3/3/3. C’est l’agenda économique de Donald Trump résumé en une seule formule. Pour les quatre ans à venir, les objectifs économiques des Etats-Unis sont donc 3% de croissance, 3% de déficit et 3 millions de barils par jour en plus pour la production de pétrole. Avant d’entamer quatre années de déclarations fracassantes et d’annonces triomphantes, tour d’horizon des ambitions de la nouvelle administration.
Pétrole : qui va pomper plus ?
La hausse de la production de pétrole a un objectif : faire baisser le prix à la pompe pour les Américains. Mais en pratique, cela semble difficile. Les Etats-Unis sont déjà le premier producteur mondial et la production a significativement augmenté depuis un peu plus d’une décennie. Avec le développement du pétrole de schiste, puis l’amélioration des techniques de forage, la production américaine est passée d’un peu plus de 5 mbj (millions de barils par jour) en 2010 à plus de 13,5 mbj en 2024.
Ce que peut faire l’administration Trump, c’est enlever toutes les restrictions possibles qui empêchent d’explorer ou de forer, que ce soit pour le pétrole ou par le gaz. Et les décrets sont, oserais-je dire, déjà dans le pipeline. Mais la décision finale de produire plus revient aux compagnies pétrolières. Et celles-ci ne le feront que si la rentabilité est au rendez-vous.
Or, le pétrole est actuellement sur des niveaux relativement faibles, entre 70 et 80 dollars. Et les risques semblent davantage orientés à la baisse. Coté demande, la Chine a peut-être déjà atteint son pic de consommation. Coté offre, l’OPEP a de la marge de manœuvre pour augmenter sa production, alors que le cartel avait volontairement retiré 2.2 millions de barils par jour du marché en 2023. Un effort en grande partie supporté par l’Arabie Saoudite. Dans ce contexte, aucune incitation pour les producteurs américains à forer davantage. Ils ont donc tout intérêt à poursuivre la stratégie entamée depuis plusieurs années : privilégier la génération de free cash-flow aux volumes de production.
Déficit : le “wishful thinking” des 3%
Il faut le lire plusieurs fois pour y croire. L’objectif affiché par Scott Bessent est de réduire le déficit à 3% du PIB. Or nous sommes aujourd’hui à 7 % de déficit et l’une des promesses phares de Donald Trump est de baisser les impôts. S’il n’a pas été très précis sur le sujet, la seule prolongation de « ses » baisses d’impôts de 2017 – le TCJA (Tax Cuts and Jobs Act ) qui expire en 2025 – couterait selon les estimations du CBO (Congressional Budget Office) 4600 milliards de dollars sur 10 ans.
Et que prévoit l’administration Trump face à cela ? La sortie de quelques accords et organisations internationales permettra aux Etats-Unis de récupérer tout au plus quelques milliards de dollars de contributions. Ensuite, il y a l’idée du DOGE (Department of Government Efficiency), instance créée par et pour Elon Musk, qui a pour but de sabrer dans les dépenses publiques. Créer une structure ad hoc pour réfléchir à comment dépenser moins, cela ressemble à s’y méprendre à une idée française.
Mais les principaux postes de dépenses semblent difficiles à réduire. La santé, les retraites, la défense et les dépenses pour les vétérans sont en quelque sorte des lignes rouges pour reprendre les termes du débat français. Autrement dit, des postes trop sensibles politiquement ou trop stratégiques pour vraiment s’y attaquer. C’est pourtant là qu’est l’immense majorité de la dépense de l’Etat fédéral. L’autre poste important est constitué des intérêts de la dette, dépense incompressible si on veut continuer d’emprunter sur les marchés. Toutes les autres lignes du budget prises ensemble ont un poids assez faible.
Reste alors l’idée d’utiliser les droits de douane pour financer les baisses d’impôts. Actuellement cette source de revenus représente moins de 100 milliards de dollars par an ; une paille à l’échelle du budget de l’Etat fédéral (7 300 milliards de dollars en 2025). Le projet annoncé par Donald Trump est la création d’un organisme (encore un décidément), l’External Revenue Service pour collecter les revenus issus de droits de douane généralisés. Mais à ce stade, difficile de savoir ce qui sera réellement implémenté et donc quels revenus additionnels généreront les « tariffs » pour citer le mot préféré du président Trump.
Le problème principal des droits de douane, c’est que ce sont les consommateurs qui les paient. Or la classe moyenne américaine a été traumatisée par le retour de l’inflation. Et c’est ce traumatisme qui explique en grande partie l’échec des démocrates et de Joe Biden, et donc le retour aux affaires de Donald Trump.
La réduction du déficit à 3% semble donc peu probable. D’autant que le passage de 7 à 3% ne peut pas être neutre sur la croissance économique. Une baisse significative des dépenses publiques ou une augmentation des impôts freinerait mécaniquement l’activité. De quoi rendre inatteignable le troisième objectif : une croissance du PIB à 3%.
Croissance : vers une poursuite de l’exceptionnalisme américain ?
Sur les six derniers trimestres, la croissance américaine était, en rythme trimestriel annualisé, comprise entre 2.7 et 3.2%. Longtemps estimé autour de 2%, la croissance potentielle américaine semble désormais plus élevée. Les investissements publics et privés massifs et la récente remontée des gains de productivité permettent une croissance plus vigoureuse. Pour 2025, le FMI prévoit un « petit » 2.7%. L’objectif de 3% semble donc à portée de mains. Le choc de confiance positif de l’élection de Donald Trump et quelques mesures de déréglementation pourraient suffire à l’atteindre.
Source : Trading economics
3% de croissance semble donc le seul objectif réaliste. Mais une économie qui a un rythme de croissance plus élevé génère aussi plus d’inflation. Après un pic à 9% à l’été 2022, celle-ci a progressivement ralenti pour se stabiliser…autour de 3%.