Le nouveau directeur général du groupe à la pomme aura besoin d'un produit révolutionnaire pour prouver qu'il a les épaules pour succéder à Steve Jobs, et cela pourrait se traduire dès 2013 par un assaut sur la télévision de salon par internet, estiment des analystes et des spécialistes du secteur.

Qualifié par Steve Jobs de passe-temps, Apple TV - un petit boîtier lancé en 2006 pour connecter un téléviseur plasma ou LCD à internet - constitue aussi l'un des rares faux pas du groupe au cours de sa vertigineuse ascension.

Si Tim Cook réussit là où Steve Jobs a échoué, celui dont on loue le génie opérationnel répondra à tous ceux qui s'interrogent sur sa vision stratégique.

"La télévision est la lacune évidente dans la gamme de produits Apple", a déclaré John Jackson de CCS Insight. "Il y a une pression constante pour innover (mais) la dynamique actuelle d'Apple fait qu'ils n'ont pas besoin de réinventer l'écran de télévision à très court terme."

La télévision de salon connectée à internet a longtemps été considérée comme la prochaine grande étape dans les nouvelles technologies mais personne n'a réussi jusqu'ici à lancer un produit faisant l'unanimité.

S'ils s'engagent sur cette voie, Tim Cook et son groupe rejoindraient alors un terrain déjà bien occupé, avec notamment Microsoft, Google, Sony et Samsung.

"Le Graal c'est le salon", affirme David Rolfe de Wedgewood Partners, dont 9,5% ou près d'un milliard de dollars de son portefeuille est consacré à Apple.

"Ils s'y installeront seulement s'ils peuvent proposer un produit meilleur que ceux qui existent déjà."

OBSTACLES

Mais les intentions de Steve Jobs, et maintenant de Tim Cook, sur le front de la télévision sont loin d'être claires. Des rumeurs persistantes enflent autour d'un téléviseur Apple qui intégrerait des services et des contenus dans une iTV, mais certains se demandent si l'industrie télévisuelle, en difficulté, est prête pour une révolution Apple.

Le marché actuel propose un panel d'offres disparates, du visionnage de vidéos en streaming via des consoles de jeux vidéo comme la Xbox de Microsoft aux téléviseurs Google vendus par Sony, Samsung et d'autres.

Apple a été "le premier à suivre les pionniers sur le marché des tablettes numériques, dans la musique numérique, dans le secteur des smartphones", a déclaré Mark Mulligan, spécialiste indépendant des médias numériques. "Ils attendent qu'un marché soit défriché, apprennent des erreurs commises puis se lancent et font mieux que tous les autres avant."

Les analystes estiment qu'il faut facilement cinq ans à Apple pour développer entièrement un nouveau produit, donc soit Steve Jobs a déjà tracé la route de la télévision, soit Tim Cooks doit commencer à y réfléchir dès maintenant.

Le principal obstacle à cet éventuel projet pourrait être les inquiétudes de l'industrie du divertissement sur les termes des licences vidéos souhaités par Apple, et obtenus par le passé pour la musique et la vidéo sur iTunes. Des dirigeants ont déclaré qu'Apple avait demandé 30% des revenus tirés des ventes sur iTunes, accusé d'étouffé l'industrie musicale.

L'IMPORTANCE DU CHARISME

Le charisme de Steve Jobs et ses talents de négociateur ont été cruciaux pour le lancement d'iTunes, qui a vu l'essor des ventes de chansons plutôt que d'albums sur le web. Tim Cook ne s'est pas encore frotté à cela, mais beaucoup louent son habileté à négocier avec les fournisseurs qui fabriquent les Mac, iPhone et iPad.

"C'est le statut de rock-star de Steve qui a convaincu ces gens, ils étaient impressionnés par le personnage", a déclaré un ancien dirigeant de label ayant pris part aux négociations avant le lancement d'iTunes. "Sans lui, Apple n'aurait jamais pu conclure l'accord."

Tim Cook a bien déjà fait la preuve de son talent à la table de négociations. Peter Misek de Jefferies rappelle que c'est Tim Cook qui a piloté la sortie de l'iPad 2 et qu'il dirigeait le groupe au moment où le Japon, parmi les pays qui fabriquent le plus de composants électroniques, a été frappé par un tremblement de terre et un tsunami dévastateurs.

"Tim Cook a été capable de doubler et parfois même de tripler les sources d'approvisionnement en composants", a déclaré Peter Misek. "Jusqu'ici, aucun des rivaux (d'Apple) n'a été capable de gagner une part de marché significative sur le marché des tablettes et (...) la direction de Tim Cook à son lancement à été cruciale."

Désormais l'ancien dirigeant de Compaq doit montrer qu'il peut être davantage que celui qui met en oeuvre la vision du chef, maintenir intacte la créativité d'Apple, mais également faire la preuve de son instinct pour devancer les désirs des consommateurs.

Wall Street l'aura à l'oeil.

"Le marché et le groupe ont besoin de constater que Tim (Cook) a la capacité de jugement pour miser sur le cheval gagnant" a déclaré Jane Stevenson, vice-présidente du conseil d'administration et PDG de Korn/Ferry International.

"Le marché aura besoin de voir un flux continu d'innovations qui portent sa patte."

Avec Poornima Gupta et Sarah McBride à San Francisco, Yinka Adegoke et Jennifer Saba à New York, Mathilde Gardin pour le service français, édité par Eric Faye