Matthias Desmarais, après une année 2024 plus compliquée que prévu (N.D.L.R. les bénéfices par action étaient attendus à +6% il y a tout juste un an, ils sont ressortis à +1.5%), comment les dirigeants d’entreprises européennes que vous avez rencontré abordent-ils 2025 ?
" Une majorité de messages est donc restée assez neutre ou dans le prolongement de ce que les sociétés avaient partagé, il y a quelques mois. Beaucoup de ces émetteurs mettant en avant une certaine résilience (gestion des coûts, préservation des marges) mais l’éventuel rebond des volumes en 2025 est souvent perçu, comme modérément lisible ou incertain et plutôt décalé sur 2026. Selon le consensus, les bénéfices par action du Stoxx 600 (Europe) pourraient croître de 8 % en 2025, après + 1,5 % en 2024. Les USA sont toujours considérés comme une zone d’opportunités avec des BPA attendus à +14% en 2025. L’Asie-Pacifique ressort souvent comme à analyser pays par pays (Inde, Chine, Japon, Corée, Australie…) mais globalement hors Chine, le continent demeure en croissance. "
En Europe, quel contraste avez-vous remarqué entre les secteurs ?
"La faible visibilité des économies européennes laisse néanmoins les Services (tourisme en particulier) et la Défense/l’Aéronautique se distinguer en émettant les signaux les plus nets de confiance quant à la croissance attendue sur le 1er semestre 2025. Dans une moindre mesure, les activités liées aux Energies/Services pétroliers, Alimentation ou la Santé sont elles aussi bien orientées. Certains secteurs, plus ou moins cycliques ou en lien avec la sphère de la consommation, constatent (toujours) des volumes atones reflétant ainsi une visibilité faible et/ou une demande attentiste dans plusieurs industries (Automobile, Chimie, Construction). Le rebond des volumes sur ces industries est incertain et plutôt attendus au second semestre. Enfin, les TMT envoient des signaux assez contrastés si bien qu’il est difficile d’en faire un segment de la côte « achetable » dans son ensemble : 1/ demande volatile, pression sur les prix, 2/ contraste de visibilité dans chaque division ou déstockage."
Comment voyez-vous les choses, boursièrement, pour les actions ?
"Nous sommes assez positifs sur les marchés d’actions. Nous voyons un potentiel de l’ordre de 10 % sur l’indice européen Stoxx 600. Nous sommes un peu plus positifs sur les actions américaines, pour lesquelles le consensus est à + 14 %, à cause du brouillard politique en France et en Allemagne ainsi que des tensions géopolitiques concernant l’Ukraine et le Moyen-Orient. Néanmoins, certaines incertitudes pourraient s’estomper et la baisse des taux d’intérêt de la Banque centrale européenne (quatre baisses attendues en 2025) devrait soutenir les actions. En effet, compte tenu de taux directeurs qui atterriraient sur des niveaux proches de l’inflation, les flux d’épargne pourraient se rediriger vers les actions. En termes de style d’investissement, compte tenu du manque de visibilité, nous continuons de privilégier la thématique Croissance à la thématique Value et les valeurs défensives aux cycliques. Nous avons bien envie de rejouer la sphère Small et Mid Caps, qui a sous-performé depuis cinq ans. Ces valeurs décotent de 15 % sur les grandes capitalisations mais il reste à trouver le catalyseur…"
Quelles sont les projections de votre équipe en ce qui concerne les petites et moyennes valeurs que vous suivez ? Comment jugez-vous les valorisations actuelles ?
" 2024 n’a pas fait exception pour les small caps qui ont encore pris du retard par rapport aux large caps. Les facteurs de soutien habituels à la performance des small caps ont été limités en 2024. La collecte des fonds français small & mid caps a été faible, et même négative sur la fin de l’année, les IPO peu nombreuses et les OPA toujours nombreuses concernent souvent les sociétés les plus qualitatives de la cote. 2025 pourrait marquer une reprise des small caps mais le rebond sur la classe d’actifs sera dépendant i/ de la reprise de la collecte, ii/ de la détente progressive des taux d’intérêt et iii/ d’un rebond progressif de l’activité avec plus de visibilité sur 2026. Les prévisions pour 2025 et 2026 reflètent une dynamique générale plus positive pour les small caps que sur 2023 et 2024 où les petites capitalisations affichaient un déficit de croissance par rapport aux grandes. Cette fois, la hausse attendue des BPA, respectivement 13.2% et 12.2%, est légèrement plus élevées que sur les large caps (+9.8% et +10.1% respectivement). Le risque d’un ajustement à la baisse des agrégats ne peut toutefois pas être écarté. Concernant les valorisations, les ratios sont encore décotés sur les small caps : MSCI Europe Small caps 12x les BPA 12m fwd, plus de 15% en dessous des moyennes historiques, comme quasiment tous les marchés small à l’exception des Nordiques (Suède) et de l’IBEX (Espagne). La décote des small vs large à l’échelle européenne reste importante (-15% en PE fwd). Nous considérons cependant que le contexte de marché demeure encore fragile, et les conditions pour que les small caps surperforment de nouveau les large caps ne semblent pour l’instant pas encore totalement réunies. "
Quelles sont vos plus fortes convictions actuelles parmi les PME et ETI cotées européennes ?
" Dans ce contexte de marché peu évident pour les small caps, la prudence reste de mise et le stock picking clé. Nous privilégions i/ les sociétés de qualité exposées aux Etats-Unis dont la dynamique de croissance reste forte par rapport à l’Europe (Lectra, Planisware, ID Logistics, Roche Bobois, Manitou, Deutz), ii/ des titres faiblement valorisés pouvant offrir de bons points d’entrée pour bénéficier de la baisse des taux et d’une reprise en Europe (Compagnie des Alpes, Fastned, Stabilus et Tubacex) et iii/ et des dossiers spéculatifs comme SMCP."