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(Easybourse.com) Pouvez-vous nous présenter brièvement Truffle Capital ?
Il s'agit d'une société qui existe depuis 5 ans et qui dispose de 400 millions d'euros de fonds sous gestion. Cette entreprise, qui gère des FCPI et FCPR, investit dans l'énergie, les technologies de l'information et les biotechnologies...

Vous-mêmes êtes intéressés par la gestion du pôle Energie de Truffle Capital…
Truffle a été un des premiers fonds à s'intéresser à l'énergie en Europe -EDF a d'ailleurs été le premier à investir dans notre fonds-, et toutes les participations de Truffle Capital Energie ont une chose en commun qui est la «conscience énergétique». C'est-à-dire que nous investissons dans toutes les énergies et les entreprises qui sont, soit très consommatrices d'énergie, et qui ont de fait un potentiel de réduction de leur consommation d'énergie, à l'aide de technologies, soit, plus directement, dans le développement durable ou les cleantech (traitement de déchets, de l'eau, l'éolien, le photovoltaïque…), ce que fait déjà un certain nombre de nos confrères.

Mais nous nous intéressons également aux énergies comme l'uranium, le pétrole et le gaz, et l'industrie miniaire, en général très consommatrice d'énergie…

Dans le domaine pétrolier, par exemple, pour sortir un baril de pétrole à la tête de puits dans le désert, il vous faut souvent brûler un baril d'énergie, voire parfois deux en moyenne, comme dans le cas du bitumineux au Canada. Or nous, nous investissons dans des sociétés de services parapétroliers qui permettent de diminuer la quantité d'énergie nécessaire à l'extraction des matières premières, qu'il s'agisse d'ailleurs de pétrole ou de minerais. Tout cela se traduit in fine par des économies d'argent, dans la mesure où on économise de l'énergie.

Aujourd'hui, avec les technologies que nous avons développées au travers de nos dix participations, le bilan carbone, économisé, de Truffle Capital Energie atteint plusieurs millions de tonnes de CO2 par an.

La philosophie de Truffle Capital Energie consiste donc à dire que pour économiser les émissions de CO2, les éoliennes et le photovoltaïque ne suffiront pas, ce qu'il faut surtout, c'est s'attaquer à la source même du gaspillage énergétique. C'est ce qui a fait le succès de nos participations, comme celle de Dietswell une société de forage pétrolier et parapétrolier qui signe des contrats très importants grâce à ses technologies uniques dans les extractions pétrolières…

Si on revient sur les principales sociétés du portefeuille de Truffle Capital Energie, on trouve notamment OSEAD…
OSEAD est une société que j'ai démarrée au sein de Truffle, en reprenant une technologie de Novad -société dans laquelle nous avons investi et dont l'activité première est la dépollution : technologie d'extraction de pétrole, de sables bitumineux et de schistes bitumineux.

Le cœur du business d'OSEAD est donc la licence exclusive et mondiale de séparation et d'extraction des hydrocarbures des sables et des schistes bitumineux.  

Nous nous sommes par ailleurs dotés d'un certain nombre de brevets dans le domaine de l'extraction minière. Aujourd'hui, nous faisons un build up avec OSEAD dans plusieurs pays, et nous rachetons aussi bien des sociétés de production minière que des sociétés d'exploration minière. Nous avons ainsi des activités en Mauritanie, en Algérie, en Côte d'Ivoire, au Soudan et au Maroc, à travers la reprise de la compagnie minière de Touissit (CMT) que nous avons mise en bourse avec succès le 4 juin dernier…

Vous avez réalisé cette IPO au Maroc à la bourse de Casablanca. Pourquoi ? N'est-il pas plus compliqué d'intervenir sur la bourse de Casablanca pour les investisseurs étrangers et notamment français ?
D'abord, la bourse de Casablanca est une place financière très active, elle l'est par exemple beaucoup plus que le CAC40 : il y a ainsi davantage d'IPO à Casablanca qu'à Paris.

C'est également une bourse très liquide et très réglementée, avec notamment le CDVM qui est un système de régulation conforme aux standards mondiaux.

Par ailleurs, il y avait un très fort appétit pour ce que l'on était en train de faire : nous avons choisi une mine et avons apporté des talents multinationaux autour de cette mine pour développer et en améliorer les performances d'extraction, et donc sa rentabilité… 

Aussi nous est-il apparu tout naturel de réaliser notre levée de fonds à la bourse de Casablanca. Au final, nous avons levé une trentaine de millions d'euros et l'opération a été 60 fois sursouscrite par les institutionnels et trois fois par les particuliers. L'action est montée de 80% durant la première semaine, avec un PER de 4...

Qui en sont les principaux investisseurs ? Comment se compose votre capital ?
Ce sont des investisseurs du Golf, des anglo-saxons et bien sûr, des marocains. Ceci étant, l'appétit des investisseurs du Golf pour une mise en bourse à Casablanca est fort.

Lever de l'argent en France pour une société française par des investisseurs du Golf, c'est très difficile, alors que lever des fonds pour une filiale située en Afrique du Nord, est beaucoup plus facile…

Pour ce qui concerne le capital, nous avons mis 30% en bourse, nous contrôlons donc 70% de CMT.

