VIENNE/MOSCOU (Reuters) - La Russie a déclaré jeudi que ses efforts en vue de convaincre l'Occident d'empêcher l'expansion de l'Otan vers l'Est, via notamment une intégration de l'Ukraine, l'avaient menée à une impasse et a menacé d'en tirer les conséquences, sans en préciser la nature.

Le vice-ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Riabkov, cité par l'agence Tass, a déclaré que des experts militaires allaient soumettre différents scénarios au président Vladimir Poutine en cas de dégradation de la situation autour de l'Ukraine, ajoutant qu'il fallait donner sa chance à la diplomatie.

Selon lui, les discussions menées ces derniers jours, avec les Etats-Unis à Genève lundi puis avec l'Otan à Bruxelles mercredi, ont prouvé "une impasse ou une divergence d'approches", rendant inutile une reprise des pourparlers dans les prochains jours.

La Russie a massé ces derniers mois quelque 100.000 soldats près de sa frontière avec l'Ukraine et même si elle réfute tout projet d'invasion de son voisin, cette situation a conduit aux négociations des derniers jours pour tenter de faire baisser la tension par la voie diplomatique.

Mais Moscou a dressé un constat d'échec, sans même attendre la fin de ce processus puisque des discussions étaient encore en cours à Vienne jeudi dans le cadre de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

"Si nous n'obtenons aucune réponse favorable à nos propositions dans un délai raisonnable et si les comportements agressifs envers (la Russie-ndlr) continuent, nous devrons prendre les mesures nécessaires pour assurer l'équilibre stratégique et mettre fin aux menaces inacceptables pour notre sécurité nationale", a déclaré la délégation russe à l'OSCE sur Twitter en citant son ambassadeur, Alexandre Loukachevitch.

Le représentant des Etats-Unis auprès de l'OSCE, Michael Carpenter, a estimé que l'Occident devait se préparer à l'éventualité d'une montée de la tension avec Moscou.

Il a ajouté que les Etats-Unis n'avaient pas l'intention de restreindre le droit des nations à choisir leurs alliances, en référence aux exigences de Moscou concernant l'Otan.

WASHINGTON REFUSE TOUT "CHANTAGE"

De son côté, le ministre polonais des Affaires étrangères, présent à Vienne, a jugé que le risque d'une guerre en Europe avait atteint un niveau "plus élevé que jamais au cours des 30 dernières années" et l'émissaire américain a assuré que l'Occident ne céderait à aucun "chantage".

La Russie entend mettre un terme à l'expansion de l'Otan entamée après la dislocation de l'URSS et empêcher l'Ukraine d'intégrer l'alliance née en 1949 autour des Etats-Unis ou d'accueillir des missiles américains sur son sol.

Si elle rejette les exigences sur le périmètre de l'Otan, l'administration américaine se dit disposée à discuter avec Moscou du contrôle des armements et du déploiement de missiles.

Pour Sergueï Riabkov, les Etats-Unis et leurs alliés ne sont toutefois "pas prêts à répondre à nos principales demandes" et n'acceptent de discuter que de questions secondaires.

À Moscou, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a quant à lui déclaré que le discussions de cette semaine avaient certes conduit à des "nuances positives" mais que les deux parties restaient en désaccord sur des questions de fond.

Il a aussi critiqué le projet de nouvelles sanctions visant des responsables politique et militaires russes, dont Vladimir Poutine, ainsi que de grandes banques russes, dévoilé mercredi par des sénateurs démocrates américains, en cas d'attaque visant l'Ukraine.

Il a ajouté que la seule idée de sanctionner le président Vladimir Poutine aboutirait à une dégradation des relations entre Moscou et Washington.

La secrétaire d'Etat adjointe américaine Wendy Sherman a estimé mercredi qu'un retrait de la Russie des discussions prouverait que Moscou n'a jamais pris celles-ci au sérieux.

(Avec Francois Murphy, Tom Balmforth, Polina Devitt et Alexander Marrow; version française Marc Angrand, édité par Jean-Michel Bélot et Sophie Louet)

par Thomas Escritt et Tom Balmforth