Fin mai, trois juges du Tribunal de Commerce International (TCI) de New York, saisis par 5 entreprises et 12 Etats fédérés, avaient jugé ces droits de douane illégaux. Dans la foulée, une cour d’appel fédéral de Washington avait suspendu la décision le temps de juger l’affaire sur le fond. Fin août, cette même cour d’appel avait finalement confirmé le jugement du TCI. Le département de la Justice avait alors fait appel auprès de la Cour suprême.

Une menace inhabituelle et extraordinaire ?

La majorité des droits de douane mis en place par Donald Trump le sont en vertu de l’IEEPA :

  • Les droits de douane réciproques du 2 avril (dont les taux ont évolué par la suite).
  • Les droits de douane liés au fentanyl imposés au Canada (25%), au Mexique (25%) et à la Chine (20%, puis 10% depuis le sommet Trump-Xi la semaine passée) en février.

L’IEEPA (International Emergency Economic Powers Act) est une loi de 1977 qui permet au président de prendre des mesures pour lutter contre une "menace inhabituelle et extraordinaire".

Tout l’enjeu de la décision de la Cour suprême est de déterminer si les droits de douane de Donald Trump répondent bien à une telle menace. 

Dans le décret signé le 2 avril par Donald Trump, il est écrit : "les déficits commerciaux annuels importants et persistants des États-Unis constituent une menace inhabituelle et extraordinaire pour la sécurité nationale et l'économie des États-Unis. […] Je déclare par la présente l'état d'urgence nationale face à cette menace."

En mai, les juges du TCI avaient estimé qu’un déficit commercial existant depuis presque 50 ans ne peut pas être considéré comme une "menace inhabituelle et extraordinaire".

Dans le jugement, il faudra probablement distinguer les droits de douane réciproques et ceux liés au fentanyl. L’argument de la menace inhabituelle et extraordinaire est peut-être davantage recevable dans le deuxième cas, le fentanyl causant la mort de dizaine de milliers de personnes chaque année.

Les solutions de rechange

Si la Cour suprême confirmait les décisions des juridictions inférieures, estimant que l’IEEPA ne peut être invoqué, l’administration Trump aurait toutefois d’autres moyens légaux pour les mettre en œuvre.

Parmi les solutions alternatives, il y a notamment :

-la section 232 du Trade Expansion Act : le Département du commerce diligente une enquête. Si celle-ci conclut à une menace sur la sécurité nationale, le président peut alors imposer des droits de douane. C’est le processus qui a été utilisé pour les droits de douane sur l’automobile, l’acier et l’aluminium. Et d’autres enquêtes sont en cours dans ce cadre.

-la section 122 du Trade Act de 1974 : le président peut imposer des droits de douane jusqu’à 15% sur les importations de pays à l’égard desquels il y aurait des "enjeux sérieux sur la balance des paiements". Mais cette mesure est limitée à 150 jours, à moins que le Congrès ne l’étende.

-la section 301 du Trade Act de 1974 : le représentant au commerce peut décider de droits de douane en réponse à des "pratiques commerciales injustes".

-la section 338 du Trade Act de 1930 : ce dispositif permet au président d’imposer des droits de douane jusqu’à 50% pour les pays qui discriminent les produits américains.

Une décision clé pour la présidence Trump

Dans l’immédiat, l’annulation des droits de douane IEEPA aurait une conséquence négative : l’administration Trump devrait rembourser ce qui a été collecté depuis leur mise en place, soit environ 100 milliards de dollars.

Au-delà, les droits de douane sont devenus une importante source de revenus pour le budget fédéral et donc un moyen de réduire le déficit. Selon les calculs de Bank of America, les revenus des tariffs atteignaient fin août 375 milliards de dollars en rythme annualisé.

Donald Trump espère que les juges de la Cour suprême, à majorité républicaine (6-3), lui donneront raison. En effet, les droits de douane sont un élément central de sa politique économique.

Mais ce n’est pas qu’un enjeu économique. Cette décision sera clé pour l’étendue de son pouvoir ; les droits de douane étant en principe une prérogative du Congrès. Dans une interview accordée à l’émission 60 minutes, diffusée dimanche, il affirmait : "Je pense que c’est le sujet le plus important discuté par la Cour suprême en 100 ans".

Si l’audience de la Cour suprême se tient mercredi, la décision ne devrait pas être rendue avant plusieurs semaines.