Le président Donald Trump et les républicains du Congrès poursuivent à marche forcée leur réforme fiscale, reléguant au second plan les préoccupations sur la dette fédérale.

L’initiative a provoqué la fureur d’Elon Musk, ancien allié de Trump et principal soutien financier du parti lors des élections de 2024. Il a dénoncé le projet comme une "abomination répugnante", prenant publiquement ses distances avec le président et soutenant une poignée de républicains soucieux du déficit.

Malgré cela, les ténors républicains, portés par une majorité ténue au Sénat et à la Chambre, s’emploient à concrétiser les promesses électorales de Donald Trump. Le président de la commission des finances du Sénat, Mike Crapo, rejette les critiques en bloc, qualifiant d’"absolument fausses" les projections de hausse du déficit.

Plus de déficit mais pas plus de croissance

Pourtant, le Bureau du Budget du Congrès (CBO) a estimé la semaine dernière que la réforme alourdirait le déficit de 2 400 milliards de dollars sur dix ans, voire 3 000 milliards avec les intérêts. Selon le Comité pour un budget fédéral responsable (CRFB), la facture grimperait à 5 000 milliards si les baisses d’impôts pour les entreprises devenaient permanentes. À l’horizon 2029, la dette atteindrait alors 46 900 milliards, contre 20 200 milliards en 2017.

Les défenseurs du plan s’appuient sur deux arguments : la croissance générée couvrirait les pertes de recettes et les projections du CBO seraient exagérées. Markwayne Mullin, sénateur de l’Oklahoma, affirme ainsi que "les estimations du CBO ont perdu toute crédibilité".

Mais les économistes rappellent que la hausse inattendue des recettes fiscales en 2024 s’explique par l’inflation post-COVID et non par les réformes fiscales. Selon William McBride, économiste en chef de la Tax Foundation, le nouveau plan aura un effet économique "modeste" et "ne s’autofinancera pas".

En effet, la grande majorité des baisses d’impôts n’est qu’une prolongation de celles votées en 2017 ; il n’y a donc que peu d’impulsion fiscale additionnelle. D’où un effet assez neutre sur l’activité économique.

C’est aussi ce qui explique l’inquiétude d’une majorité d’investisseurs. En temps normal, un plan de baisse d’impôts est bien accueilli par les marchés. Mais cette fois, l’impact limité sur la croissance et le creusement du déficit dans un pays déjà très endetté incitent à la prudence. En somme, ce plan est perçu moins comme un coup de pouce budgétaire que comme un acte d’irresponsabilité fiscale.

Trouver un compromis au Sénat

Mais en dépit des avertissements, les républicains semblent prêts à faire passer leur réforme coûte que coûte.

Il leur faudra néanmoins surmonter les dissensions internes au parti. En effet, plusieurs points de ce plan font encore l’objet d’intenses tractations.

D’abord, il y a la déduction dite SALT (State and Local Tax), qui permet de déduire les impôts locaux du paiement des impôts fédéraux. Dans la version votée par la Chambre, son plafond a été relevé, passant de 10 000 à 40 000 dollars (pour les contribuables ayant des revenus inférieurs à 500 000 dollars). Une mesure dont le coût est estimé à 350 milliards de dollars.

Certains sénateurs souhaitent revenir sur cette disposition en la limitant, une ligne rouge pour les élus de la Chambre des Représentants. In fine, ce sont eux qui auront le dernier mot, puisque le plan reviendra à la Chambre pour un vote final.

En revanche, les sénateurs veulent rendre permanentes trois réductions fiscales pour les entreprises. Ces réductions concernent la déduction pour la recherche et le développement, la possibilité d'utiliser l'amortissement et la dépréciation pour calculer les charges d'intérêt, ainsi que l'amortissement supplémentaire de 100 % pour certains biens, comme la majorité des machines et des usines.

Pour compenser ces mesures, les réductions temporaires sur les pourboires et les heures supplémentaires pourraient être restreintes. Et ce, contre l’avis de la Maison Blanche, qui ne souhaite pas revenir en arrière sur une promesse phare de la campagne de Donald Trump.

Du côté des économies, les Républicains sont divisés sur les crédits d’impôts de l’Inflation Reduction Act de Joe Biden, qui financent des projets de transition énergétique. Les coupes prévues dans le texte voté par la Chambre s’élèvent à 600 milliards de dollars. Un groupe de sénateurs Républicains voudrait limiter ces coupes, et les étaler dans le temps. En effet, ces crédits d’impôts financent de nombreux projets dans des districts républicains.

Enfin, les élus du GOP (Grand Old Party) cherchent à faire des économies dans les programmes sociaux, notamment Medicaid et Medicare. Mais ces coupes budgétaires toucheraient les classes populaires, qui constituent l’électorat de Donald Trump. Le président américain martèle que ces coupes ne sont que de la lutte contre "le gaspillage, la fraude et les abus". Mais selon les dernières estimations du CBO, 10.9 millions de personnes seraient exclus de Medicaid à terme.

Les leaders du parti restent confiants sur le fait de parvenir à un compromis qui préserve l’essentiel du texte. Les Républicains ont pour objectif de faire adopter la loi d’ici au 4 juillet, jour de la fête nationale aux Etats-Unis.