Les récents propos du ministre de l'Economie Pierre Moscovici, selon lequel "il faudra sans doute aller plus loin" pour faire face à la crise sévère que subit PSA, alimentent des spéculations sur un appui de l'Etat à la création d'un nouveau champion européen pour contrer Volkswagen.

Lundi, le site d'informations économiques latribune.fr a rapporté qu'un scénario de rachat d'Opel par PSA était envisagé "en haut lieu". Mardi, Pierre Moscovici n'a rien fait pour couper court aux rumeurs.

"Non, je ne les confirme absolument pas, je ne les infirme pas non plus", a dit le ministre sur RTL. "Il y aura peut-être des inflexions stratégiques, mais c'est à l'entreprise de les décider, les pouvoirs publics seront normalement informés."

Pierre Moscovici, qui fut député du Doubs et président de l'agglomération de Montbéliard, dont fait partie Sochaux, berceau du groupe PSA, est un proche de la famille Peugeot.

"Les fuites dans la presse française sont un message à General Motors (maison mère d'Opel) : si vous voulez transférer Opel à PSA en échange de cash et d'un accès aux marchés émergents, la France donnera son feu vert", déclare une source proche du dossier.

"Côté français, on sait que GM a été refroidi par l'intervention de l'Etat (au côté de Banque PSA Finance, NDLR). Paris entend dire clairement qu'il ne faut pas y voir un obstacle à une intégration approfondie", ajoute cette source.

MONNAIE D'ÉCHANGE

Un tel projet reviendrait pourtant dans l'immédiat à fusionner deux constructeurs en perte.

"Je me demande où est la logique dans ce genre d'approche", souligne une personne au fait de la stratégie de PSA. "Surtout avec les temps de développement très longs de l'industrie automobile et le focus de cette alliance sur l'Europe."

Opel, centré quasi exclusivement sur le continent, ne permettrait pas à PSA d'accélérer l'internationalisation de ses ventes. Sauf si Opel est une monnaie d'échange pour que l'américain GM accepte de faire profiter davantage PSA de sa présence mondiale.

"Rien n'est imminent", précise une deuxième source proche du dossier. "Mais les responsables politiques préparent en ce moment le terrain pour une nouvelle étape dans l'alliance, où l'appui de l'Etat pourrait s'avérer nécessaire afin d'obtenir une solution de plus grande envergure."

General Motors a dit lundi qu'Opel n'était pas à vendre, ni à donner. Un tel scénario lui offrirait cependant l'opportunité qu'il recherche depuis des années de se séparer de sa filiale européenne déficitaire pour se concentrer sur ses autres marques, et notamment Chevrolet parti à l'assaut de l'Europe avec des modèles fabriqués en Corée du Sud.

Un porte-parole de PSA a déclaré de son côté lundi qu'un projet de rachat d'Opel ne "fait pas partie actuellement de la feuille de route de l'alliance".

PAS D'AUTRE ISSUE

La création d'une véritable coentreprise entre Peugeot, Citroën et Opel a fait l'objet de discussions entre PSA et GM peu après l'officialisation, en février 2012, de l'alliance entre les deux constructeurs.

En novembre, après l'épisode du renflouement de PSA Finance, des sources proches du dossier avaient dit à Reuters que GM renonçait à aller plus loin pour le moment. Les sources avaient évoqué les déboires financiers de PSA et la complexité politique et sociale d'une fusion entre PSA et Opel, plusieurs usines et sites de recherche et développement en France et en Allemagne, berceau d'Opel, risquant alors de doublonner.

Depuis, malgré le risque de nouvelles restructurations, Paris ne voit pas d'autre issue, souligne la première source.

"La France voit une combinaison avec Opel comme la seule option disponible pour que Peugeot améliore sa profitabilité via des économies d'échelle et une fusion des unités de production", dit-elle.

Côté PSA, un rachat d'Opel est séduisant sur le papier. Il permettrait au nouvel ensemble d'accélérer ses synergies tant les gammes des trois marques sont voisines, et de combler de manière accélérée en Europe l'écart de volume avec Volkswagen.

Ce dernier a livré en 2012, toutes marques confondues, 3,7 millions de véhicules sur le continent, contre 1,8 million pour PSA. Opel, dont les chiffres de l'année écoulée ne sont pas encore disponibles, a commercialisé 1,2 million d'unités en 2011.

L'Etat français n'est pas présent au capital de PSA, contrairement à Renault, mais depuis qu'il a apporté une garantie publique à l'activité bancaire du constructeur, il a obtenu la nomination au conseil de surveillance d'un administrateur, Louis Gallois.

Le Trésor américain détient quant à lui 26% de General Motors, héritage de l'intervention du gouvernement fédéral pour éviter la faillite du géant de Detroit en 2009. Il devrait sortir totalement du capital dans les 12 à 15 prochains mois.

Avec Gilles Guillaume à Paris, édité par Dominique Rodriguez

par Sophie Sassard et Arno Schuetze