Quelques données sur les sociétés évoquées dans ce papier (source : Zonebourse avec S&P Global Market Intelligence) 

1/ Lockheed Martin 

Les grandes entreprises de la défense telles qu’elles existent aujourd’hui sont pour la plupart nées d’une fusion. Lockheed Martin en est l'un des meilleurs exemples puisque la société a pris sa forme actuelle en 1995, après le regroupement des activités de Lockheed et de Martin Marietta. Le mastodonte nouvellement créé s’est ensuite séparé de la branche des matériaux de construction qui est d’ailleurs toujours cotée sous le même nom. 

Que fait Lockheed Martin ? 

Lockheed Martin est le premier acteur mondial du secteur de la défense. La société est notamment connue pour ses avions militaires (F-35, C-130, F-16, F-22). Le F-35, l’incontournable du groupe, représente à lui seul 26% des revenus globaux. Mais résumer Lockheed Martin à cette seule technologie serait une grossière erreur puisque le portefeuille de solutions est gigantesque. L’entreprise conçoit des missiles (citons les JASSM, LRASM, Helfire, Javelin, Trident), des systèmes d’armes de précision (THAAD, PAC-3, MLRS), de logistique, de conduite de tir, des véhicules terrestres, des solutions de gestion de l’énergie, mais aussi le véhicule spatial Orion conçu pour transporter les équipages d’astronautes et des satellites (Bloc GPS III). Lockheed Martin conçoit aussi les hélicoptères Sikorsky depuis le rachat de cette entreprise en 2015 pour 9 Mds$. 

Qu’en est-il des finances ?  

La croissance est respectable (CAGR de 4,5% depuis 2014) et les marges sont stables. Le groupe est un grand cannibale (comme la plupart des autres acteurs du marché du reste), puisqu’il a racheté 23,6% de ses actions sur la dernière décennie écoulée. Par conséquent, les bénéfices par action adoptent une trajectoire de progression satisfaisante. Enfin, les flux de trésorerie opérationnels (le cash réellement disponible suite au cycle d’exploitation d’un exercice) sont robustes et permettent de jouer convenablement sur l’allocation du capital, bien répartie entre les besoins d’investissements stratosphériques et les retours aux actionnaires sous forme de dividendes qui progressent constamment année après année depuis 20 ans et les rachats d’actions. 

2/ RTX (Raytheon Technologies Corporation)

L’ancien Raytheon Technologies a une histoire tout à fait singulière puisqu’en plus d’avoir été le principal acteur de la production des magnétrons qui servaient d’oscillateur de puissance dans le domaine des micro-ondes pour les systèmes radars embarqués lors de la Seconde Guerre Mondiale, c’est au sein de cette entreprise que le micro-ondes que nous utilisons aujourd’hui a été inventé. D’ailleurs l’anecdote de l'invention est assez marrante. Percy Spencer, l’un des ingénieurs de Raytheon, a vu sa barre de chocolat fondre lorsqu’il était à proximité d’un radar sur lequel il travaillait. Il a alors décidé d’approfondir le sujet et c'est ainsi que l’une des inventions majeures du siècle dernier s’est révélée.

Que fait RTX ? 

Le RTX d'aujourd’hui est bien sûr très loin de ce temps, d’autant qu’elle est le résultat de la fusion de United Technologies et de Raytheon en 2020. RTX réalise 57,5% de son chiffre d’affaires dans le secteur de la défense. 

Avec sa branche Collins Aerospace (37% des ventes), la société opère en tant qu'équipementier aérospatial. Elle commercialise par exemple des intérieurs de cabine complets, des systèmes de gestion des eaux usées, des commandes de navigation et aussi des systèmes de simulation et de formation. 

La filiale Pratt & Whitney (25,8% des revenus) est l’un des principaux fournisseurs mondiaux de moteurs d’avions. Les moteurs équipent notamment les familles d’Airbus320neo et d’Embraer, le F-35 et les jets privés Gulfstream.

Enfin, la division Raytheon (37,2%) fournit des capacités de détection, de suivi et de défense aérienne et des protections antimissile ainsi que des missiles (StormBreaker, Tomahawk), des capteurs (LTAMDS) et des radars (SPY-6). 

Qu’en est-il des finances ? 

Il faut distinguer un avant et un après concernant la fusion de 2020. Le nombre de titres a doublé, mais la croissance est revenue, tout comme les marges qui repartent de l’avant après plusieurs années de perte de vitesse. C’est bien évidemment à plus long terme que l’on pourra évaluer la création de valeur de l’opération mais pour l’heure, elle s’avère satisfaisante, d’autant que les ratios d’endettement restent sous contrôle et que les estimations des analystes pour les prochains exercices sont plutôt optimistes. 

3/ Northrop Grumman 

Le troisième acteur mondial de l’armement a lui aussi une histoire pleine de rebondissements. En 1998, Northrop Grumman aurait pu fusionner avec Lockheed Martin si le gouvernement américain n’avait pas empêché l’opération. Par la suite, le groupe a modifié son portefeuille d’activités à de nombreuses reprises. Parmi les acquisitions transformatrices, on peut citer Litton Industries dans le domaine naval en 2001 et Newport News Shipbuilding, le plus grand chantier naval militaire des Etats-Unis en 2002, le conglomérat TRW la même année, puis en 2017, le constructeur de lanceurs, de satellites, de moteurs-fusées et de missiles, Orbital ATK. Parmi les grandes cessions, en 2002, l’entreprise s’est séparée de ses activités automobiles et en 2011, la branche maritime (dont Newport News Shipbuilding) a été scindée dans une entité indépendante, Huntington Ingalls Industries. 

