Le débat sur la surchauffe des actifs à risque n'est pas près de s'arrêter avec les gains accumulés depuis la réélection de Donald Trump. Voici un florilège de chiffres qui me paraissent assez emblématiques.
Le Russell 2000 a gagné 7,7% depuis le 6 novembre (soit quatre séances). L'indice des petites valeurs américaines est très sensible à la rhétorique trumpiste, davantage qu'à la perspective de voir les taux baisser. Il est en effet riche en petites industrielles et en valeurs financières régionales.
Le bitcoin a gagné 28% depuis le 6 novembre (soit 6 séances, parce qu'il cote en continu). La conversion de Donald Trump aux cryptomonnaies a créé un gros engouement spéculatif. D'autres cryptos en ont d'ailleurs profité, notamment Solana (+33%), ainsi que le reste de l'écosystème, notamment la société de minage de cryptos Riot Platforms (+54%) ou MicroStrategy (+50%) et sa réserve de bitcoins. MicroStrategy et sa capitalisation de 68 Mds$, qui vient de dépasser celle de la grande banque italienne Unicredit et qui se rapproche de celle de BNP Paribas, pour vous donner une idée. Peut-être parce qu'aucune des deux ne possède 279 420 bitcoins, dont la valeur avoisine ce matin… 24,6 milliards de dollars.
Tesla a pris 39% depuis l'élection. La société n'est pas plus rentable qu'avant, elle n'a pas résolu son problème de marché du véhicule électrique embouteillé, mais son patron est désormais assis et bien assis à la droite du père. C'est le seul dossier apparenté à la transition énergétique qui ne s'est pas fait éparpiller façon puzzle dernièrement. Parce qu'Elon Musk est du bon côté de la barrière.
Enfin, l'indice S&P500 est en hausse de 26% depuis le 1er janvier, après avoir franchi hier soir pour la première fois le cap des 6000 points. La performance est époustouflante, même si elle est loin d'être exceptionnelle. Sur les 30 dernières années, l'indice large américain a fait mieux pas moins de 7 fois (record : +34,1% en 1995, voir en bas à droite de cette page les autres variations). Les stratèges des grandes banques américaines estiment en majorité que la force de traction de l'élection de Trump va permettre d'aller plus haut d'ici la fin de l'année.
Il y a d'autres illustrations de ce que l'on appelle le "Trump Trade", notamment les banques régionales et les prisons, comme l'illustre l'article "Ce que les marchés nous disent de l'agenda de Trump" que nous avons rédigé hier.
Tout cela ressemble furieusement à un lâcher d'esprits animaux sur les marchés. J'avais l'intention d'en parler ce matin quand je me suis rendu compte que quelqu'un de beaucoup plus crédible et reconnu que moi s'en était déjà emparé. En l'occurrence Ed Yardeni, infatigable statisticien des marchés américains, qui a signé un papier hier sur la similarité entre la situation actuelle et la première élection de Donald Trump, qui avait déjà suscité une déferlante d'esprits animaux. "Animal Spirits" est une expression de Keynes pour définir que l'homo economicus n'est pas forcément rationnel et que la psychologie joue un rôle important en économie. Yardeni résume "Le marché boursier a sauté de joie en apprenant que les résultats de l'élection étaient définitifs, ce qui a permis d'éviter une élection contestée. Les investisseurs sont également ravis du changement de régime en faveur d'une administration plus favorable aux entreprises, qui encourage les réductions d'impôts et la déréglementation." Concrètement, il pense que la mesure la plus facile à mettre en œuvre par la nouvelle administration sera la baisse du taux d'imposition (de 21 à 15%), ce qui permettra d'améliorer les bénéfices moyens du S&P500 de 5,4% en 2025 et de 6,6% en 2026. Une accélération renforcée par les gains de productivité et la déréglementation. Ed Yardeni a fait le buzz hier en pronostiquant un S&P500 à 10 000 points d'ici la fin de la décennie, soit une hausse de 67% pour l'indice. C'est commode ce genre de chiffre rond, ça impressionne. Au final, cela représente une hausse annuelle moyenne de 8,9% par an sur 2025/2030… qui est plutôt inférieure à la moyenne long terme de l'indice. De façon plus pragmatique, Yardeni voit le S&P500 à 6100 points d'ici la fin de l'année, ce qui lui laisserait un potentiel de 1,7% environ. Les amateurs de rallye de Noël risquent d'être déçus si ce scénario se vérifie.
