par Hani Amara

TRIPOLI/BRUXELLES, 1er avril (Reuters) - Arrivés mercredi à Tripoli, le chef du gouvernement d'union nationale Fayez Seraj et plusieurs de ses ministres se sont rendus pour la première fois vendredi dans les rues de la capitale libyenne, où ils cherchent à rallier l'opinion.

L'installation de ce gouvernement d'union soutenu par les Nations Unies rencontre de vives résistances de la part des deux autres gouvernements rivaux qui s'opposent dans le pays depuis l'été 2014, l'un à Tripoli, l'autre à Beïda, dans l'est de la Libye.

Fayez Seraj et plusieurs membres du Conseil présidentiel ont quitté la base navale d'Abousita, où ils se trouvent depuis leur arrivée de Tunisie mercredi, pour aller prier dans une mosquée du centre-ville. Ils ont rencontré des habitants sur la grand-place de la capitale avant de regagner la base navale.

Le gouvernement dit de "salut national" qui est dirigé par Khalifa Ghwell à Tripoli avait vainement tenté pendant plusieurs jours d'empêcher Fayez Seraj de gagner la capitale, en fermant notamment l'espace aérien. Finalement, le Conseil présidentiel est arrivé par la mer, à bord d'un navire de la marine libyenne.

Dans un communiqué diffusé jeudi soir, le gouvernement Ghwell a adopté un ton plus modéré envers le Conseil présidentiel. Il a souligné que son opposition s'exercerait "par des moyens pacifiques et légaux, sans recours à la force ni incitation à la violence".

RENCONTRES

"Nous ne nous accrocherons pas au pouvoir", a-t-il ajouté. "Je demande que les révolutionnaires, la société civile et les autorités religieuses aient l'occasion de prendre les décisions nécessaires pour éviter un bain de sang et trouver une solution à la crise libyenne", a ajouté Khalifa Ghwell.

Depuis mercredi, le Conseil présidentiel qui a mis en place le gouvernement d'union a rencontré à Abousita des dirigeants politiques, des députés, des hommes d'affaires et des banquiers, afin de s'assurer leur soutien pour s'installer durablement dans la capitale.

Un responsable du ministère des Affaires étrangères à Tripoli a déclaré que les forces de sécurité fidèles au Conseil présidentiel assuraient désormais la sécurité des bâtiments du ministère et que le ministre nommé par le gouvernement de salut national avait quitté son poste sans heurt.

La situation dans les autres ministères n'est pas claire mais un porte-parole de la compagnie pétrolière nationale NOC a apporté son soutien au nouveau gouvernement d'union.

La situation est calme à Tripoli depuis mercredi. Une manifestation en faveur du gouvernement Seraj a rassemblé plusieurs centaines de personnes vendredi sur la place des Martyrs.

SANCTIONS EUROPÉENNES

Une dizaine de villes de l'ouest du pays se sont prononcées en faveur du gouvernement d'union nationale. "Les municipalités de la côte occidentale sont conscientes du fait qu'il s'agit d'une étape critique", ont-elles déclaré. "Nous appelons tous les Libyens à s'unir et à soutenir le gouvernement de l'accord national."

A Bruxelles, les noms de trois responsables libyens hostiles au gouvernement Seraj ont été ajoutés vendredi à la liste des personnalités qui font l'objet de sanctions européennes.

Les trois personnalités supplémentaires visées par le gel des avoirs sont Khalifa al Ghwell, Nouri Abusahmain, président du Congrès général national (CGN), le Parlement de Tripoli, et Aguila Saleh, président de la Chambre des représentants, l'assemblée qui siège à Tobrouk, dans l'est du pays. Cette dernière refuse d'accorder sa confiance au gouvernement d'union.

Les puissances occidentales comptent sur le nouveau gouvernement pour dissiper la menace de l'Etat islamique (EI), qui a profité du vide politique pour prendre pied en Libye, s'emparant notamment de Syrte, ancien fief de Mouammar Kadhafi.

Le Conseil de sécurité de l'Onu a appelé le Conseil présidentiel à "commencer immédiatement son travail à Tripoli pour élargir la base de ses soutiens, relever les défis politiques, sécuritaires, humanitaires, économiques et institutionnels qui se posent au pays et faire face à la menace croissante du terrorisme". (Avec Ahmed Elumami et Francesco Guarascio; Jean-Philippe Lefief, Marc Angrand et Guy Kerivel pour le service français)