérieur de 3 points à celui de Chevron. Et comme nous le soulignions dans un article récent, Exxon est une fantastique machine à cash et prévoit de redistribuer 165 milliards de dollars à ses actionnaires sur la période 2025-2030.
Mais le retour aux actionnaires de Chevron est pourtant meilleur. Le groupe vient de relever son dividende trimestriel de 5%, poursuivant ainsi sa série impressionnante de 38 ans d’augmentation du dividende. Avec environ 11,5% de rendement total (dividendes + rachats d’actions) estimé pour 2025, Chevron se rapproche de ses concurrents européens et se situe nettement au-dessus du niveau d’Exxon Mobil.
Pour 2025 et 2026, Chevron vise un free cash-flow supérieur d’environ 10 milliards par rapport au niveau des deux années précédentes. Cet objectif doit être atteint grâce à la mise en production de projets très rentables dans le golfe du Mexique et l’achèvement du projet TCO (Kazakhstan). En effet, ces éléments permettront d’une part d’augmenter la production (de l’ordre de 6% en 2025 et en 2026) et d’autre part de réduire les Capex (-1.5 milliard de dollars en 2025 et -1 milliard en 2026 par rapport aux projections précédentes). Les réductions de coûts déjà annoncées de 2 à 3 milliards et l'augmentation de 30 % des synergies résultant de l'acquisition de PDC contribueront également à la progression du free cash-flow. Ainsi, Chevron pourra déployer d’importants rachats d’actions, en sus des dividendes réguliers. À moyen terme, un niveau de 10 à 20 milliards de dollars par an est envisagé en fonction des conditions du marché.
Le risque Trump
Perçu comme un président très favorable aux énergies fossiles, Donald Trump ne fait pour le moment pas les affaires des majors pétrolières. Après avoir plaidé à Davos pour une baisse du prix du pétrole, celui-ci a mis à exécution sa menace d’imposer des sanctions contre le Canada et le Mexique. Et l’énergie n’a pas été épargnée. Les produits énergétiques en provenance du Canada seront soumis à des droits de douane de 10%, tandis que les importations d'énergie mexicaines ont gagné un mois de répit, mais sont potentiellement sous le coup de 25% de droits de douane.
Ces droits de douane concernent donc les deux principales sources d'importation de pétrole brut aux États-Unis. Ces pétroles plus lourds que ceux produits aux Etats-Unis sont nécessaires au bon fonctionnement des raffineries américaines, qui importent environ 4 millions de barils par jour du Canada. Les prochaines semaines nous permettront d’y voir plus clair étant donné que Donald Trump vient seulement de donner le coup d’envoi d’une probable séquence de sanctions et de contre sanctions. Mais en l’état, les marges de raffinage continueront d’être sous pression.