Pour le reste, la séance de la veille a été marquée par un rebond assez marqué en Europe, où l'on redoute malgré tout le retour aux affaires de Donald Trump, qui remet l'économie du vieux continent entre le marteau américain et l'enclume asiatique. L'euro poursuit d'ailleurs sa glissade, comme une vulgaire devise émergente. Le pétrole baisse aussi : la politique américaine pro-pompage ne présage rien de bon pour l'influence de l'OPEP+, qui doit résoudre l'équation impossible de tenter de gonfler les prix en réduisant la production, sans perdre de parts de marché.
En Chine, ça bouge toujours pas mal, entre bilan de la journée des célibataires (une sorte de Black Friday en concentré) et rumeurs et déceptions sur les politiques de soutien. Dernière information en date made in Bloomberg, Pékin pourrait alléger les taxes sur les achats de logements. On a l'impression qu'avec la confirmation du retour de Trump, les autorités chinoises cherchent à accélérer en prévision de lendemains commerciaux plus compliqués, mais avec un degré d'improvisation suspect. Pour ne rien arranger, le futur président américain a prévu de nommer Marco Rubio aux affaires étrangères et Mike Waltz conseiller à la sécurité nationale. Les deux hommes sont notoirement hostiles à Pékin.
En Asie Pacifique, la séance vire au rouge. Le Nikkei 225 japonais perd 0,4%. La Chine pique franchement du nez, de 1,1% pour le CSI300 et de près de 3% pour le Hang Seng. La Corée du Sud et Taiwan plongent de plus de 2%. L'Australie et l'Inde tiennent le choc avec des pertes limitées à 0,1%. Les indicateurs avancés européens sont baissiers.
Les temps forts économiques du jour
La seconde lecture de l'inflation allemande d'octobre sera annoncée à 8h00. L'indice ZEW de confiance des financiers allemands est pour 11h00. Tout l'agenda ici.
Les principaux changements de recommandations
- ABB Ltd : JP Morgan maintient sa recommandation neutre avec un objectif de cours relevé de 45 à 49 CHF.
- Adyen : Goldman Sachs maintient sa recommandation d'achat et relève l'objectif de cours de 1950 à 2100 EUR.
- Almirall : Alantra Equities améliore sa recommandation de neutre à achat avec un objectif de cours relevé de 10,50 EUR à 10,90 EUR.
- ArgenX : Wolfe Research améliore sa recommandation de performance de marché à surperformance avec un objectif de cours de 697 USD.
- BMW AG : Morgan Stanley améliore sa recommandation de pondération de marché à surpondérer avec un objectif de cours de 85 EUR.
- Continental : Stifel maintient sa recommandation d'achat avec un objectif de cours relevé de 76 à 85 EUR.
- Direct Line Insurance : Jefferies passe d'acheter à conserver avec un objectif de cours réduit de 235 GBX à 165 GBX.
- Dormakaba : Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 515 à 630 CHF.
- Geberit : HSBC maintient sa recommandation de conserver avec un objectif de cours relevé de 481 à 493 CHF.
- GSK Plc : Jefferies passe d'acheter à conserver avec un objectif de cours réduit de 2000 GBX à 1525 GBX.
- Holcim : HSBC maintient sa recommandation de conserver avec un objectif de cours relevé de 84 à 85 CHF.
- Nexans : Goldman Sachs maintient sa recommandation neutre avec un objectif de cours relevé de 125 à 127 EUR.
- Safran : Bernstein maintient sa recommandation de performance de marché avec un objectif de cours relevé de 220 à 250 EUR.
- Sika : HSBC maintient sa recommandation d'achat avec un objectif de cours réduit de 370 à 330 CHF.
- Terveystalo : Inderes améliore sa recommandation d'alléger à accumuler avec un objectif de cours de 10,80 EUR.
- UBS Group : Morgan Stanley maintient sa recommandation de surpondérer et relève l'objectif de cours de 31 à 34 CHF.
- Vicat : HSBC maintient sa recommandation d'achat avec un objectif de cours relevé de 37 à 43 EUR.
En France
Annonces importantes (et moins importantes… Je précise que les informations sont données à chaud avant l'ouverture et ne préjugent pas de la couleur des actions pendant la séance)
- Bureau Veritas rachète Versatec Energy.
