BERLIN, 1er juin (Reuters) - Le président russe, Vladimir Poutine, a démenti vendredi que son pays fournisse des armes au régime syrien pour mater l'insurrection, rejetant ainsi les accusations américaines relatives à des livraisons "répréhensibles" de matériel à Damas.

A l'issue d'entretiens avec la chancelière allemande Angela Merkel à Berlin, le chef du Kremlin, attendu en fin de journée à Paris, a réaffirmé que la Russie ne soutenait aucun camp dans ce qu'il a décrit comme la situation "extrêmement dangereuse" de la Syrie. La patience, a-t-il estimé, doit s'imposer pour trouver une solution politique dans ce pays.

"Nous avons de bonnes relations, de longue date, avec la Syrie, mais nous ne soutenons aucun camp par lequel pourrait surgir la menace d'une guerre civile", a assuré le chef de l'Etat russe lors d'une conférence de presse conjointe avec la chancelière allemande. "En ce qui concerne les livraisons d'armes, la Russie ne fournit pas d'armes susceptibles d'être utilisées dans une guerre civile", a-t-il ajouté.

Jeudi, des responsables occidentaux avaient confirmé des informations de l'organisation Human Rights First, d'après laquelle un cargo russe avait livré le week-end dernier des armes lourdes dans le port syrien de Tartous.

"Les données maritimes actualisées aujourd'hui montrent que le (cargo) Professeur Katsman a mouillé dans le port de Tartous le 26 mai 2012, avant de continuer vers Le Pirée en Grèce", a dit à Reuters Sadia Hamid, de Human Rights First.

La représentante permanente des Etats-Unis aux Nations unies, Susan Rice, a eu des mots durs à l'encontre de Moscou, déclarant : "Il ne s'agit, techniquement parlant, pas une violation du droit international, car il n'y a pas d'embargo sur les armes. Toutefois, le fait que des armes continuent d'être livrées à un régime qui recourt à la force contre son peuple dans des proportions aussi horribles est répréhensible."

COOPÉRER AVEC LA RUSSIE

De manière plus générale, la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a estimé que la position de Moscou dans le conflit syrien équivalait un soutien au président Bachar al Assad.

"Je réitère l'appel que j'ai lancé à la Russie, parce que sa position - qui consiste à affirmer qu'elle ne prend pas position - est à n'en pas douter considérée, au Conseil de sécurité, à Damas et ailleurs, comme un soutien au régime Assad", a-t-elle dit vendredi lors d'une conférence de presse, à Oslo.

"Si la Russie est prête, comme les propos du président Poutine le laissent penser, à coopérer avec la communauté internationale à l'élaboration d'un projet de transition politique, nous serons à coup sûr disposés à travailler avec elle".

La semaine dernière, plus de 100 personnes, dont des enfants, ont péri dans un massacre à Houla en Syrie. Selon les Nations unies, il semble avoir été commis par l'armée syrienne et par des miliciens favorables au président Bachar al Assad. Damas, de son côté, impute la tuerie aux insurgés.

Le régime syrien affirme que l'Arabie saoudite, le Qatar et la Libye comptent parmi les pays qui apportent une aide aux insurgés anti-Assad.

Angela Merkel et Vladimir Poutine sont convenus de la nécessité de tout faire pour éviter une guerre civile en Syrie.

"Le dernier massacre en date à Houla a démontré une fois de plus combien la situation humanitaire et des droits de l'homme était effroyable en Syrie", a dit Angela Merkel. "Nous avons tous deux dit clairement que nous voulions une solution politique et que nous voulions que le plan Annan puisse servir de point de départ (...)", a-t-elle ajouté.

"Je partage l'avis de Mme la chancelière que notre tâche commune est d'empêcher que la situation évolue suivant un scénario aussi défavorable", a dit Vladimir Poutine. "Aujourd'hui, nous assistons aux signes d'une guerre civile émergente."

La Russie, un de ses seuls alliés de la Syrie où elle dispose notamment d'une base navale à Tartous, a opposé à deux reprises son veto à des projets de résolution du Conseil de sécurité des Nations unies qui condamnaient la répression du mouvement de contestation. (Gleb Bryanski, avec Natassia Astrasheuskaya à Moscou,; Henri-Pierre André et Eric Faye pour le service français, édité par Gilles Trequesser)