Turkish Airlines envisage de transférer une commande récemment annoncée de Boeing 737 MAX vers son concurrent Airbus si les discussions avec le fournisseur de moteurs CFM n'aboutissent pas, a déclaré le président de la compagnie, Ahmet Bolat.

Cette mise en garde inattendue intervient après que la compagnie nationale turque a annoncé une commande provisoire de 150 appareils MAX auprès de Boeing, coïncidant avec une rencontre, le 25 septembre, entre le président turc Recep Tayyip Erdogan et son homologue américain Donald Trump, réélu président des États-Unis lors de l'élection du 5 novembre 2024 et investi le 20 janvier 2025. Cette commande reste toutefois soumise à la conclusion d'un accord séparé concernant les moteurs.

CFM International, coentreprise transatlantique détenue par GE Aerospace et Safran, est le seul fournisseur de moteurs pour le Boeing 737 MAX et rivalise avec la filiale Pratt & Whitney du groupe RTX pour équiper la famille Airbus A320neo.

Désaccords sur les coûts

« Si CFM propose des conditions économiques acceptables, alors nous signerons avec Boeing », a confié Bolat à Reuters mercredi soir à Stockholm. Il a ajouté que les négociations avaient progressé, mais que des désaccords subsistaient sur les coûts.

« Si CFM maintient sa position, nous nous tournerons vers Airbus. Avec Airbus, j'ai des choix », a-t-il précisé, faisant référence aux deux fournisseurs de moteurs proposés par l'avionneur européen.

CFM, premier fabricant mondial de moteurs en nombre d'unités vendues, a indiqué : « Par principe, CFM ne divulgue pas les détails des négociations contractuelles avec ses clients. »

Boeing a refusé de commenter.

Cette commande, très suivie dans le secteur, s'inscrit dans un vaste plan de renouvellement et d'expansion de la flotte de Turkish Airlines, qui prévoit d'atteindre environ 800 avions d'ici 2033, après avoir déjà commandé plus de 200 appareils Airbus en 2023.

Selon des sources industrielles, un accord avec CFM reste néanmoins probable, compte tenu de l'attention politique portée à la commande et de la rareté des avions Airbus concurrents disponibles.

Partage des risques

Une série de pénuries de moteurs et de retards croissants dans la maintenance a entraîné une hausse des prix des pièces détachées et accentué les tensions entre fournisseurs et compagnies aériennes à l'échelle mondiale.

Les compagnies aériennes du monde entier ont exprimé leur frustration face à ces perturbations, y compris Turkish Airlines, qui subit des retards liés aux moteurs Pratt & Whitney sur sa flotte Airbus existante. Les motoristes estiment, de leur côté, devoir être rémunérés pour les risques financiers importants qu'ils assument.

Au coeur du différend entre THY et ses fournisseurs se trouve la question du partage du risque lié au coût des réparations à long terme, selon des sources du secteur.

Les moteurs d'avion sont généralement vendus à perte, mais les fabricants se rattrapent sur les contrats de maintenance, étalés sur une vingtaine d'années.

Plutôt que de facturer chaque réparation au coup par coup, ils privilégient souvent des contrats longue durée, calculés à l'heure de vol. Mais l'augmentation de l'usure sur les moteurs modernes rend ces accords plus risqués pour les fabricants. Turkish Airlines souhaiterait obtenir un tel contrat, selon les mêmes sources.

CFM s'est montré moins enclin, ces dernières années, à proposer ce type d'accord, préférant confier davantage de maintenance à des ateliers indépendants. Toutefois, deux sources du secteur indiquent que CFM fait preuve de plus de flexibilité récemment, acceptant des contrats à l'heure en échange de prix plus élevés.

Des responsables de CFM ont récemment assuré à Reuters que l'entreprise n'avait jamais cessé d'accorder de tels contrats longue durée et que sa stratégie visant à externaliser davantage de travaux n'avait pas changé.

THY ouverte à une commande du Boeing 777X malgré les retards

Sur une note plus positive pour Boeing, Ahmet Bolat a indiqué que Turkish Airlines envisageait toujours de commander le 777X, malgré de récents retards, et suivait de près le développement de ce modèle.

Le plus grand biréacteur du monde devrait désormais être prêt en 2027, soit sept ans après la date initialement prévue.

Bolat a précisé que Turkish Airlines restait en contact régulier avec Boeing, notamment au sujet du 777X, et évaluait les routes sur lesquelles l'appareil serait le plus adapté.

« Quand le moment sera venu, nous passerons commande pour des 777X », a-t-il déclaré, tout en soulignant que la compagnie n'était pas pressée.