"Quel regard portez-vous sur la forte contraction du PIB japonais ?
La contraction de ce PIB est de 1,7% sur le trimestre. C’est un peu moins mauvais que les estimations qui tablaient sur -1 ,8%.
Le mouvement est la conséquence quasi directe du relèvement de la TVA de 5% à 8% en avril qui a entrainé des achats anticipés en amont et une baisse du pouvoir d’achat en aval.

Cette nouvelle donnée conduit certains à ne pas écarter un scénario similaire à 1997 ?
La probabilité d'une crise similaire à celle de 1997 est faible. Le Japon a du faire face en 1997 à une crise asiatique de grande ampleur. De plus, la situation des banques japonaises était tendue, avec notamment un ratio dette sur dépôts élevé. Nous ne sommes plus dans cette configuration.
Si les données d'activité courante sont décevantes, les indicateurs avancés découlant par exemple de l’enquête Economic Watchers reste bien orientés. Ceci signale un rebond de l’activité.

Deux zones d’ombre sont avancées par ces analystes sceptiques quant à un rebond de la croissance au Japon : l’absence de hausse des salaires et la faiblesse des exportations ?
Le chômage reste faible. Il commence à y avoir des hausses des revenus des salariés par le biais de bonus et des heures supplémentaires. Ces hausses restent modestes, mais nous allons dans la bonne direction.
Ce n’est que si nous observions durablement un regain d’inflation à 2% sans hausse de salaires, qu’il faudrait s’inquiéter. Nous n’en sommes pas là.

Quelle analyse faites-vous de la variation du déficit du commerce extérieur ?
Compte tenu de la forte dépréciation du yen, nous pouvions nous attendre à un regain de compétitivité des entreprises japonaises et à une reprise des exportations.
Si ces exportations ont du mal à reprendre, il est encore tôt pour tirer une conclusion.
Ce d’autant plus que nous avons eu un ralentissement significatif de la croissance globale au premier semestre. Avec la reprise de la Chine et des Etats-Unis nous devrions commencer à voir une amélioration des exportations japonaises.

Cependant cette amélioration sera limitée ?
Effectivement. Une grande partie de la production japonaise est faite à l’extérieur et ne profite pas de la baisse du yen. De plus, le Japon est sur de nombreux produits en concurrence directe avec les pays d'Asie émergente.

Que pourrait faire la Banque centrale pour soutenir la croissance du pays ?
La BoJ a indiqué à plusieurs reprises sa stratégie de grands pas, c'est à dire de prendre des décisions très fortes quite à ce qu'elles soient rares. Les statistiques économiques ne sont pas assez mauvaises pour qu’elle agisse. De plus le yen reste sous valorisé, sur un niveau qu'elle doit estimer satisfaisant. Elle ne devrait donc pas intervenir à court terme.

Vous escomptez donc un statu quo de la Banque centrale au cours des mois à venir ?
La BoJ ne devrait pas intervenir avant fin 2014. A chaque approche de la réunion du comité de pilotage de la Banque centrale, il y a des espérances. Celles-ci nous paraissent excessives.
Un grand pas ne nous parait pas nécessaire à court terme. Agir maintenant serait comme tirer une cartouche à blanc.

Parallèlement à l’inertie de la Banque centrale, tablez-vous sur une inertie des autorités budgétaires ?

Plus que sur les plans de relance annoncés par le gouvernement, nous tablons sur une baisse des taxes sur les entreprises. Le gouvernement Abe à déjà baissé ces taxes de 38.5% à 36%. L'objectif est dans un pemier temps de réduire ce niveau à 30%. Ceci sera à la fois un soutien à l'économie et un support aux marchés actions.

Le principal pilier sur lequel pourra reposer ce marché ce sont les flux ?
Les flux seront très importants. Plusieurs points sont à mentionner.
En premier lieu, l’élargissement de l’allocation actions du fonds de pension public du Japon de 17% à 20% qui amènerait un peu plus de 3600 milliards de yens sur le marché. A cela s’ajouteraient 6000 milliards de yens découlant d’autres fonds de pension japonais.
Par ailleurs, 8,5 millions d’investisseurs devraient avoir ouvert sur l’année un « Nippon Individual Savings Accounts », autrement dit un plan d’épargne dans lequel peuvent être mis 1 million de yens. Une bonne partie des encours sont destinés à être placés dans les actions japonaises.

Les flux devraient être progressifs mais devraient être au rendez-vous.
Les flux des investisseurs domestiques ont été jusque là plutôt négatifs à l’inverse des investisseurs internationaux. Echaudés pendant environ 25 ans, au moment où le marché a monté, ces investisseurs ont vendu leurs positions soit pour prendre des bénéfices ou parce qu’ils ont retrouvé leur cours d’achat.

En plus du plan d’épargne fiscalement avantageux, une autre incitation devrait pousser les investisseurs particuliers à se réorienter vers les actions…
Nous sommes sur une tendance d'inflation positive même hors hausse de la TVA alors que les taux monétaires sont à 0%. Rester en cash ou en obligations, c'est perdre du pouvoir d'achat. Or l’épargne japonaise est grandement investie en taux monétaires...

Les opérations capitalistiques des entreprises japonaises devraient également contribuer à la bonne tenue du marché ?
Les entreprises japonaises ont été fortement secouées par la déflation et ont été traumatisées par l’incapacité des banques à les financer à certaines périodes. Elles ont alors accumulé énormément de cash par pessimisme et par prudence. Ce cash représentait en 2012 30 % du PIB japonais, ce qui est colossal.
Les entreprises ont commencé à utiliser une partie de ce cash en augmentant les dividendes, et en procédant à des fusions-acquisitions. Ainsi en début d’année Suntory a racheté Beam Inc aux Etats-Unis pour 7 milliards de dollars et a réalisé la troisième plus grande opération internationale qu’a jamais faite une société japonaise. Dans la même logique, Lixil a mis la main sur Grohe pour 4 milliards de dollars, avec de l’endettement. C’est un point significatif qui montre que les entreprises japonaises sont prêtes à s’endetter pour réussir leur transaction.

A présent, ces entreprises japonaises se mettent à se lancer dans des opérations de rachat d’actions…
A mi année, les sociétés du Topix ont acquis leurs propres actions avec la plus grande rapidité historique. 150 sociétés de l’indice ont annoncé 25 milliards de rachat d’actions, soit plus que le précédent record de 2008.

Cela s’explique par l’abondante liquidité, les faibles cours de bourse, l’accélération de l’inflation, la volonté d’augmenter le retour sur investissement des actions.

Ce retour sur investissement est particulièrement faible ?
Le ROE des entreprises japonaises du Topix à fin juillet 2014 était de 9% contre 15% pour les Etats-Unis. Ce ROE pourrait mécaniquement augmenter par effet de levier.

Le Nikkei est en recul de plus de 6% depuis janvier. Comment le voyez-vous évoluer au cours des prochains mois ?
Le potentiel d’appréciation de l’indice est élevé. Une fois que le choc sur l’économie sera absorbé, le marché pourrait reprendre des couleurs assez rapidement. Sur 12 mois, nous pourrions avoir une performance à deux chiffres.

De quelle manière avez-vous ajusté votre allocation sur les actions japonaises ?
Bien que nous restions positifs à moyen terme, nous avons réduit notre position sur les actions japonaises à neutre. L'économie semble éviter le pire mais n’allons pas tout de suite vers le meilleur.
Nous attendons fin septembre, début octobre, d’avoir de meilleures statistiques économiques pour y retourner plus amplement.
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