Un membre du club des 7 Magnifiques qui affiche un chiffre d’affaires inférieur aux attentes, c’est assez rare pour être souligné. Malgré une croissance de 12% sur un an, le chiffre d’affaires d'Alphabet au quatrième trimestre (96,5 milliards de dollars) est en effet en dessous du consensus des analystes.
C’est notamment la croissance du cloud qui a déçu. Avec presque 12 milliards de revenus, Google Cloud a affiché une croissance de 30% au quatrième trimestre, en ralentissement par rapport aux 35% du trimestre précédent. Mais il faut noter que le bénéfice opérationnel de cette division a doublé, à 2.1 milliards de dollars.
En revanche, les ventes publicitaires, qui représentent les trois quarts du chiffre d'affaires sont toujours solides. Sur la période octobre-décembre, celles-ci ont progressé de 10,6% à 72,46 milliards de dollars. Alphabet a notamment bénéficié de dépenses records dans le cadre de l’élection présidentielle américaine.
Ces dernières années, c’est notamment Youtube qui a contribué à la croissance des revenus publicitaires. Et le momentum est toujours bon. Les revenus de la plateforme étaient de 10,47 milliards de dollars au quatrième trimestre, en croissance de 13,8%, contre 12,2% au trimestre précédent. A l’instar de Spotify, qui a généré un bénéfice pour la première fois depuis 2008, ou de Netflix et ses 300 millions d’abonnés, les grandes plateformes qui ont réussi à dominer leur marché en récoltent désormais les fruits.
Enfin, les résultats ont progressé bien plus vite que le chiffre d’affaires. Le résultat d’exploitation a progressé de 33% en 2024. Les marges ont donc significativement augmenté. La marge nette est ainsi passée de 24% en 2023 à 28.6% en 2024, ce qui place Alphabet dans les standards d'Hermès, la référence en Europe sur le plan de la profitabilité.
Mur de Capex
L’autre élément qui a fait peur aux investisseurs, c’est le montant des Capex, que Sundar Pichai, le directeur général d'Alphabet, a estimé à 75 milliards de dollars en 2025. Un montant 30% supérieur aux attentes de Wall Street, qui doit permettre à Alphabet d’accélérer le déploiement des infrastructures pour l'IA. Or, depuis l’apparition de Deepseek, l’idée qu’il faut toujours plus investir pour gagner la course de l’IA a pris du plomb dans l’aile et la question de la rentabilité de ces investissements devient central.
Chez Alphabet, comme chez ses concurrents, ce n’est pas seulement une accélération des montants absolus. Pour donner un ordre d’idée les Capex d’Alphabet représentaient environ 10% du chiffre d’affaires sur la période 2021-2023, contre 15% attendu sur la période 2024-2026.
Un marché exigeant
Les résultats d’Alphabet et la réaction de marché sont assez similaires à la publication de Microsoft. Pour ces deux entreprises, l’attention des investisseurs est portée sur la croissance du cloud. Rappelons que Microsoft (avec sa plateforme Azure) est numéro deux de ce marché et Google numéro trois ; les deux étant distancés par le leader Amazon (AWS). Et Microsoft a aussi affiché une croissance légèrement inférieure aux attentes, avec un « petit 31% ».
Même si ces chiffres sont impressionnants dans l’absolu pour des entreprises qui pèsent entre 2500 et 3000 milliards de dollars, le marché s’est focalisé sur la décélération de la croissance. En effet, en bourse, on regarde toujours la dérivée seconde c’est-à-dire qu’on ne regarde pas juste si la croissance est positive ou négative mais on regarde l’accélération ou la décélération du taux de croissance.
Et à mesure que la croissance décélère, l’écart de croissance bénéficiaire entre les Mag 7 et les 493 autres valeurs du S&P500 se réduit, ce qui vient donner du grain à moudre aux promoteurs de la thématique du « broadening » en bon français, c’est-à-dire l’idée de l’élargissement du rallye actions, essentiellement tirée par les 7 magnifiques depuis deux ans.
En attendant, la valorisation d’Alphabet est revenue sur des niveaux bien plus attractifs, en dessous de la moyenne 10 ans, et assez proche de celle du S&P500. Le marché est peut-être attentiste, alors que la justice américaine doit statuer cette année au sujet d’un possible démantèlement. Alphabet a été jugée coupable l'été dernier de pratiques illégales pour établir et maintenir son monopole dans la recherche en ligne, et le gouvernement américain a demandé à la justice qu'elle cède son navigateur internet Chrome. Ce n’est pas la seule grande entreprise de la tech US à faire face à des procédures antitrust. Cet élément explique sans doute en partie le récent rapprochement entre les CEO de la tech et l’administration Trump.