- Valneva a organisé une série de présentations investisseurs aux Etats-Unis et en Europe.
- DBV Technologies va modifier le ratio de ses ADS aux Etats-Unis.
- Claranova rachète les minoritaires de PlanetArt pour 20 M€.
- Les principales publications du jour : Viel, Altamir, Figeac Aero, Forsee Power… Le reste ici.
Dans le vaste monde
Annonces importantes (et moins importantes)
D'Europe
- Evotec s'envole de 17% après la rumeur d'un rachat par le fonds Triton.
- Moncler n'est pas en pourparlers pour le rachat de Burberry, selon Reuters.
- Bayer revoit à la baisse ses prévisions de bénéfices d'exploitation.
- Infineon prévoit un chiffre d'affaires "modéré" pour 2025 après avoir réalisé un chiffre d'affaires conforme aux attentes au quatrième trimestre fiscal.
- Siemens Energy remporte une commande de 1,3 milliard de dollars pour des éoliennes ScottishPower.
- Iveco et Leonardo ont conclu un accord préliminaire en vue de former une entreprise commune avec Rheinmetall, avec une participation d'Iveco de 12 à 15%, pour développer et produire des véhicules de combat pour l'armée italienne.
- Temenos dévoile son nouveau plan stratégique et ses objectifs pour 2028.
- Mediobanca dépasse ses estimations pour le premier trimestre fiscal.
- Brenntag ne parvient pas à atteindre les estimations de bénéfices de base pour le troisième trimestre, en raison de coûts élevés.
- Saab propose de vendre des avions de combat Gripen à la Colombie et envisage un accord avec le Pérou.
- Lonza étend ses capacités dans les bioconjugués à Viège.
- Maire propose des droits de vote additionnels aux actionnaires de long terme.
- Partners Group engage des banques pour la cotation potentielle du fabricant de courroies transporteuses Ammega.
- Le gouvernement italien a approuvé l'investissement potentiel de Lufthansa dans l'entreprise publique ITA Airways.
- Les principales publications du jour : AstraZeneca, Alcon, Infineon Technologies, Bayer, Vodafone Group, CEZ, EnBW, Mediobanca, Brenntag…
D'Amérique du Nord
- Live Nation bondit de 7% hors séance après ses trimestriels.
- Les actions d'AbbVie plongent après l'échec en phase II de l'Emraclidine contre la schizophrénie.
- Chipotle a nommé Scott Boatwright au poste de CEO. Par ailleurs, la société fait face à une action en justice de la part d'actionnaires pour dissimulation présumée de tailles de portions.
- Cardinal Health acquiert GI Alliance et Advanced Diabetes pour environ 3,9 milliards de dollars.
- Mattel a accidentellement mis un lien vers un site pornographique sur l'emballage des poupées Wicked.
- Amazon développe des lunettes de conducteur pour des livraisons plus rapides.
- 23andMe supprime 40% de ses effectifs.
- Boeing annonce le départ de sa directrice de la qualité (dont on ignorait qu'elle existât).
- Les principales publications du jour : The Home Depot, Shopify, Spotify, Sea Limited, Occidental Petroleum, Flutter Entertainment, Live Nation, BeiGene, Tyson Foods, Tencent Music Entertainment Group…
D'Asie Pacifique et d'ailleurs
- Alibaba affirme avoir engrangé un nombre record d'acheteurs pendant la journée des célibataires, qui se tenait hier soir.
- L'action Nissan bondit de plus de 20% après la prise de participation de l'activiste Effissimo.
- COMAC annonce qu'Air China sera le premier client du gros porteur C929 en cours de développement.
- Baidu renforce sa gamme d'IA avec un générateur de texte à partir d'images et un constructeur d'applications sans code.
- Recruit Holdings a subi une baisse de 15% de son bénéfice net au premier semestre de l'année fiscale.
- Les principales publications du jour : SoftBank Group, Tokyo Electron…
Le reste de l'agenda mondial des publications ici.
Lectures
- Lettre à Elon Musk (Francis Fukuyama, en anglais).
- Don Wilson est-il le trader le plus intelligent du monde ? (Financial Times, en anglais).
- Warren Buffett sait-il quelque chose que nous ignorons ? (Wall Street Journal, en anglais).
- Petite histoire de la première minute de silence (RetroNews).
- La mitrailleuse IA du futur est déjà là (Wired, en anglais).