La formule fait mouche, tant il est vrai que les percées hostiles se multiplient de tous les côtés. Le ministère de la justice américain, qui a déjà remporté une première manche à l’issue d’une procédure de quatre ans, et fait qualifier Alphabet de « monopoliste » sur le marché de la recherche, revient à la charge avec en ligne de mire la domination du groupe sur le marché de la publicité en ligne.
Les avocats de ce dernier auront fort à faire pour battre en brèche ces accusations. Google contrôle 90% des parts du marché de la publicité en ligne, notamment via sa plate-forme AdX. Dans un document qui a fuité et s’est retrouvé fort opportunément inscrit au dossier, un employé du groupe assimilait cette position de force à « un contrôle du NYSE par Goldman Sachs ou Citigroup ».
En décembre dernier, un tribunal californien avait déjà cloué Alphabet au pilori pour ses pratiques illicites qui visaient à asseoir la domination de son système d’exploitation Android, installé sur plus des deux-tiers des téléphones mobiles dans le monde. En parallèle, l’autorité de la concurrence britannique a elle aussi annoncé monter au créneau, tandis que le régulateur européen fourbit ses armes.
Enfin, inspirés sans doute par ce climat vindicatif, les annonceurs commencent à se regrouper en parties civiles pour lancer contre le géant de la technologie diverses procédures collectives. Le site d’avis en ligne Yelp a lancé les hostilités et devrait rapidement être rejoint par d’autres annonceurs qui s’estiment eux aussi floués. Les experts du genre estiment que la note pourrait atteindre au moins $100 milliards de dommages et pénalités pour Alphabet.
Comparaison n’est pas raison, bien sûr, mais le bon mot de l’analyste de Bernstein, on le voit, n’est pas dénué de pertinence. Pressé sur toutes ses frontières fluviales — du Rhin, du Danube et de l’Euphrate — l’empire romain s’était scindé en deux pour résister ; sa partie occidentale se désintégra durant le siècle suivant, tandis que sa partie orientale continua de prospérer pendant presque un millénaire avant d'être engloutie.
Une analogie moins dramatique et plus réaliste serait sans doute à chercher du côté du précédent Microsoft. Il y a vingt-cinq ans, le groupe de Bill Bates était lui aussi sous le feu du régulateur. Mis en accusation pour sa domination écrasante sur les marchés des systèmes d’exploitation et des navigateurs en ligne via Windows et Explorer, c’est justement l’intervention du régulateur qui permit à Google d’éclore et de s’imposer avec son moteur de recherche.
Du reste, le verdict qui initialement imposait à Microsoft un sort à la Standard Oil — c’est-à-dire un désossement en bonne et due forme — fut ajourné en appel. Le pire fut donc évité, même s’il s’ensuivit pour les actionnaires une pénible période de stagnation, avec un titre qui, en bourse, fit du surplace pendant presque quinze ans. Nul doute que les actionnaires d'Alphabet se dispenseraient volontiers d'un tel scénario.
Quitte à continuer dans le registre des analogies et comparaisons, rappelons aussi que la cabale du ministère de la justice américain marquait le sommet de la première bulle spéculative des valeurs technologiques. Nul doute là encore que, vingt-cinq ans plus tard, les superstitieux verront en cela un possible signe annonciateur.
Chahutée par cette actualité délicate et une absence de croissance de ses résultats depuis trois ans, l’action d’Alphabet retombe à une valorisation de vingt fois les profits. C’est son traditionnel plancher, touché et brièvement enfoncé à plusieurs reprises depuis vingt ans : pendant la crise financière de 2008-2012 ; au printemps 2020 durant la panique liée au Covid ; l’année dernière lorsque commentèrent les déboires judiciaires du groupe de Mountain View.
Cela vaut au titre de rejoindre le portefeuille US de Zonebourse, qui sut à plusieurs reprises par le passé mettre à profit ces moments de creux, et qui bien sûr suivra de près les développements de l'affaire.