(Actualisé avec commentaires de Schäuble, Moscovici en fin de dépêche, signature)

par Balazs Koranyi et Gernot Heller

BADEN BADEN, Allemagne, 18 mars (Reuters) - Les ministres des Finances et banquiers centraux des pays du G20 n'ont pas pu, à cause des Etats-Unis, dégager une position commune sur le protectionnisme et le commerce international, samedi, à l'issue d'une réunion qui s'est tenue à Baden Baden.

A la différence marquée de toutes les réunions du G20 organisées ces dix dernières années, le communiqué final ne fait pas référence de manière explicite à la lutte contre le protectionnisme ni à la promotion du libre échange.

Des délégués ont expliqué que les Etats-Unis, fait nouveau, avaient bloqué toute possibilité d'aboutir à un consensus sur ces questions, voire au minimum à un compromis, lors d'une réunion qui s'est parfois apparentée à celle d'un pays contre 19 autres.

Le président Donald Trump a sur les échanges commerciaux une position qui confine, selon ses détracteurs, au protectionnisme, voire à l'isolationnisme, en prônant avec vigueur le "America first" (l'Amérique d'abord). Il va jusqu'à envisager une taxe sur certains produits importés.

Le secrétaire au Trésor américain, Steven Mnuchin, a dit jeudi à Berlin que les Etats-Unis n'avaient aucune intention de s'engager dans des conflits commerciaux mais entendaient réexaminer certaines relations d'affaires dans le sens d'une plus grande équité pour les travailleurs américains.

S'exprimant samedi lors d'une conférence de presse au terme de la réunion du G20, il a assuré que Washington continuait "de croire dans le libre échange" mais voulait donc "revoir certains accords commerciaux", comme l'Alena, l'accord liant les Etats-Unis, le Canada et le Mexique.

"Ce qui figurait dans les précédents communiqués (du G20) n'est de mon point de vue pas nécessairement pertinent", a-t-il dit.

RIEN SUR LE CLIMAT

S'agissant du changement climatique, le communiqué final de Baden Baden ne dit rien de la mobilisation requise dans le volet financement.

Lors de leur dernière réunion en juillet 2016 à Chengdu, en Chine, les grands argentiers du G20 avaient encouragé tous les pays à ratifier l'accord de Paris sur le climat de décembre 2015 afin de faciliter son entrée en vigueur le plus rapidement possible.

Durant la campagne présidentielle américaine, Donald Trump a affirmé que le "concept de réchauffement climatique" avait été "inventé" par les Chinois pour empêcher l'industrie américaine d'être compétitive. Il a suggéré qu'il pourrait retirer les Etats-Unis de l'accord de Paris.

STABILITÉ SUR LES CHANGES

Sur d'autres points, les participants à la réunion de Baden Baden ont en revanche trouvé des points d'entente.

Le communiqué final souligne ainsi la nécessité de maintenir un marché des changes stable. Les pays membres s'engagent à s'abstenir de toute dévaluation compétitive et à ne pas employer les taux de change à des fins concurrentielles.

Ils s'engagent en outre à mettre en place une nouvelle régulation financière, dans le cadre des règles dites de Bâle 3, à l'heure où des voix se font entendre dans un sens contraire aux Etats-Unis.

SAPIN DÉPLORE, SCHÄUBLE MINIMISE

A Paris, le ministre français des Finances, Michel Sapin, a déploré que le G20 n'ait pu s'entendre de manière satisfaisante sur deux priorités que Paris juge absolument essentielles, la lutte contre le changement climatique et le libre échange.

Dans un communiqué, il prend acte du changement intervenu à Washington avec l'arrivée de Donald Trump à la Maison blanche et écrit que la France néanmoins "est pleinement convaincue de la nécessité d'un libre échange régulé profitable à tous, et d?une résolution des conflits commerciaux dans un cadre multilatéral."

"Cette position qui rejette toute mesure protectionniste unilatérale est très largement partagée et a été réaffirmée par de nombreux pays du G20", ajoute le texte.

"Compte tenu de l'évolution récente de la position traditionnelle des États-Unis et du refus de nombreux pays, dont la France, de tout recul sur ces questions, les ministres des finances du G20 ont convenu de continuer à travailler de manière constructive dans la perspective du sommet de Hambourg (en juillet-NDLR) afin de renforcer les bénéfices du commerce international", conclut-il.

Son homologue allemand Wolfgang Schäuble a tenu à minimiser les désaccrods. "Ce n'est pas que nous n'étions pas unis. Il ne fait absolument aucun doute que nous sommes contre le protectionnisme. Mais on ne sait pas très clairement ce que le protectionnisme signifie pour chaque ministre", a-t-il commenté.

Le commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires, Pierre Moscovici, s'est voulu optimiste.

"Ce n'est pas la meilleure réunion que nous avons pu avoir, mais nous avons évité de faire marche arrière", a-t-il dit. "J'espère qu'à Hambourg, la formulation sera différente. Il le faut. C'est la raison d'être du G20." (Avec Michael Nienaber, Joseph Nasr et David Lawder; Gilles Trequesser et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)