par Patrick Graham et Anirban Nag

LONDRES, 16 juin (Reuters) - Après les avertissements lancés par le Japon et la Suisse jeudi, les marchés financiers se demandent ce que préparent en coulisses les grandes banques centrales de la planète dans le cas où les électeurs britanniques choisissent jeudi prochain de quitter l'Union européenne.

Il y a plus de cinq ans que les autorités monétaires n'ont pas procédé à des inerventions concertées sur le marché des changes, à l'époque pour endiguer la hausse du yen après le tremblement de terre et la catastrophe nucléaire de Fukushima au Japon.

Une telle action coordonnée en matière de changes est rare et pour ce qui est du référendum britannique, les banques centrales se sont pour l'instant contentées de promettre qu'elles fourniraient si nécessaire des liquidités aux banques en cas de turbulences sur les marchés.

Plusieurs sources ont déclaré cette semaine à Reuters que la Banque centrale européenne (BCE) et la Banque d'Angleterre agiraient de concert si le camp du "Leave" l'emporte le 23 juin.

Mais les déclarations faites ces derniers jours par quatre banques centrales suggèrent qu'elles envisagent de faire plus en cas de besoin.

"De fortes fluctuations pourraient se produire sur le marché des changes, avec une dépréciation marquée de la livre sur fond de liquidité réduite. Cela pourrait conduire les banques centrales des pays développés à procéder à des interventions concertées sur le marché des changes", estime Antje Praefcke, responsable de stratégie devises de Commerzbank à Francfort.

La Banque nationale suisse (BNS) a clairement annoncé qu'elle serait active sur le marché du franc et qu'elle prendrait les mesures nécessaires. Son président, Thomas Jordan, a ajouté que les banques centrales avaient des contacts nourris sur l'évolution des marchés.

"Nous avons une vision globale, nous suivons les marchés 24 heures sur 24", a dit pour sa part Andréa Maechler, membre du comité de politique monétaire de la BNS.

Alors que le yen, valeur refuge en période de tensions sur les marchés, est déjà orienté en forte hausse, le porte-parole du gouvernement japonais, Yoshihide Suga, a exprimé sa préoccupation et assuré que Tokyo agirait si nécessaire.

"La BNS et peut-être la Banque du Japon seraient prêts à intervenir et à faire baisser la valeur de leur monnaie", estime Yujiro Goto, responsable de stratégie devises de Nomura à Londres. "Il est assez clair, notamment dans le cas de la BNS (...) qu'une intervention sur les changes serait leur première ligne de défense."

Les spécialistes du marché des changes redoutent qu'une victoire des partisans du Brexit ne se traduise par des écarts de cours importants comparables à ceux qui avaient déclenché un mouvement de panique en janvier 2015 lorsque la BNS avait renoncé au cours plancher du franc face à l'euro.

Traders et analystes expliquent que les conditions de liquidité sur les marchés asiatiques, lorsque les résultats du référendum commenceront à tomber, présagent d'un accroissement des écarts entre les prix à la vente et à l'achat des devises.

Certains expliquent avoir dit à la Banque d'Angleterre qu'elle devait se tenir prête à intervenir pour prévenir des fluctuations exagérées tant que la livre sterling n'aura pas trouvé un niveau d'équilibre.

Plusieurs banques ont déjà prédit des chutes à deux chiffres de la livre en cas de Brexit.

Le principal objectif des interventions "serait de freiner des fluctuations à court terme excessives et de prévenir une dégradation de la situation", dit Antje Praefcke, de Commerzbank.

De telles interventions mobiliseraient les lignes de swaps de change ouvertes entre banques centrales pendant la crise financière mondiale en 2008.

A l'époque, la Banque de Réserve d'Australie (RBA) était intervenue à New York ainsi qu'à Sydney pour fournir des liquidités en dollars australiens après un gonflement brutal des écarts (spreads) entre prix à la vente et à l'achat, qui empêchait pratiquement le trading.

La RBA avait alors clairement indiqué qu'elle n'intervenait pas pour défendre un niveau mais pour assurer des conditions de liquidité.

"Il y a des exemples dans le passé de banques centrales qui sont intervenues dans des marchés volatils", dit Dominic Bunning, stratège chez HSBC. "Il est évident qu'on se pose la question de ce qui pourrait ou ne pourrait pas arriver."

(Marc Angrand pour le service français, édité par Véronique Tison)