"Quel regard portez-vous à ce stade de l’année sur les actifs des pays émergents : actions et obligations ?
Les actions et obligations des pays émergents ont très bien performé en 2012. Si nous considérons l’indice MSCI d’un côté et l’indice JP Morgan de l’autre, le gain délivré est de près de 18% pour les deux classes d’actifs.

En ce début d’année, cependant, nous observons un retard. La performance sur le marché actions est même négative. Les investisseurs ont été refroidis par le regain de tensions dans la zone euro et des données économiques moins positives dans certains pays émergents. La crainte d’essoufflement de la conjoncture et d’une remontée de l’inflation a incité si ce n’est à la méfiance, au moins à la prudence.

Si nous actons la prudence à court terme, nous demeurons confiant à moyen terme. Nous tablons en Chine sur une croissance annuelle de 8,3%. La transition économique nous semble bien engagée dans le pays. Même si son rythme de croissance est plus faible qu’auparavant, la deuxième puissance mondiale devrait continuer à tirer vers le haut le monde des émergents. C’est l’une des raisons majeures qui nous poussent à affirmer que la thématique demeure porteuse. Le trou d’air est passager.

Le différentiel de croissance des pays émergents vis-à-vis des pays développés est appelé à se maintenir. La croissance des pays émergents devrait atteindre 5,7% en 2013 et 5,6% en 2014 contre 1,5% et 2% pour les pays développés. Alors que la plupart des pays développés sont endettés à plus de 100% de leur PIB, ce qui a vocation à constituer un frein important à leur croissance, le niveau de dette des pays émergents représente en moyenne 30% de leur PIB, contre 50% en 2002-2003.

D’autres facteurs d’ordre plus structurels vous amènent à cette déduction ?

Les pays émergents sont sous représentés dans les indices mondiaux que ce soit pour les titres de dette ou pour les actions. Le poids des pays émergents dans l’économie mondiale devrait selon les grandes organisations internationales comme le FMI et la Banque mondiale passer de 40% en 2012 à 60% en 2030. Parallèlement la part des actions des pays émergents devrait évoluer de 13% en 2012 à 31% en 2030.
Les marchés financiers des pays émergents ont donc vocation à devenir plus profonds et plus matures.

L’importance des actifs alloués dans les instruments de ces pays devrait également s’accentuer. Ainsi, la proportion d’actions émergentes dans les portefeuilles des investisseurs institutionnels des pays développés devrait augmenter et passer de 6% en 2012 à 18% en 2030.
Le dynamisme devrait s’en trouver renforcé par la hausse de l’investissement de l’épargne domestique de ces pays.

Sur le plan réglementaire, enfin, les autorités de ces pays devraient se montrer de plus en plus enclines à accueillir les investisseurs étrangers sur leur marché domestique. Pékin a déjà commencé à le faire en 2012 en élargissant ses quotas d’investissement. La tendance devrait perdurer et s’intensifier.

La valorisation des actions émergentes est intéressant à la fois sur le plan historique mais aussi en relatif par rapport aux actions mondiales…

Selon les derniers chiffres le ratio PE des actions émergentes composant le MSCI Emerging est de 10,6% contre une moyenne historique de 12,5%. Le PE de l’indice mondial est de 13,1%.
Parallèlement les bénéfices sont attendus en augmentation de 12% pour la zone émergente contre 10% pour le monde.

Vous avez fait le choix de lancer chez Amundi un fonds qui peut être investi à la fois dans les actions des entreprises émergentes et dans les titres de dette des pays émergents. Pour quelle raison ?
Cette décision de mélanger les actifs n’est pas anodine. Elle trouve sa justification dans plusieurs éléments. Tout d’abord, il est statistiquement démontré que la corrélation entre actions et obligations émergentes, en particulier obligations en devise locale, est faible. Sur les dix dernières années, cette corrélation s’élève à environ 30%.

Cette faible corrélation tient à la différence qui existe dans la structure économique des pays émergents. Nous avons tendance à imaginer que ces pays forment un ensemble homogène. Hors ce n’est pas du tout le cas. Certains pays sont net épargnants, d’autres nets producteurs. D’autres encore, comme les pays d’Europe de l’est sont très endettés.

Alors que le poids des actions asiatiques dans l’indice MSCI Emerging est de 58%, le poids des obligations asiatiques dans l’indice JP Morgan n’est que de 34%. Dans la même logique, si les actions des pays Europe émergente-Moyen Orient représentent 18% dans l’indice MSCI, les obligations représentent 46% dans l’indice JP Morgan.
Cette faible corrélation est destinée à se maintenir.

L’Afrique du Sud constitue un exemple pertinent de cette décorrélation entre actions et obligations ?
Tout à fait. Alors que les actions sont chères, les obligations libellées en devise locale offrent des opportunités intéressantes. Aussi, le différentiel du couple risque-rendement nous a conduit à sous pondérer les actions sud africaines et à surpondérer les obligations sud africaines.

Quelle est la répartition actuelle de votre portefeuille ?

Il y a lieu de préciser tout d’abord que nous avons une certaine flexibilité dans la construction de notre portefeuille. La part actions et obligations peut aller de 20% à 80% des encours.

Nous estimons qu’à ce jour le potentiel de gain sur les actions est plus important. Aussi, celles-ci composent 65% du portefeuille. Nous avons fait le choix de mettre l’accent sur les actions brésiliennes et les actions des petits pays asiatiques comme l’Indonésie et les Philippines.

Nous sommes exposés à la dette émergente à hauteur de 34%.
Nous avons 8% de dette en devise locale et 26% de dette en devise dure. Nous mettons l’accent sur le Brésil, la Roumanie et la Turquie en devises locales, et l’Afrique du Sud (couvert sur le RAND).
La prime de risque s’est réduite pour ce qui est de la dette en dollar. Le portage étant toujours intéressant, nous avons opté pour une couverture du risque de hausse des taux.
Pour ce qui est de la dette en devise locale, le taux rémunéré est plus intéressant, entre 6,5% et 8,5%. Nous sommes plus longs sur ces instruments.
Nous avons au total 250 positions. Notre horizon d’investissement se situe entre 3 et 5 ans.

Votre exposition aux actions est passée de 70% à 64%. Pourquoi ?
Pour des considérations purement tactiques. Nous pensons qu’à court terme, la correction sur les marchés actions pourrait se prolonger et offrir de ce fait des points d’entrée plus intéressants. C’est donc davantage une question de momentum.
Un de nos secteurs phares est de manière assez évidente la consommation domestique.

Sur quels catalyseurs au juste vous appuyer vous pour générer de la performance ?
En premier lieu, l’affaiblissement du risque systémique lié à la crise de la zone euro, et le rebond des indicateurs avancés dans les pays émergents, comme l’indice PMI. Une fois que le marché aura compris que les émergents ne font que vivre un passage à vide sur le plan macro et que les fondamentaux sont toujours aussi robustes, les flux reviendront.
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