Couvée par le sulfureux Peter Thiel et pilotée par l'excentrique Alex Karp, la société préférée des technophiles - incontestablement la 'meme stock' de l'année 2025 - fait l'objet d'un culte qui transcende les canons de la finance traditionnelle.
Pendant un temps, cela leur valait quantité de sarcasmes : Palantir n'était pas rentable, entretenait un savant secret autour de la nature réelle de ses activités, et dépensait des montants proprement astronomiques en stock-options ; il y a trois ans, ces dernières atteignaient même les quatre-cinquièmes du chiffre d'affaires.
Mais la firme basée à Houston a donné des gages depuis le premier semestre 2024. Elle a nettement taillé dans le gras de ses rémunérations variables, maintenu son rythme de croissance phénoménal, et enfin mis ses comptes à l'équilibre - mieux : elle les a mis haut dans le vert. L'action a immédiatement réagi en s'envolant vers la stratosphère.
S'il faut prendre ses résultats financiers au pied de la lettre, force est de reconnaître que l'année 2025 est épatante. Sur les neuf premiers mois de l'année, le chiffre d'affaires de Palantir augmente de plus de 51 % par rapport à l'an dernier à la même époque, de 1,6 à 2,5 milliards de dollars ; et le profit d'exploitation avant amortissements - ou EBITDA - non ajusté à un rythme plus soutenu encore, de 324 à 858 millions de dollars.
Pour l'année complète, à un trimestre de son terme donc, le consensus des analystes s'accorde sur un résultat net de 1,1 milliard de dollars. À cet égard, la valorisation boursière du moment est équivalente - on se pince pour y croire - à x120 le chiffre d'affaires et x480 le résultat net attendus en 2025.
Pour donner le sens de la mesure, Palantir commande désormais une capitalisation boursière comparable à celle de Mastercard ou Exxon - deux titans qui certes affichent une moindre croissance, mais n'en produisent pas moins des bénéfices de 15 milliards pour le premier, et de 30 milliards pour le second.
Palantir, lui, continue d'empiler du cash à son bilan, et se trouve désormais assis sur un trésor de guerre qui dépasse 7 milliards de dollars. Il n'y a pour l’instant pas de rachats d'actions - à quoi bon à de tels multiples de valorisation ? - ni de dividendes ou d'acquisitions.
Au-delà de son expansion commerciale - qui continue dans le secteur privé, puisque celui-ci atteint 46 % du chiffre d'affaires ce trimestre, contre 44 % l'an dernier à la même époque - la thésaurisation résume donc pour l'instant sa stratégie de gestion.
Palantir continue bien sûr d'agiter les vendeurs à découvert. Parmi eux, le célèbre Michael Burry, célèbre pour son pari contre les prêts hypothécaires notés AAA avant que n'éclate la crise des subprimes, a concentré le portefeuille de sa firme Scion Asset Management contre la firme de Houston - et contre Nvidia.
Il n'est pas le premier à s'y risquer. Mais dans un marché qui ne cesse de défier les lois de la gravité, ceux qui l'ont précédé en ont été pour leurs frais.


















