Ces derniers, les lecteurs fidèles le savent bien, sont toujours passés au crible dans nos colonnes. Du reste, nos précédents commentaires de résultats montrent que si nous marquons Adidas au maillot, c’est avec une volonté d’objectivité et sans vision partisane. Voir à ce sujet Adidas : Encore une page à tourner et Adidas : Une prodigieuse remontée au score.

Une chose est certaine : transfuge de Puma, le nouveau directeur Bjorn Gulden imprime fortement sa marque à la direction du groupe. Le plus remarquable est sa stratégie qui prend le contre-pied de celle de Nike, privilégiant les distributeurs aux canaux de vente directe. En la matière, les récentes déboires de l’américain semblent confirmer le bien-fondé de ce choix.

Le style très franc du collier de l’ancien footballer amène aussi la dose de « disruption » dont Adidas avait tant besoin pour se réformer. De l’aveu de sources bien introduites et proches de Zonebourse, le groupe était depuis trop longtemps devenu un exemple caricatural de bureaucratie à l’allemande.

Adidas, on le rappelle, se remettait avec peine de deux calamités à l’arrivée de Bjorn Gulden : sa rupture avec Kayne West, et avec elle la liquidation de sa marque-blockbuster Yeezy ; ainsi qu’une sévère contre-performance commerciale en Chine, où sa réputation avait terriblement souffert d’une campagne pro-Ouïghours mal accueillie sur place.

L’année 2024 commençait avec un autre séisme : la perte du contrat de sponsoring avec l’équipe nationale de football allemande, passée chez Nike après soixante-dix sept de partenariat avec Adidas. Cette prise de guerre soulignait au passage la nature de l’inimitable avantage compétitif des deux frères ennemis : la capacité d’épauler les athlètes et les équipes les plus iconiques du monde du sport, et ainsi de s’offrir des « influenceurs » de premier choix et des visibilités sans égales.

Tout ceci étant dit, Adidas retrouve enfin des couleurs. Le chiffre d’affaires augmente de 6% sur les six premiers mois de l’année — 10% si l’effet de change n’avait pas été défavorable — et le profit d’exploitation triple dans la foulée. Les stocks diminuent d’un cinquième, les modèles Samba et Gazelle cartonnent, la dette nette fond de €1.3 milliard, et la guidance pour l’exercice 2024 est revue à la hausse.

Comme nous l’écrivions en mars dernier, Bjorn Jurgen maîtrise manifestement l’art délicat de la communication financière. Au-delà de ça, et notablement, les bons résultats d’Adidas devraient ramener le groupe sur le chemin de croissance après huit pénibles années de stagnation, tandis que le lancement de nouveaux modèles pourraient eux assurer un retour des marges vers leurs juteux plus-hauts historiques.

La très bonne performance du segment distributeur — en croissance de 17% sur le second trimestre —  confirme l’intérêt de la nouvelle direction stratégique du groupe. Il reste cependant du chemin à parcourir : Adidas projette un profit d’exploitation de un milliard d’euros en 2024, semblable à celui de l’année 2015 et toujours très loin du pic de €2.6 milliards atteint en 2019.

Après dix-huit mois de remontada boursière, l’accueil réservé aux résultats par le marché ce matin témoigne justement de ces précautions.