Le gouvernement italien se dit déterminé à défendre ses « pouvoirs dorés », destinés à protéger les actifs stratégiques du pays, alors que Bruxelles s'apprête à contester cette législation, a déclaré vendredi le ministre italien de l'Économie.

L'Italie fait partie des pays de l'Union européenne ayant largement recours à la législation sur les pouvoirs dorés pour préserver ses intérêts dans des secteurs tels que la banque, la défense et les télécommunications.

Le ministre Giancarlo Giorgetti a affirmé devant des journalistes à Luxembourg que la sécurité nationale ne relevait pas du jugement des institutions européennes.

« La sécurité nationale est une responsabilité exclusive du gouvernement national, et nous avons l'intention de la défendre d'une manière ou d'une autre », a-t-il déclaré à l'issue d'une réunion des ministres européens des Finances.

Reuters a rapporté jeudi que la Commission européenne s'apprêtait à engager une procédure contre Rome dans le cadre d'une campagne contre les pays de l'UE entravant la consolidation bancaire en Europe, citant des sources proches du dossier.

Bruxelles lancera deux procédures juridiques distinctes, l'une au titre du marché unique et l'autre au titre des règles sur les fusions, selon ces mêmes sources.

L'exécutif européen, qui avait déjà averti l'Italie qu'elle pourrait enfreindre les règles de l'UE en examinant les fusions bancaires au moyen des pouvoirs dorés, a refusé de commenter l'article de Reuters mais a indiqué avoir reçu les réponses de l'Italie dans les deux dossiers.

« La Commission évalue actuellement la réponse de l'Italie et envisagera les prochaines étapes », a déclaré un porte-parole de la Commission.

La démarche de l'UE a été motivée par l'intervention de l'Italie dans une proposition de fusion bancaire impliquant UniCredit, deuxième plus grande banque du pays, qui a retiré son offre sur sa rivale Banco BPM le 22 juillet, invoquant l'ingérence du gouvernement.

Parmi les conditions fixées pour permettre la réalisation de l'opération, l'Italie avait demandé à UniCredit de cesser ses activités en Russie d'ici début 2026 afin d'éviter que l'épargne collectée par Banco BPM ne finance la guerre menée par Moscou contre l'Ukraine. Rome a maintenu ce décret malgré l'échec du projet de fusion.

L'UE ordonnera à l'Italie de retirer le décret fixant les conditions de l'offre avortée d'UniCredit, selon les sources, tout en contestant la législation sur les pouvoirs dorés dans le cadre d'une procédure d'infraction distincte.

« Lorsque les observations de l'UE arriveront, nous les évaluerons. Je dis simplement que le gouvernement applique une loi efficace. Si l'on souhaite modifier la loi, il appartient au Parlement de le faire », a déclaré Giorgetti, interrogé sur le rapport de Reuters.

La Commission européenne prévoit d'envoyer deux lettres à l'Italie d'ici la mi-novembre pour lancer sa démarche, ont ajouté les sources.

Si l'UE juge que les conditions imposées à UniCredit sont illégales, la banque pourra alors envisager de demander des dommages et intérêts à l'Italie.

Giorgetti a cependant laissé entendre que le gouvernement était prêt à contester les procédures devant une cour de justice européenne.