Le PDG d'AstraZeneca, Pascal Soriot, affichait une mine détendue dans le Bureau ovale vendredi, alors que le président des États-Unis, Donald Trump, dévoilait un accord sur les médicaments destiné à faire baisser les prix pour des millions d'Américains.

Un travail acharné venait ainsi d'aboutir, permettant à Soriot de décrocher le premier accord pour un laboratoire étranger et de protéger son groupe anglo-suédois contre la menace de lourds droits de douane sur les importations vers les États-Unis, premier marché mondial du médicament.

Ce moment à la Maison Blanche a été l'aboutissement de rencontres publiques et privées entre Soriot et des responsables de l'administration Trump, amorcées dès novembre dernier, après la réélection de Trump, selon trois sources proches des négociations citées par Reuters. L'accord s'est joué sur le fil, avec une ultime offensive d'AstraZeneca pour finaliser le dossier.

« Vous m'avez empêché de dormir, moi et mon équipe aussi. Mais cela en valait vraiment la peine », a plaisanté Soriot à l'adresse de Trump.

LE PDG D'ASTRAZENECA RENCONTRE TRUMP LORS D'UN BANQUET ROYAL

L'accord devrait renforcer la réputation de Soriot, 66 ans, Français d'origine naturalisé australien, en tant que « confident de Trump », alors que de nombreux PDG à travers le monde peinent à composer avec les revirements tarifaires du président américain.

Trump estime que les Américains paient bien trop cher -- souvent trois fois plus, selon des études -- pour leurs médicaments sur ordonnance que dans d'autres pays riches, et avait fixé au 29 septembre une date butoir pour que les laboratoires réduisent leurs prix, brandissant la menace de droits de douane pouvant atteindre 100 %.

L'offensive de charme de Soriot a débuté la semaine suivant la victoire de Trump à la présidentielle. Le 12 novembre, AstraZeneca annonçait un plan d'expansion de 3,5 milliards de dollars pour la fabrication et la recherche aux États-Unis.

Arrivé sur le sol américain au début de la semaine dernière, Soriot avait rencontré Trump plus récemment lors d'un dîner de gala royal au château de Windsor, au Royaume-Uni, le 18 septembre, selon une première source.

Durant l'été, il s'était également entretenu au moins trois fois avec le secrétaire américain au Commerce, Howard Lutnick, tant en Grande-Bretagne qu'aux États-Unis, ajoute cette même source.

Les trois sources ont requis l'anonymat, les discussions étant confidentielles.

Soriot a également noué des liens étroits avec Glenn Youngkin, gouverneur républicain de Virginie et allié affiché de Trump, selon les trois sources. Cela a permis de conclure rapidement un accord pour une usine de 4,5 milliards de dollars dans l'État, passé de la première discussion à la signature en un peu plus d'un mois.

Jeudi, à la veille de la signature dans le Bureau ovale, Soriot et Youngkin ont posé, côte à côte, la première pierre du site, une pelle à la main.

« Youngkin a de grandes ambitions et ses connexions avec l'administration ont clairement été un atout », a commenté une deuxième source. « L'accord sur l'usine en Virginie a montré que les deux parties étaient sur la même longueur d'onde. »

ASTRAZENECA : UNE « ENTREPRISE TRÈS AMÉRICAINE »

Après cet accord, et celui conclu une semaine plus tôt par le groupe américain Pfizer qui a dopé les valeurs pharmaceutiques mondiales, Wall Street s'attend désormais à ce que d'autres laboratoires annoncent des ententes similaires avec l'administration Trump dans les prochaines semaines.

Sean Conroy, analyste chez Shore Capital, estime que Soriot, qui a publiquement soutenu Trump sur la question du prix des médicaments et qualifié AstraZeneca de « très américaine », a su s'imposer à Washington grâce à des annonces stratégiques bien pensées.

« Ce discours a manifestement trouvé un écho auprès de l'administration Trump et de son agenda sur la tarification des médicaments au prix du pays le plus favorisé », analyse Conroy, en référence au prix le plus bas payé dans d'autres pays riches, après remises et ristournes.

QUELQUES CONCESSIONS, MAIS UNE VICTOIRE POUR ASTRAZENECA

Les analystes estimaient qu'AstraZeneca était moins exposé que d'autres grands laboratoires au risque de droits de douane américains, ayant déjà une forte capacité de production aux États-Unis.

Mais le durcissement de la réglementation et la pression accrue sur les prix au Royaume-Uni, où de nombreux laboratoires reprochent au gouvernement son manque de soutien au secteur, ont donné à AstraZeneca un solide argument commercial pour privilégier un accord américain.

Le Royaume-Uni ne représente qu'une faible part du chiffre d'affaires du groupe, mais c'est là qu'il a son siège et sa principale cotation. AstraZeneca est la plus grande capitalisation de l'indice FTSE 100 à Londres.

À l'inverse, les autorités américaines mènent une politique offensive pour attirer les investissements de groupes comme AstraZeneca et déploient des efforts considérables pour les accompagner, selon la première source.

En juillet, AstraZeneca a annoncé un plan d'investissement colossal de 50 milliards de dollars sur le marché américain et, fin septembre, a indiqué qu'il procéderait à une cotation complète de ses actions à New York, en plus de Londres.

Lorsque Pfizer a signé son accord le 30 septembre, AstraZeneca était déjà tout proche de finaliser le sien, selon les trois sources.

Soriot s'est rendu aux États-Unis dès le début de la semaine dernière alors que les derniers détails étaient encore en cours de finalisation. Chaque jour, l'accord semblait imminent, mais tardait à se concrétiser.

L'accord sur l'usine de Virginie a renforcé la bonne entente entre le groupe et l'administration Trump, ce qui a permis de débloquer la situation, selon une troisième source.

Au final, même si AstraZeneca a consenti à quelques baisses de prix pour le programme Medicaid et s'est engagé à produire davantage de médicaments localement, son accord américain constitue une victoire pour le groupe.

Il apporte davantage de visibilité, estiment les analystes, sans entamer significativement les revenus attendus, qu'AstraZeneca prévoit agressivement à 80 milliards de dollars d'ici 2030, dont la moitié provenant de la hausse des ventes aux États-Unis.

« L'accord de vendredi est la dernière pièce du puzzle », conclut la troisième source.