Que fait Northrop Grumman ? 

Northrop Industries est majoritairement présent dans le domaine spatial (33,5% du chiffre d’affaires) avec une vaste gamme qui inclut des satellites, des capteurs, des défenses antimissiles, des véhicules de lancement, des intercepteurs, etc. Dans les technologies pour les missions (26,3%), l’offre comprend des systèmes de commandement, de contrôle, de communication, de renseignement, de surveillance (G/ATOR, SEWIP Block 3 et AEW&C notamment) et des radars de conduite de tirs (SABR). Enfin, Northrop Grumman produit des avions de combat (26%) avec le B-2 Spirit. Le bombardier B-21 Raider devrait lui être mis en service en 2026. Le groupe produit aussi l’avion de surveillance E-2, le drone de surveillance MQ-4C Triton et le drone-hélicoptère Mq-8C. Enfin, la dernière branche (14,2%) produit des armes tactiques, des solutions de défenses antimissile ainsi que des systèmes électroniques et des munitions. 

Qu’en est-il des finances ? 

Les comptes sont bons dans l’ensemble. La croissance annuelle moyenne atteint 5,6% depuis 2014. Les marges ont tendance à s'effriter (profitabilité opérationnelle de 13,3% en 2014 contre 10,2% l’an dernier) mais les liquidités générées sont abondantes et permettent de racheter des actions (26,7% du capital depuis 10 ans) et distribuer un solide dividende sans détériorer l’endettement au bilan.  

4/ L3Harris Technologies

L3Harris est née de la fusion entre Harris et L3 Technologies en 2018. Cette entreprise fournit des solutions technologiques complètes reliant les domaines spatial, aérien, terrestre, maritime et cybernétique. 

Que fait L3Harris ? 

La société fournit des solutions de mission de bout en bout pour le renseignement, la surveillance et la reconnaissance (ISR), la position, la navigation et le timing, la surveillance météorologique et la défense antimissile ainsi que des systèmes de cybersécurité et des équipements de mission tels que des capteurs, des processeurs et de l’électronique renforcée (35% des revenus). L3Harris apporte aussi des capacités pour les missions dans les domaines aérien et maritime, notamment pour ce qui est de la reconnaissance stratégique, le commandement, la surveillance tactique, l'attaque électronique, les frappes et la mobilité (35% du chiffre d’affaires également). La branche la plus rentable (24% de marge opérationnelle) est celle des technologies dédiées à la communication sécurisée. Il s’agit par exemple des radios tactiques (Falcon), des terminaux satellites, des lunettes de vision nocturne montées sur casque, des viseurs montés sur arme, des lasers de visée et des télémètres. Enfin, la gamme de L3Harris s’est étoffée de propulseurs spatiaux depuis le rachat de Aerojet Rocketdyne l’an dernier pour 4,7 Mds$. 

Qu’en est-il des finances ? 

Depuis la fusion de 2018, la société n’a pas connu de croissance et maintient tout juste ses marges. La dette atteint 3 fois l’EBITDA, ce qui est plus élevé que chez les concurrents. Pour autant, la valorisation est élevée, à plus de 26 fois les profits pour cette année. La justification se trouve dans le portefeuille de l’offre, l’accent technologique y est plus prononcé que chez les autres acteurs. Aussi, le rachat de Aerojet Rocketdyne est prometteur et apporte une nouvelle spécialité à forte valeur ajoutée. 

5/ General Dynamics

Initialement spécialisé dans la construction de navires et de sous-marins durant la Seconde Guerre mondiale, General Dynamics s’est peu à peu concentré dans la production d’avions après les rachats de Canadair et de Convair. Le groupe tel qu’il est aujourd’hui réalise 77,2% de son chiffre d’affaires dans la défense. 

Que fait General Dynamics ? 

Il est le principal constructeur de sous-marins nucléaires et produit aussi des navires de surface (chantiers navals de Electric Boat, Bath Iron et NASSCO). Dans les véhicules de combat terrestre, la société produit des chars (Abrams et blindés Stryker) et les systèmes d’armes qui y sont rattachés. Enfin, dans les technologies, General Dynamics développe des solutions numériques adaptées aux besoins des missions. Il s’agit notamment de produits de cryptage, des éléments de radiofréquence, de brouillage, etc. Hors défense, General Dynamics produit des jets d’affaires (marques Jet Aviation et Gulfstream). 

Qu’en est-il des finances ? 

On soulignera la croissance des revenus, plutôt régulière. Les marges tiennent bon, en dépit d’un léger ralentissement ces dernières années. Les rachats d’actions sont ici aussi conséquents, ce qui permet au groupe de présenter des BNA en forte progression. On soulignera la robustesse du bilan avec un endettement très faible comparé aux autres acteurs du secteur. Enfin, le carnet de commandes est très rempli avec 94 Mds$ de commandes confirmées. 

Classement des principales entreprises mondiales du secteur selon le chiffre d'affaires réalisé dans la défense. Les chiffres sont de l'exercice 2022 (source : Statista)