Tariff. Le plus beau mot du dictionnaire selon Donald Trump. Et surtout son principal levier d’action. Donald Trump entend redéfinir l’ordre international pour mettre les intérêts américains au-dessus de tout. Et quelle que soit la revendication, la menace de droits de douane est toujours agitée en préambule à toute discussion. Qu’il s’agisse d’immigration, de lutte contre la drogue ou d’un différend territorial, les tariffs sont un peu la menace ultime, qui compliquerait, pour le pays concerné, l’accès à l’immense marché américain.
Et cette menace est d’autant plus pertinente lorsque les pays dépendent des Etats-Unis, comme le Canada ou le Mexique dont presque 80% des exportations partent vers les Etats-Unis. Ou lorsque les pays sont assez faibles économiquement et diplomatiquement, comme la Colombie. D’où les compromis rapidement trouvés avec ces pays.
Au-delà de la logique économique, et de ce que Donald Trump a réellement obtenu à la fin de ces séquences (c’est-à-dire pas grand-chose), ces bras de fer marquent la volonté de ne rien céder, et de s’imposer par la force s’il le faut. On peut donc y voir en creux un message envoyé aux grands rivaux stratégiques, comme la Russie et surtout la Chine. Voire deux. D’abord, on est prêt à jouer avec les mêmes règles du jeu que vous ; autrement dit ciao l’ordre international fondé sur des règles. Ensuite, si on maltraite ceux qui sont censés être nos alliés, imaginez ce qu’on est capable de faire contre vous.
Pour les marchés financiers, les annonces autour des droits de douane sont en tout cas un catalyseur, à la fois positif et négatif, selon les jours. En début de semaine, ceux-ci ont baissé suite à l’instauration de 10% additionnels sur les produits chinois, et de 25% sur les produits provenant du Mexique et du Canada – sauf pour les hydrocarbures, taxés à 10%. Wall Street, qui ne peut pas se défendre d’avoir été pris par surprise, a ainsi craint les conséquences d’une guerre commerciale d’ampleur.
Finalement, plus de peur que de mal pour les marchés puisqu’un moratoire d’un mois a depuis été annoncé avec le Mexique et le Canada. Des accords ont été trouvés : les deux pays vont lutter contre le trafic de drogue et l’immigration clandestine aux frontières tandis que les Etats-Unis chercheront à éviter le trafic d’armes. Reste à savoir si ces taxes seront confirmées d’ici un mois, voire étendues à l’Europe. Quoi qu’il en soit, les volontés de Donald Trump de “ rendre sa grandeur à l’Amérique” pourraient bien ne pas être totalement exaucées.
Car imposer des droits de douane comporte le risque de torpiller un objectif clé : ramener l’inflation à la cible de 2%. La hausse des prix a été un thème central de la dernière campagne présidentielle et une des causes principales de la défaite de Joe Biden. Car entre 2021 et 2024, les prix de l’alimentation ont grimpé de 23 %. Or, les Américains gardent en mémoire une première présidence Trump, marquée par la croissance, le plein-emploi et une inflation maîtrisée – en dépit d’un contexte qui était bien plus favorable qu’à son successeur.
Les consommateurs américains pourraient donc bien y perdre du pouvoir d’achat. Car qui paiera les prix plus élevés des avocats (Mexique), des hydrocarbures, du bois (Canada) et des appareils électroniques (Chine) ? Le consommateur américain assurément. On comprend mieux la réaction de Wall Street dont la préoccupation centrale concerne la baisse des taux directeurs de la Fed qui passera inéluctablement par une bonne maîtrise de l’inflation.
Auteurs : Antoine Alves d'Oliveira et Adrien Chavanne.
Dessin d'Amandine Victor pour Zonebourse
