* Premier tour des législatives après le choc de la dissolution

* Le RN, favori, affronte le NFP et le camp présidentiel

* Un deuxième tour organisé le 7 juillet

* Une arrivée au pouvoir de l'extrême-droite serait inédite

* Le scrutin fait aussi peser le risque d'une Assemblée ingouvernable

par Blandine Henault

PARIS, 30 juin (Reuters) - Les Français ont commencé à voter dimanche matin pour le premier tour des élections législatives anticipées, un scrutin surprise dont l'enjeu politique revêt un caractère inédit dans l'histoire de la Ve République.

A midi, le taux de participation en France métropolitaine s'établissait à 25,9%, en forte hausse par rapport au chiffre de 18,43% enregistré à la même heure lors du précédent scrutin de 2022, selon les données du ministère de l'Intérieur.

Dans la matinée, plusieurs figures politiques de premier plan s'étaient rendues aux urnes, parmi lesquelles Jordan Bardella, président du Rassemblement national (RN) et candidat au poste de Premier ministre, et le Premier ministre sortant Gabriel Attal.

Défendant une "clarification" après la large victoire du RN aux élections européennes, le président de la République Emmanuel Macron a provoqué un séisme politique et social en décidant début juin de dissoudre l'Assemblée nationale.

L'annonce choc a provoqué un bouleversement rapide et une polarisation accrue du paysage politique français, et plongé le pays dans l'incertitude.

A gauche, La France insoumise (LFI), le Parti socialiste (PS), le Parti communiste français (PCF) et Europe-Ecologie Les Verts (EELV) sont parvenus en un temps record, et malgré les dissensions passées, à constituer un "Nouveau Front populaire" (NFP).

A droite, la décision du président des Républicains (LR), Eric Ciotti, de s'allier au RN a fait imploser la formation créée par l'ancien président Nicolas Sarkozy et héritière du parti gaulliste.

Trois grands blocs s'affrontent désormais pour obtenir une majorité absolue à l'Assemblée nationale, fixée à 289 sièges: le RN, le NFP et la liste présidentielle "Ensemble", conduite par Gabriel Attal.

Les derniers sondages donnent le RN en tête des intentions de vote (36,6% selon le dernier rolling Ifop Fiducial pour LCI, Le Figaro et Sud Radio), devant le NFP (29%) et le camp présidentiel (20,5%).

LA PARTICIPATION, ENJEU CLÉ

Il faudra attendre le second tour du scrutin, le 7 juillet, pour savoir si la formation d'extrême-droite obtiendra la majorité absolue à l'Assemblée, ce qui pourrait porter le président du parti, Jordan Bardella, 28 ans, à Matignon.

Une arrivée au pouvoir de l'extrême-droite serait inédite dans l'histoire de la Ve République et marquerait une première cohabitation depuis celle entre Lionel Jospin et Jacques Chirac entre 1997 et 2002.

Jordan Bardella a toutefois prévenu qu'il n'acceptera le poste de Premier ministre que si son parti détient la majorité absolue, ce que les sondages ne lui garantissent pas pour le moment.

Le risque d'une Assemblée bloquée, sans possibilité d'alliance entre des camps très polarisés, est réel, un scénario qui plongerait la France dans l'inconnu.

Organisée à la hâte, la campagne électorale du premier tour des législatives a vu les différents camps s'opposer notamment sur le pouvoir d'achat et l'immigration.

Les programmes économiques très dispendieux du RN et du NFP ont par ailleurs suscité les craintes des investisseurs sur la trajectoire des finances publiques - même si le RN a défendu une posture de raison budgétaire.

Le parti eurosceptique, qui ne prône plus une sortie de la France de l'Union européenne, reste néanmoins très critique envers Bruxelles - il entend sortir du marché européen de l'électricité et réduire la participation du pays au budget commun -, ce qui pourrait fragiliser la position de Paris au sein des Vingt-Sept.

La participation sera un des enjeux clés de ce scrutin : une forte mobilisation est attendue face à la perspective d'une alternance ou d'une arrivée au pouvoir de l'extrême droite.

Le nombre de procurations a dépassé les deux millions, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur, et la participation des Français de l'étranger a atteint un record en ligne, d'après l'administration consulaire.

En 2022, seuls 47,5% des Français s'étaient rendus aux urnes pour les élections législatives organisées juste après la réélection d'Emmanuel Macron.

"Si le niveau de participation est très élevé, il y a un risque d'éparpillement du vote et nous savons que cela favorise le Rassemblement national", souligne Vincent Martigny, professeur agrégé en sciences politiques.

De fait, l'enjeu d'ici le 7 juillet tournera autour des "triangulaires" voire "quadrangulaires" si plus de deux candidats parviennent au second tour - et des stratégies électorales du NFP et du camp présidentiel pour mettre en oeuvre un éventuel "barrage républicain" au RN.

A gauche, différentes voix, dont celle du chef de file de LFI, Jean-Luc Mélenchon, ont d'ores et déjà appelé leurs électeurs à ne pas voter pour le RN en cas du duel entre la formation de Marine Le Pen et le camp présidentiel.

Un appel qui ne résonne pas pour l'instant au sein de la majorité sortante où on se défend, à l'instar d'Emmanuel Macron, de tout "esprit de défaite".

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LE POINT sur les élections législatives anticipées en France (Rédigé par Blandine Hénault, avec la contribution de John Cotton et Benjamin Mallet)