Truffle Capital Energie vient aussi d'annoncer le rachat par LBO de Finn'Import, fabriquant de maison en bois (basé dans les Vosges) par Novad. Pouvez-vous revenir plus en détail sur cette opération ? Quel coût pour la mise en œuvre de ces synergies ? Combien de temps pour que l'intégration soit complète ?
Novad est un groupe industriel dans les technologies de dépollution dans 3 domaines que sont l'eau, le sol et l'air. Ils ont par ailleurs mis au point des concepts de maisons à énergie positive : ce sont des maisons pour lesquels on vous garantit que vous n'aurez pas à dépenser un euro sur l'énergie nécessaire à son fonctionnement, mais qu'au contraire, vous allez en gagner.   

La maison à énergie négative, c'est la maison que tout le monde a aujourd'hui, c'est-à-dire que vous dépensez plusieurs milliers d'euros par an pour chauffer ou éclairer votre habitation. Il y a également la maison à énergie passive, ce que fait Finn'Import, c'est-à-dire une maison pour laquelle on vous garantit que vous ne dépenserez pas un euro, ni pour le chauffage ni pour l'éclairage.

Enfin, il y a le bâtiment à énergie positive, ce que j'évoquais plus haut, où c'est tout le contraire, puisqu'on vous livre un bâtiment ou une maison qui va produire suffisamment d'énergie pour que vous puissiez vous en servir et en vendre.

En rachetant Finn'Import, nous allons mettre en place ces techniques d'énergie positive. Dans un premier temps, nous allons nous orienter dans les énergies passives, donc un bilan zéro sur l'année…

Les synergies entre Novad et Finn'Import, c'est donc d'apporter à Finn'Import un plus : aujourd'hui Finn'Import produit des maisons avec des bilans énergétiques très faibles, or en y ajoutant les technologies d'énergie positive, nous pourrons booster le marketing de cette entreprise.    

Y a-t-il une différence de prix importante entre une maison «classique» à énergie négative, et une maison à énergie passive ?
Tout dépend jusqu'à quel point vous allez dans l'indépendance énergétique : plus vous allez vers l'indépendance énergétique, et plus vous allez vers le revenu énergétique de votre bâtiment, et plus vous allez investir…

«Truffle Capital Energie a aussi su tisser des liens très étroits avec les pays du Maghreb». Pourquoi le Maghreb ?
Nous sommes actuellement présents dans une dizaine de pays d'Afrique (l'ensemble des pays du Golf, et en Afrique du Nord), à travers nos sociétés françaises -j'ai d'ailleurs réalisé personnellement le business développement de ces sociétés parce que je connais bien ces pays-là-. Pourquoi là-bas ? Simplement parce que les besoins y sont les plus forts. En France où l'énergie est peu coûteuse grâce au nucléaire, il est très difficile d'y rentabiliser des technologies énergétiques.

D'autant que la France est le pays qui détient le coût énergétique le plus faible de toute la planète. A contrario, si vous allez dans les pays où l'énergie est rare et chère, vous ferez la différence ! A travers les projets industriels, bien sûr, de type pétroliers ou miniers.

Vous évoquez votre collaboration réussie entre le Maroc et la France en préparation de l'Union pour la Méditerranée. Qu'attendez-vous de cette Union ? Un nouveau cadre législatif ?
Je pense qu'il faut développer les relations bilatérales, et ensuite sur l'Union qui existe par elle-même grâce aux Arabes du Golf, qui eux financent les projets qui sont situés dans tout le pourtour méditerranéen. Quand vous aurez un bon projet, vous pourrez ainsi trouver les financements dans le Golf.

Je lève chaque année entre 40 et 100 millions d'euros par an dans le Golf, sur des participations. C'est beaucoup plus difficile dans Truffle Capital où on lève 50 millions d'euros par an maximum dans les participations en haut, alors que dans les participations en bas (filiales de sociétés françaises dans le Golf), ça tourne autour de 100 millions d'euros. 
  
Avez-vous d'autres dossiers à l'étude actuellement ? Quels sont les secteurs que vous privilégiez ? Zones géographiques ?
Nous travaillons au Brésil, dans les biocarburants, où nous sommes sur des programmes de plantation de plusieurs centaines de milliers d'hectares de biocarburant.

Nous avons également des programmes de plantation de biocarburant dans la ceinture équatoriale d'Afrique : Côte d'Ivoire, le Niger, le Mali et Madagascar.

Des chercheurs américains ont démontré que les sociétés cotées qui devenaient  écologiquement responsables, voyaient leur cours de bourse chuter…
Tout dépend de la société. Il y a une différence entre une entreprise comme Air France, qui va dire «je réduis mes coûts carbone» et qui ne peut que payer pour ça, et une société pétrolière comme Total qui va utiliser des technologies de sociétés parapétrolières, comme les nôtres, pour puiser le pétrole moins cher, ce qui équivaudrait alors à des profits supplémentaires pour lui, ainsi qu'à des millions de tonnes de CO2 en moins pour la planète…

En conséquence, diminuer son empreinte CO2 sur la planète, si vous n'êtes pas directement bénéficiaires du point de vue économique, ça peut effectivement réduire votre cours de bourse.

En revanche, si vous prenez des groupes tels que Lafarge, un des leaders mondiaux dans les crédits CO2, ou Rhodia, ils bénéficient directement des deux façons : d'une part, en réduisant leurs coûts, et d'autre part, en tablant sur les crédits carbone.

Il y a donc deux catégories de société, celles qui sont écologiquement économiques et celles qui doivent payer pour ça.

Propos recueillis par Nicolas Sandanassamy

- 18 Juin 2008 - Copyright © 2006 www.easybourse.com

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