* Le mauvais temps complique la tâche des sauveteurs

* Jour de deuil national en Italie

* Le pape à Assise pleure les victimes (Actualisé avec messe et marche à Lampedusa, précisions)

par Steve Scherer et Wladimir Pantaleone

LAMPEDUSA, Italie, 4 octobre (Reuters) - Les recherches pour retrouver de nouvelles victimes du naufrage d'un bateau de migrants africains près de l'île italienne de Lampedusa ont été interrompues vendredi en raison des mauvaises conditions météorologiques en Méditerranée.

Les sauveteurs ont jusqu'ici récupéré 111 corps et s'attendent à en trouver une centaine d'autres dans l'épave du bateau qui gît par près de cinquante mètres de fond.

Cent cinquante-cinq rescapés ont pu être sauvés jeudi, le jour du naufrage dont le bilan s'établit à environ 300 morts et disparus.

La mer est agitée, ce qui complique la tâche des sauveteurs, et il n'y a plus guère d'espoir de retrouver des survivants.

"Malgré la persistance de mauvaises conditions en mer, nos gars sont prêts à plonger de nouveau si une occasion se présente et qu'ils peuvent le faire en toute sécurité", a dit Filippo Marini, porte-parole de la garde-côtes italienne.

Le bateau, qui transportait principalement des Erythréens et des Somaliens, a chaviré jeudi matin après que du fioul a pris feu. L'incendie a provoqué un mouvement de panique parmi les passagers qui se sont tous précipités sur le même bord.

Vendredi avait été décrété jour de deuil national par le gouvernement italien et une minute de silence a été observée dans les écoles à la mémoire des victimes.

A Lampedusa, à mi-chemin entre la Sicile et la Tunisie, magasins, restaurants et stations-service sont restés fermés. Après une messe dans la soirée en mémoire des victimes, des centaines de personnes ont pris part à une marche silencieuse à travers la ville, à la lueur des bougies.

"HONTE"

Un homme portant une croix faite avec le bois d'un bateau échoué était en tête de la procession, devant une banderole où on lisait: "Nous voulons accueillir les vivants, pas les morts".

"Assez ! Il n'y a aucune excuse à l'indifférence", proclamait une autre banderole tenue par des enfants.

Dans la foule se trouvaient des migrants réfugiés sur l'île, comme Afwork, un Érythréen de 20 ans, arrivé à Lampedusa il y a un mois en provenance de Libye après une traversée de deux jours.

"C'étaient nos frères et nos soeurs. Nous sommes très en colère et très tristes", a-t-il dit.

Un drapeau noir avec le mot "Honte" flottait sur le port, près du cimetière de bateaux où achèvent de pourrir les embarcations des clandestins.

En déplacement à Assise, le pape François a condamné "un monde sauvage (...) qui ne se soucie pas de tous ceux qui ont dû fuir la pauvreté et la faim, qui ont dû fuir pour rechercher la liberté et trouver bien souvent la mort, comme cela s'est passé hier à Lampedusa".

Le pape argentin, apôtre d'une "Eglise pauvre pour les pauvres", a ajouté : "Aujourd'hui, c'est une journée pour pleurer".

Un ferry est arrivé vendredi à Lampedusa avec à son bord un camion chargé d'une centaine de cercueils et quatre fourgons mortuaires.

La petite île est l'un des principaux points d'entrée des migrants qui affrontent la Méditerranée à bord d'embarcations surchargées et peu sûres pour tenter de débarquer sur les rivages de l'Europe, en quête d'une vie meilleure.

CORRIDORS HUMANITAIRES

Selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), un demi-millier de candidats à l'émigration clandestine se sont noyés en 2012 lors de la traversée entre la Tunisie et la Sicile. Le flux de migrants a gonflé ces derniers temps avec les nombreux Syriens qui fuient la guerre civile.

Le drame de jeudi, survenu quatre jours après la noyade de 13 migrants au large de la côte est de la Sicile, a relancé les pressions de l'Italie pour obtenir plus d'aide de la part de ses partenaires de l'Union européenne.

Le président du Conseil, Enrico Letta, a réclamé une réunion extraordinaire du Conseil européen pour convenir de la création de "corridors humanitaires" afin de protéger les migrants.

La tragédie de Lampedusa a également provoqué un début de polémique politique, la Ligue du Nord exigeant la tête de la ministre de l'Intégration, Cécile Kyenge, originaire de République démocratique du Congo.

Pour la Ligue, hostile à l'immigration, les appels de la ministre en faveur d'une meilleure intégration des immigrés dans la Péninsule par le biais, notamment, d'une nouvelle législation sur la citoyenneté, ont envoyé "des signaux dangereux" aux candidats à l'émigration.

La maire de Lampedusa, Giusi Nicolini, a pour sa part rejeté la suggestion d'un responsable de la Ligue, Matteo Salvini, de renvoyer les bateaux au motif qu'ils transporteraient tous des clandestins.

"Il s'agit de réfugiés, notre devoir est de les accueillir et de les respecter", a-t-elle dit à Reuters. "Le message véhiculé par la Ligue est un virus qui est en train de contaminer la population. Dans un moment comme celui que nous connaissons, ce parti ne peut s'empêcher de ressasser ce genre de conneries." (Avec Roberto Landucci à Rome et Philip Pullella à Assise, Pascal Liétout, Jean-Loup Fiévet et Guy Kerivel, édité par Tangi Salaün)